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Où est passée la voiture familiale?

De nos jours, ce qui vend, c’est l’aventure. La famille, ce n’est pas sexy.

Par
Jean-Simon Fabien
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C’est-tu juste moi ou c’est rendu que 1 char sur 5 sur l’autoroute est soit un Nissan Rogue charcoal, soit un Volkswagen Tiguan anthracite? La bonne vieille familiale, on n’en voit pratiquement plus et elle semble avoir carrément disparu des salles de montre des concessionnaires.

Pourtant, on continue à faire des enfants à ce que je sache? Malgré tout, il semble que les constructeurs automobiles aient délaissé la catégorie.

Et je ne suis pas le seul à l’avoir remarqué! Il s’agit d’une tendance du marché : les Nord-Américains A-D-O-R-E-N-T leurs véhicules utilitaires sport autant que Martin Petit aime son Ram.

S’il est vrai qu’on retrouve encore une bonne concentration de Honda Civic à Terrebonne (montée ou pas) et de Subaru Crosstrek dans Rosemont, le marché québécois n’échappe pas à la popularité des RAV4 et CX-5 de ce monde.

J’en ai parlé avec le journaliste automobile et chroniqueur à l’émission RPM, Luc-Olivier Chamberland, pour tenter de comprendre pourquoi la si pratique voiture familiale a été supplantée par les VUS.

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Des constructeurs opportunistes

Tout d’abord, il faut savoir que jusqu’à tout récemment, les constructeurs n’avaient pas le choix de produire des petites voitures : les normes d’émissions de gaz à effet de serre les contraignaient à offrir des véhicules à faible consommation.

Or, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. L’innovation technologique leur permet maintenant de se conformer au cadre réglementaire des États en matière d’émission de CO2, même en produisant davantage de VUS.

Je paraphrase l’explication de Luc-Olivier : comme la consommation de carburant est fixée selon la catégorie de véhicules et en fonction de la production totale du fabricant, l’intégration de modèles électriques et hybrides dans leurs gammes permet aux constructeurs de se conformer plus facilement à la réglementation en vigueur et donc, de produire des véhicules plus gros qui consomment techniquement moins.

« Le cadre réglementaire entourant la consommation des petits véhicules est aussi beaucoup plus contraignant qu’il ne l’est pour les VUS, ajoute le journaliste. Les faire monter en catégorie donne aux constructeurs plus de latitude. »

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C’est pourquoi Kia a largué ses modèles compacts et que Honda et Hyundai ont remplacé la Fit et l’Accent par deux petits VUS.

Ajoutez à ça des marges bénéficiaires qui sont beaucoup plus grandes pour les VUS et vous avez un incitatif supplémentaire pour les constructeurs.

Une clientèle compartimentée

Pour les fabricants de voitures, un consommateur ne peut être à la fois une personne active qui fait du vélo de montagne, qui habite en ville, en plus d’être un parent qui s’attend à un minimum de capacité de chargement dans son véhicule.

« Les constructeurs segmentent leur clientèle à outrance. Leur stratégie est simple : si tu as des enfants et que tu veux de l’espace cargo, paie pour l’avoir. »

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Alors que je racontais au chroniqueur avoir été étonné par l’espace restreint du coffre du HR-V de Honda, il a enchaîné avec cette pépite de citation :

« De la perspective de Honda, le HR-V n’est pas un véhicule familial. Si tu as des enfants, on a un beau CR-V à 8000$ de plus à t’offrir. Et si tu veux un peu plus d’espace encore, pour un autre 8000$, on a un Passport pour toi et si tu veux une troisième rangée de sièges, on a le Pilot à 3000$ de plus, qui est essentiellement le même véhicule que le Passport. »

À noter que c’est pareil chez Nissan, Volkswagen, Kia et les autres. Toujours, l’idée est de vendre le modèle supérieur. En cas de doute, supersize toute!

On ne sait jamais : d’un coup que la famille s’agrandit au même moment où je me découvre une passion pour le kayak de mer tout en faisant du télétravail en haute montagne(!).

Même Martin Deschamps le chante dans le jingle de Paillé Paillé : un char neuf, c’est une aventure vers la liberté. Rien que ça!

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Vendre une expérience

De nos jours, ce qui vend, c’est l’aventure. La famille, ce n’est pas sexy et c’est pourquoi les constructeurs s’éloignent des messages de fiabilité et de sécurité au profit d’éléments accrocheurs et tape à l’œil comme les roues de 20 pouces. Oldest trick in the book, selon Luc-Olivier.

« C’est sûr que ça look plus que des 18 pouces, mais c’est aussi 150$ de plus par pneu quand vient le temps de les changer. »

Ça m’a rappelé cette scène drôlement absurde du film Horloge biologique dans laquelle un des protagonistes se résout à troquer sa voiture sport pour une minifourgonnette. Le vendeur, flairant la bonne affaire, suggère au père (en deuil) d’opter pour le volant gainé en cuir, qui évoque la performance. Luc-Olivier complète :

« Aujourd’hui, les consommateurs n’ont, pour la plupart, aucune idée de ce qu’il y a sous le capot de leur véhicule. Ils achètent un système de son, un écran et un chiffre de consommation de carburant. »

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À cela, j’ajouterais également une clé numérique pour emprunter le Seltos de Mélissa Désormeaux-Poulin.

Parce que, encore une fois, ce n’est pas sexy de juste vouloir une auto fonctionnelle, fiable et sécuritaire pour sa famille. Ce qu’on recherche maintenant – apparemment -, c’est l’aventure, le télétravail en haute montagne, l’expérience… Bref, on cherche le wah et d’ici à ce qu’on trouve ce que ça veut dire, the bigger the better.

Ici gît donc la voiture familiale. Année du décès : 2024. Repose en paix. Tu nous manqueras.

Vroum vroum les parents!