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Nos enfants vont-ils survivre à la crise climatique?

Nos enfants vont-ils survivre à la crise climatique?

Quand parentalité rime avec écoanxiété.

Par
Marie-Ève Martel
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Chaque année, l’ONG Global Footprint Network profite de la Journée mondiale de l’environnement, le 5 juin, pour annoncer le « jour du dépassement de la Terre », dont la date varie d’année en année et correspond au moment où l’humanité a consommé l’équivalent d’une année entière de ressources renouvelables.

L’annonce de ce jour fatidique angoisse toujours Marc-André Pelletier, père de deux garçons de 10 et 12 ans. Le Trifluvien s’inquiète aussi des visées territoriales de l’administration américaine, qui souhaite envahir le Canada et le Groenland pour leurs ressources et leur positionnement stratégique dans l’Arctique.

« Je me questionne : qu’est-ce qu’ils retiennent de ce monde? Comment vont-ils grandir là-dedans? Quelles ressources allons-nous leur léguer? Feront-ils même les frais de batailles à venir pour ces ressources? Ils grandissent avec une espèce de peur ambiante des prochaines années : ça les rend anxieux et moi aussi », témoigne-t-il.

« Je ne regrette pas d’avoir eu des enfants, au contraire, mais quand on devient parent, on se dit toujours qu’on va leur laisser un monde meilleur, poursuit le père de famille. Je me demande si ce sera le cas : l’intolérance grimpe, l’économie est fragile, les écrans qui ont un impact majeur sur leurs interactions. J’essaie de les protéger, de ne pas trop les exposer, mais en même temps, je ne veux pas leur mentir. »

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Une centaine de kilomètres plus loin, Jessica Dufour est confrontée au même dilemme.

« Je suis très préoccupée de quitter ce monde un jour et de savoir que mes enfants et mes futurs petits-enfants potentiels [vivront] dans un monde où il n’y aura pas assez d’eau potable, illustre-t-elle. Ça entraînera des conflits importants pour cette ressource et notre pays n’a clairement pas suffisamment d’effectifs militaires pour protéger ses frontières, ni sa population, ni ses ressources… »

Double culpabilité

Justin Sirois-Marcil est travailleur social. Une grande partie de sa clientèle est constituée de personnes écoanxieuses, dont des parents.

Il constate chez ces personnes une forme de « double culpabilité », un discours qu’il entend aussi chez des individus qui, notamment pour des raisons environnementales, hésitent ou refusent de devenir parents.

« Certains se demandent quel monde ils laissent à leurs enfants, mais d’autres se demandent aussi quels enfants on laisse à notre planète, illustre Justin Sirois-Marcil. Certains se sentent coupables à l’idée d’ajouter un humain sur une planète où il manque déjà de ressources, mais en même temps, ceux qui ont des enfants s’en veulent de leur faire subir l’avenir sombre qu’ils craignent pour eux. »

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Le travailleur social souligne aussi que l’écoanxiété ne se rapporte pas qu’à l’environnement. « En grec, eco veut dire maison, rappelle-t-il. Donc le phénomène englobe toutes les inquiétudes par rapport au fait que notre maison ne pourra peut-être pas assurer notre sécurité, que cette maison soit la planète, notre ville, la nature ou notre civilisation. »

Les tensions politiques actuelles entrent aussi dans cette discussion.

Dans sa pratique, M. Sirois-Marcil remarque que les parents tentent d’inculquer des valeurs écologiques à leurs enfants. Ils renoncent aussi à certaines choses pour assurer la cohérence de ce message, comme voyager en avion ou avoir une deuxième voiture.

« Certains se disent que leurs enfants seront malheureux parce que le monde ne sera pas le même que celui qu’ils ont connu; mais le bonheur ne dépend pas seulement de l’état du monde tel qu’il est présentement », nuance Justin Sirois-Marcil.

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« Il suffit de regarder d’autres cultures dans le monde, où les gens sont heureux même en ne vivant pas dans l’abondance. Alors, peut-être que la solution, c’est d’apprendre à nos enfants à être heureux et d’être capable de s’adapter à différentes conditions. »

Que faire pour se rassurer?

Bien que certaines personnes écoanxieuses puissent se sentir impuissantes face à la situation, elles peuvent poser des gestes pour amoindrir leurs inquiétudes ou à tout le moins pour se sentir mieux, soulève Justin Sirois-Marcil.

« J’encourage les parents à poser des actions avec leurs enfants qui vont dans le sens de prendre soin du vivant et des personnes afin de développer chez eux, très jeunes, un attachement pour la vie et les humains, suggère-t-il. Ça peut-être à travers des activités en famille, comme jardiner, l’action communautaire ou avec des organismes non gouvernementaux tels que Mères au front. En développant très jeune une forme d’appartenance pour autre chose que l’artificiel, il y a plus de chance que plus tard, ces enfants soient motivés par la préservation de la vie et non des profits. »

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C’est ce que Jessica s’efforce de faire. « Ma façon de contrer tout ça, c’est l’éducation, dit-elle. J’explique à mes enfants qu’il existe des tensions politiques et je leur apprends le pouvoir de la négociation, l’autosuffisance et les bonnes habitudes de vie. »

« Je les encourage fortement à prendre soin de leur environnement, même si les autres enfants autour d’eux s’en fichent. Peut-être qu’un jour, mes enfants auront un peu d’influence sur eux. »