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La méthode Montessori a été élaborée pour des « idiots » 

Mon enfant va-t-il devenir con si j'ai pas de jouets en bois?

Par
Julie Chaumont
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Difficile de ne pas tomber sous le charme de l’approche Montessori. Sur Tik Tok et Instagram, il pleut des publications en tous genres : le toddler qui casse des œufs (sans faire un paquet d’écailles dans le bol), la superbe chambre à coucher aux couleurs neutres, l’enfant qui plie du linge et fait la vaisselle… qui ne voudrait pas ça? Mais avant de piger dans vos REER pour des jouets en bois et une éducation au privé, mieux vaut savoir dans quoi vous vous embarquez.

Pour commencer, un peu d’histoire : Montessori, c’est le nom de famille de Maria, née en Italie en 1870 et l’une des premières femmes à y obtenir un diplôme de médecine.

Pendant ses études, Maria Montessori travaille auprès d’enfants souffrant de troubles cognitifs, sensoriels ou mentaux. C’est là qu’elle élabore du matériel didactique et une méthode pédagogique leur permettant d’atteindre leur plein potentiel.

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En 1907, elle est engagée à la Casa dei Bambini (Maison des Enfants), une institution dédiée aux enfants de 3 à 7 ans d’un quartier défavorisé. Elle en profite pour tester ses méthodes pédagogiques auprès d’enfants neurotypiques. Le succès est au rendez-vous.

En 1929, elle fonde l’AMI : l’Association Montessori Internationale, qui a pour but de préserver, propager et promouvoir les principes de sa pédagogie basée sur le développement de l’autonomie de l’enfant, le respect de son propre rythme, l’autodiscipline et le libre choix.

Depuis, de nombreuses écoles Montessori ont ouvert leurs portes, en Italie et ailleurs dans le monde.

« C’est une approche qui a été élaborée pour des enfants en difficulté, sous-stimulés. C’est parti de ça pour aujourd’hui être plus quelque chose d’élite : des écoles privées, non accessibles à tous », souligne Joëlle Gaudreau, orthopédagogue et autrice de la thèse Fondements pour l’évaluation de la fidélité de l’implantation du volet primaire du curriculum Montessori : composantes essentielles et facteurs contextuels influant sur sa mise en œuvre, publiée en 2022.

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Joëlle a raison. Les écoles Montessori, bien qu’elles soient reconnues par le ministère de l’Éducation, font partie du réseau des écoles privées.

Vous devez donc vous attendre à payer environ 5000 $ par année scolaire… si vous réussissez à trouver une place!

Sans surprises, les écoles qui ont bonne réputation, comme l’École Montessori de Québec, croulent sous les demandes. Cette dernière compte 175 noms sur sa liste d’attente pour le groupe des bambins (18 mois à 3 ans).

« Depuis deux ans, j’ai même de la misère à offrir de la place à tous les enfants de mes familles, donc avant que je prenne un nom de ma liste d’attente… Je vous dirais que l’année prochaine, j’envisage d’être capable d’offrir quelques places à l’extérieur des familles qui sont déjà chez nous », révèle Catherine de Villers, directrice de l’établissement.

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D’idiots à génies

C’est quand même fascinant, de voir qu’une pédagogie élaborée pour des « idiots » (c’est pas moi qui le dis, c’est dans le film La Nouvelle Femme) soit aussi populaire.

Les parents qui ont des enfants dans une garderie ou une école Montessori semblent tous un peu meilleurs que les autres (à moins que je sois juste jalouse…). Même mes recherches m’informent que les « plus grands » de ce monde – les fondateurs de Google, Amazon, Wikipedia, etc. – ont étudié dans des écoles Montessori. Mais cette pédagogie fait-elle vraiment des miracles?

« Montessori, ça ne garantit pas les génies », me répond Pascale Quirion, guide et formatrice Montessori.

