Nouveau parc riverain à Lachine : redonner les berges à ses citoyens

«Les couchers de soleil ici sont magiques», confie la mairesse d’arrondissement de Lachine, Maja Vodanovic, en fixant l’horizon vers le lac Saint-Louis juste à l’ouest de nous.

Cet éloge à cette grosse boule de feu survient à l’occasion d’un tour guidé du nouveau parc riverain de Lachine, où trônait l’ancienne marina de plaisanciers il y a encore quelques mois.

Dehors a eu accès aux nouvelles installations à la veille de la conférence de presse qui marquera le lancement officiel de l’ambitieux projet. On a donc pu y jeter un oeil en exclusivité et en apprendre plus sur le sujet.

Annoncée il y a quelques mois, la transformation de ce lieu autrefois réservé à quelque 450 propriétaires de bateaux vise à «redonner cet espace unique» aux citoyens de l’île. «C’est un plan qui nous trottait dans la tête depuis plus d’un an et on a décidé de passer à l’action», lance la mairesse.

Cet été, les visiteurs vont avoir accès à plusieurs installations «transitoires» en attendant que l’équipe de l’arrondissement ait les permis nécessaires pour poursuivre son plan d’aménagement sur 5 ans. «On va faire une consultation avec les citoyens pour savoir ce qu’ils aimeraient avoir comme services dans le parc. Ce projet-là, il est pour eux», confie Maja Vodanovic, qui aimerait notamment donner une autre vocation à certains quais afin qu’ils deviennent des aires de baignade et de détente. «C’est une des seules places sur l’île où l’eau est baignable et pas trop froide et où il n’y a pas de courant. Le fond est même assez profond pour plonger alors pourquoi ne pas en profiter!»

Pour l’heure, le parc servira surtout de «chilling spot» pour ceux qui souhaitent s’aventurer dans cette partie de l’île. «Les gens vont pouvoir venir relaxer après une ride de vélo avec un petit drink et un snack», précise Vincent Paquette cofondateur et directeur des projets spéciaux d’Îlot 84, l’entreprise responsable de l’aménagement du site pour la saison estivale.

On reconnait d’ailleurs l’oeuvre des instigateurs d’Aire Commune dans le Mile-End. Des conteneurs convertis en bar et resto, tous deux garnis de nourriture et d’alcool locales, occupe une partie d’un ancien stationnement recouvert de sable pour créer l’illusion d’une plage.

Des tables de pique-nique décorées par un artiste du coin sont disséminées sous des chapiteaux. Deux scènes assez rudimentaires, une près du canal et une autre près de la pointe, ont été créé pour que les visiteurs puissent profiter d’un show de musique au soleil couchant. «On a un partenariat avec le FME pour tenir quelques spectacles ici pendant les prochains mois. On voulait vraiment offrir une belle variété d’expériences un peu beach vibe aux visiteurs après une année aussi difficile», explique Vincent Paquette en marchant vers les futures stations d’embarcations nautiques légères comme le SUP, le kayak et le canot.

Si Montréal a déjà son lot d’installations de la sorte sur son territoire, Maja Vodanovic estime que Lachine est un lieu tout indiqué pour accueillir un projet de cette envergure. «Il n’y a pratiquement rien pour les jeunes ici. C’était important pour moi qu’il y ait une place où ils pourraient se réunir sans faire des kilomètres pour aller à l’autre bout de la ville, confie cette maman de deux. Il y a aussi un côté patrimonial unique à Lachine qui est super intéressant que l’on aimerait mettre de l’avant ainsi qu’une dimension environnementale, puisqu’on souhaite réparer et revitaliser les berges».

Si l’annonce de la reconversion de la marina en parc public a enchanté un bon nombre de citoyens, elle a aussi fait suer une shot plusieurs plaisanciers. C’est le cas de Martine Rochon, vice-présidente et porte-parole de l’Association des plaisanciers du port de plaisance de Lachine (APPPL). «Nous, depuis le début, on souhaite qu’il y ait un terrain d’entente qui puisse convenir autant aux plaisanciers qu’aux visiteurs qui désirent profiter des lieux. Mais Projet Montréal a catégoriquement refusé la proposition qu’on leur a faite à ce sujet», prétend la porte-parole.

Selon elle, près de 500 familles profitaient régulièrement de la marina, qui était municipale et non privée, et il y avait déjà une certaine cohabitation avec les amateurs de sports nautiques en tout genre avant même le projet de parc riverain. «On nous a proposé un site pour créer une marina semi-privée un peu plus loin, mais ce n’est pas viable. Il n’y a même pas assez d’eau pour que les plus grosses embarcations puissent passer» se désole cette plaisancière originaire de Lachine, qui doit maintenant aller jusqu’en Ontario pour pouvoir utiliser son bateau faute d’espace à Montréal.

Même si le projet du parc riverain va bon train, l’APPPL ne compte pas baisser les bras pour signifier son mécontentement. «On va continuer de se battre pour trouver un consensus digne de ce nom. On croit fermement que les choses peuvent être mieux pour tout le monde», lance Martine Rochon, qui invite les gens à venir au kiosque de l’APPPL à l’entrée du parc riverain le weekend prochain afin d’en «savoir plus sur leur vision de la cohabitation des lieux».

«Je suis bien au fait de leurs arguments, mais selon moi, ils ne tiennent pas la route», affirme pour sa part Maja Vodanovic. La mairesse estime que la proposition d’un aménagement mixte comme le souhaitent les plaisanciers coûterait «beaucoup trop cher», (50 millions selon elle) et n’aurait pas réglé le problème de l’érosion des berges (un phénomène naturel qui n’a rien à voir avec la présence d’embarcations selon Martine Rochon) et de l’accessibilité des lieux pour le public. «Quand on a fait évaluer l’état du site il y a environ un an et demi, on a réalisé qu’il y avait beaucoup de choses à réparer et refaire qui allaient coûter cher. On s’est posé la question : est-ce qu’on a vraiment envie de mettre autant d’argent dans un tel projet, qui favorise un certain nombre de personnes et qui n’est pas en harmonie avec nos valeurs environnementales? Et la réponse c’était non. On aimait mieux prendre cet argent-là et le réinvestir dans la communauté avec un projet comme le parc», réitère la mairesse de Lachine.

À ce titre, elle se dit en paix avec sa décision même si elle consciente de ne pas faire l’unanimité. «On verra ce que les citoyens veulent faire, mais je doute fortement qu’une majorité souhaite retrouver une marina comme on avait avant. Et si jamais je ne suis pas réélue cet automne et que le projet à long terme est annulé, je ne regretterai rien». Pour le moment, l’heure est à la réjouissance pour la mairesse avec cette météo clémente et le parc riverain pratiquement prêt à accueillir des visiteurs. «J’ai juste hâte que les gens puissent voir ce qu’on a réussi à faire et qu’ils en profitent!»