Quand URBANIA m’a demandé d’aller couvrir une course de quadriporteurs dans le cadre du Branle-Bas d’Hochelaga, je m’attendais à une activité un peu niaiseuse remplie de hipsters qui se font rire à faire la course sur leur monture sans grande envergure.
Parce qu’on va se le dire, les quadriporteurs ont tendance à avoir mauvaise presse. Je sais que c’est un accessoire médical important qui peut permettre à des personnes à mobilité réduite de retrouver leur mobilité et leur liberté, mais j’ai tendance à repenser à ces voisins d’en bas dans le bloc de mon ancien appartement qui sortaient dehors en quadriporteur pour blaster du Paul Piché en fumant des clopes et en calant des canettes jusqu’à ce qu’ils se tannent et qu’ils retournent chez eux, laissant quadriporteur et vieilles canettes devant la porte.
Bref, le quadriporteur ne jouit pas de la meilleure réputation.
Mais ce que j’ai découvert lors de cette course, c’est un quartier qui a un charmant sens de l’autodérision et surtout, une population qui possède quelque chose qu’on voit rarement en ville : un sens de la communauté.
Un événement sympathique
Il y a des petites familles au look bobo, des personnes âgées assises sur leur propre quadri ou triporteur (ils viennent peut-être noter des trucs), des punks avec leurs chiens, de jeunes enfants et des mères d’adolescents.
J’arrive au site de la course avec une bonne vingtaine de minutes d’avance, mais déjà une foule bigarrée s’est pressée autour des barrières de métal qui délimitent le terrain de course. Les curieux sont nombreux, et hétéroclites. Il y a des petites familles au look bobo, des personnes âgées assises sur leur propre quadri ou triporteur (ils viennent peut-être noter des trucs), des punks avec leurs chiens, de jeunes enfants et des mères d’adolescents. Bref, le quartier est métissé, mais tout le monde aime les quadriporteurs.
J’aborde une petite famille à côté de moi et le père se révèle être le maire d’arrondissement d’Hochelaga (comme quoi même le gratin politique a été attiré par cet événement insolite). Visiblement, tout le monde est là.
L’animateur, énergique, explique les règles : chacun leur tour, les participants doivent suivre un parcours de slalom entre des cônes, s’arrêter pour lancer des balles dans un panier, compléter un stationnement à reculons, puis aller se faire prendre en photo avec une enseigne #Hochelaga.
Un jury composé de membres du public évalue alors la performance de chacun selon la rapidité, évidemment, mais aussi selon le style, l’agilité et le charisme.
Bref, c’est pas une compétition très sérieuse, il n’y aura pas de collisions violentes en quadriporteur, tout le monde est là pour s’amuser.
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Les concurrents sur la ligne de départ
Des cél ébrités locales
L’animateur (je n’ai pas retenu son nom, mais chapeau, il était en feu) présente tour à tour les participants, la plupart des personnes âgées, qui s’amusent à saluer la foule. Sur le coup, je me dis que c’est le fun, que c’est comme un petit moment de gloire pour des gens qui n’en vivent pas tous les jours.
Mais rapidement, je me rends compte que je fais erreur. Moi, qui n’habite pas le quartier, je ne connais pas ces gens. Mais les habitants d’Hochelag’, eux, savent très bien de qui il s’agit.
Ce sont de véritables célébrités locales, des gens qu’ils croisent tous les jours en marchant dans la rue ou en allant faire leurs courses.
Mireille est la préférée de tout le monde parce qu’elle a la réputation d’être une dame gentille, qui parle à tout le monde et qui prend soin des gens du quartier qui sont dans le besoin.
On me parle même avec enthousiasme de Mireille, la favorite de la foule. Mireille est la préférée de tout le monde parce qu’elle a la réputation d’être une dame gentille, qui parle à tout le monde et qui prend soin des gens du quartier qui sont dans le besoin.
Et quand elle salue la foule avec son beau grand sourire chaleureux, c’est en effet difficile de ne pas l’aimer.
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Qui va gagner? Le suspense est INSOUTENABLE.
Une course endiablée
Ce genre d’événement aurait vite pu devenir une occasion de rire de gens qui vivent parfois avec des handicaps. On aurait pu leur adresser des rires moqueurs, ricaner devant leur exploit.
C’est rafraîchissant, regarder une compétition où les spectateurs ne font pas juste live-tweeter des insultes.
Or, il n’en est rien. Tout le monde se prend au jeu dans un plaisir sincère. Quand un(e) participant(e) réussit à lancer une balle dans le panier, les cris de joie fusent de toute part. Spontanément, les gens se mettent à crier le nom des concurrents.
Tous passent un bon moment, et sont juste heureux de voir les concurrents s’amuser.
C’est rafraîchissant, regarder une compétition où les spectateurs ne font pas juste live-tweeter des insultes.
Une championne triomphante
L’animateur annonce le résultat des délibérations des juges : c’est Mireille qui est championne de la course de quadriporteurs 2019!
Oui, elle a été rapide, mais entre vous et moi, je pense que c’est le charisme qui a fait la différence. Tout le monde semble aimer celle qui fait un dernier tour de piste, son trophée dans les mains.
D’ailleurs, alors que je l’attends pour faire une petite entrevue post-course, je vois des gens faire la file pour lui taper dans la main.
« Ici, c’est un quartier de monde, pas un quartier de snobs. Les gens sont fiers d’habiter ici. Moi, ça fait 50 ans passés que j’habite ici et je ne changerais pas de quartier pour rien au monde ».
Avant que j’aille parler à Mireille, ma blonde, qui m’accompagnait, me demande quelles questions je pensais lui poser. Je lui réponds que je vais parler de la course, tout simplement. Ma copine (qui devrait faire ma job) me dit que je dois absolument lui parler du quartier; la fierté hochelagaise semble être la toile de fond de toute la course.
Finalement, je n’ai même pas besoin d’aborder le sujet. Je commence mon entrevue en demandant à Mireille ses impressions, et tout de suite elle me répond : « Je suis contente d’être dans mon quartier et de faire quelque chose de bien! »
Et quand je lui demande pourquoi elle aime tant son quartier, sa réponse me parle : « Ici, c’est un quartier de monde, pas un quartier de snobs. Les gens sont fiers d’habiter ici. Moi, ça fait 50 ans passés que j’habite ici et je ne changerais pas de quartier pour rien au monde ».
Je m’attendais à bien des choses en allant voir cette course, mais certainement pas à commencer à me chercher un appartement dans Hochelaga…