C’est aussi ce que confirme la thèse de Joëlle, qui propose une revue systématique des études portant sur les effets de l’approche Montessori sur les apprenants. Pour les enfants du primaire, on peut lire dans sa thèse que : « […] les seules dimensions pour lesquelles les résultats de plus d’une étude sont unanimement favorables à l’approche Montessori sont les compétences sociales en général et la pensée divergente, qui est liée à la créativité. » Intéressant!

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L’autrice de la thèse mentionne qu’il est cependant difficile de mener des études en éducation parce qu’il y a trop de paramètres à isoler. Elle souligne néanmoins les bienfaits du respect du rythme de l’enfant propre à l’approche Montessori. « L’approche Montessori a été développée pour être très sensorielle, pour être dans le concret, pour manipuler énormément, pour que les enfants puissent aller à leur rythme et qu’ils se concentrent. Maria Montessori trouvait que la concentration de l’enfant sur quelque chose qu’il a choisi, c’est la chose la plus précieuse. C’est ce qui permet le développement, la motivation et l’engagement de l’enfant. »

Parlant d’engagement, si vous voulez envoyer votre enfant dans une garderie ou une école Montessori, mais que vous n’appliquez pas les principes de cette pédagogie à la maison, vous risquez de frapper un mur.

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Les parents doivent absolument collaborer pour que l’enfant ait du succès. À l’École Montessori de Québec, les parents doivent même assister à une série de conférences pour être bien renseignés sur cette pédagogie et le fonctionnement de l’école.

« Il y a toute une portion d’éducation aux parents que nous avons pris en main au fil des années, parce que – avec mon équipe aussi – j’entendais toutes sortes de commentaires de la part des enseignants [sur la dynamique avec les parents] et je me disais qu’on ne pouvait pas continuer comme ça. Avec les conférences qu’on offre et qui sont ciblées pour les parents, ça leur permet de comprendre et ça facilite la vie de tout le monde. »

Montessori par ci, Montessori par là

Usine à génies ou non, le nom Montessori gagne en popularité. Et puisqu’il ne s’agit pas d’une marque ou d’un sceau officiel, tout le monde peut l’utiliser.

Ça signifie donc qu’il y a des garderies et des écoles qui s’affichent Montessori, mais qui ne comptent aucune éducatrice formée et pas ben ben plus de caractéristiques essentielles de l’approche (groupes multi âges, cycles ininterrompus de travail, etc.).

« Il y a des gens qui ont compris qu’en mettant le nom Montessori, ils augmenteraient la demande », soutient Catherine de Villers.

Pour vous aider à démêler le vrai du faux, voici quelques pistes :

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  • Assurez-vous que les profs et/ou les éducatrices ont une formation reconnue. Demandez à voir leurs diplômes. « C’est vraiment la formation qui fait la différence », soutiennent Catherine de Villers et Pascale Quirion.
  • Renseignez-vous sur la durée des périodes de travail sans interruption. « S’il y a trop de cours, ça devrait sonner une cloche chez les parents », dit Pascale Quirion.
  • Rendez-vous sur place. Catherine de Villers et Pascale Quirion affirment que les portes de l’école ou de la garderie devraient être ouvertes pour vous permettre d’aller voir comment ça se passe.

Les caractéristiques essentielles de l’approche Montessori mises en place par l’Association Montessori Internationale sont-elles respectées? Si vous ne les connaissez pas, elles sont décrites dans la thèse de Joëlle Gaudreau.

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Si vous ne trouvez pas de place dans une école ou une garderie « 100 % Montessori », sachez que certains endroits « à la Montessori » sont d’excellentes options. « Je crois qu’il n’y a pas de mal à s’inspirer de bonnes pratiques. Par exemple, j’ai acheté du matériel Montessori dont je me sers en orthopédagogie, notamment en mathématiques, parce que je trouve qu’il est extrêmement bien fait. Je m’en sers aujourd’hui dans une école régulière pour intervenir avec des élèves qui ont des difficultés de compréhension des concepts en mathématiques, surtout. Pour moi, il y a beaucoup de belles choses qu’on peut aller chercher dans cette approche-là », mentionne Joëlle.