LogoSponsor

On a testé un « side hustle » qui promet un revenu passif sans effort

« Voici une technique si simple que même une roche serait capable de la mettre en application. »

Par
Julien Lamoureux
Publicité

En cette époque inflationniste, rares sont les personnes qui cracheraient sur un revenu d’appoint qui ne nécessite pas trop d’efforts ni de butcher son emploi principal. C’est peut-être pourquoi YouTube, Instagram et TikTok sont remplis d’idées de side hustles (une activité ou entreprise secondaire, en français) qui promettent une entrée d’argent passive.

Est-ce que c’est trop beau pour être vrai? Quatre95 a décidé de mettre un side hustle à l’essai.

Après une recherche méticuleuse, on se rend compte que la plupart de ces revenus d’appoint sont présentés par des infleunceur.euse.s américain.e.s. On en recense très peu au Québec. J’ai regardé plusieurs vidéos et je me suis laissé tenter par celle-ci : créer des morceaux de vêtements à vendre sur la plateforme populaire Etsy.

Publicité

Si vous aussi, le ton de voix du présentateur vous angoisse un peu, voici un résumé pour que vous n’ayez pas à l’écouter en entier : l’idée est d’automatiser la production des articles (dans mon cas, une casquette et un t-shirt) avec Printify, un service connecté à mon magasin Etsy qui va produire les vêtements au fur et à mesure que j’en vends. Ainsi, pas besoin de tenir un inventaire ou de faire des dépenses en amont.

Dans mon cas, j’ai créé deux articles avec des philosophies différentes :

En premier lieu, une casquette très nichée pour les amateurs de bâtiments de type « flatiron » (les bureaux d’URBANIA, sur la rue Notre-Dame, se trouvent dans une bâtisse de ce type). Ma logique était que ça allait se démarquer du lot et que quiconque voulant montrer son amour pour cette étrange architecture en triangle isocèle tomberait sur ma casquette.

Ensuite, j’ai voulu un morceau de linge plus généraliste. J’ai donc créé un design rétro pour les personnes nées dans les années 90, avec des objets rappelant la jeunesse de cette génération.

Publicité

Et puis… c’est tout. Nigel, le créateur du tutoriel que j’ai utilisé, ne parle pas de promotion ou de marketing; il n’invite pas à choisir de bons mots-clés ou à mettre un peu d’argent pour que nos articles se retrouvent plus haut dans les moteurs de recherche. Selon lui, l’argent va juste commencer à rentrer.

Le doute s’installe

À la fin de la vidéo, notre nouvel ami montre un chandail sur Etsy. On ne sait pas trop si c’est sa propre annonce ou s’il en a juste pris une au hasard. Son but est de montrer le profit potentiel qu’on peut espérer.

Il multiplie donc le prix du chandail (35 $) par le nombre de ventes (3 199 articles vendus) et clame que ce t-shirt a rapporté 111 965 $. Premier red flag : ce calcul simpliste ne prend pas en compte les coûts de production sur Printify, qui tournent autour de 50 % du prix de vente.

Le calcul de Nigel qui montre le supposé profit fait sur la vente d’un t-shirt.
Le calcul de Nigel qui montre le supposé profit fait sur la vente d’un t-shirt.
Publicité

Deuxième red flag : notre instructeur ne nous montre jamais son propre magasin Etsy et ses produits. Tout porte à croire qu’il ne fait qu’expliquer la démarche, mais qu’il n’a jamais vraiment essayé son truc par lui-même.

Troisième red flag : quand ça a l’air aussi facile de faire 111 965 $, c’est qu’il y a probablement anguille sous roche.

Comme de raison, dans les presque trois semaines depuis que j’ai créé mon magasin Etsy et mis mes deux articles en vente, j’ai eu sept « vues » et réalisé zéro vente, pour un profit de 0,00 $. (Ces sept visites sont les clics de la cheffe de marque de Quatre95 à qui j’ai envoyé, tout fier de moi, ma casquette et mon t-shirt.)

Le magot.
Le magot.
Publicité

« Suivez ce cours donné par mon mentor »

« De nombreux créateurs de contenu qui se vantent de proposer des “étapes simples” vers la liberté financière n’expliquent pas les véritables enjeux des tactiques de création d’argent qu’ils promeuvent », écrit Eve Upton-Clark dans un article sur Business Insider qui traite des side hustles.

En effet, des marchés qui semblent prometteurs et faciles d’accès, comme le dropshipping ou la vente directe que j’ai tenté d’appliquer, sont saturés. Sur Etsy, une recherche pour « t-shirt » retourne 7,4 millions de résultats et « casquette », 1,1 million. « Flatiron Cap » me donne plus de 300 produits et le mien n’apparaît même pas sur la première page.

En fait, toujours selon Eve Upton-Clark, une fois qu’ils réussissent à avoir une petite audience, des entrepreneurs comme Nigel « peuvent ensuite utiliser les médias sociaux pour vendre des cours qui promettent d’apprendre aux gens comment devenir riches grâce à des revenus passifs ».

Publicité

En regardant plus attentivement le compte Instagram de Nigel, je réalise qu’il renvoie souvent les gens au lien qui se trouve dans son profil et que ce lien mène à… un cours en ligne donné par son « mentor » qui promet d’atteindre l’indépendance financière.

Joshua Mayo, un YouTubeur avec 700 000 abonné.e.s qui propose lui aussi des dizaines de side hustle, invite également les gens à se rendre sur le site web de la mystérieuse Mayo University, où l’on promet « des cours sur l’argent, des ressources et plus encore ». Cette « université » n’est toutefois pas encore ouverte.

Publicité

La stratégie de Nigel est donc : créer des vidéos virales avec des stratégies bidon ➡️ amener des clics sur son profil ➡️ promouvoir le cours en ligne de Philip Johansen, son mentor ➡️ recevoir une cote lorsque les internautes s’abonnent au cours. C’est le principe du marketing d’affiliation, ou affiliate marketing. Nigel se dit d’ailleurs « Affiliate Marketing Mentor » sur son profil Instagram. Il fait clairement plus de bidoux avec ça qu’avec des t-shirts.

La vidéo du tutoriel que j’ai mis en pratique a accumulé 10 000 likes, 11 000 partages et 230 commentaires. Parmi ceux-ci, personne ne témoigne avoir réussi à faire de bonnes ventes sur Etsy. Mais ce n’est pas le but : toutes ces paires d’yeux qui passent sur le profil de Nigel sont de possibles inscriptions au cours en ligne.Le prix dudit cours?

Environ 2 500 $. Pour une approche « sans dépense en amont », on repassera.

Publicité