On dit souvent que ça prend toute sorte de monde pour faire un monde. Et y a pas de meilleur endroit qu’un vestiaire de garderie pour le constater. Chaque jour est une occasion de découvrir la faune diversifiée de parents qui viennent y déposer leur enfant pour la journée.
Il y en a une variété infinie, mais on s’est dit qu’on se limiterait à neuf sortes. Parce qu’il commence à se faire tard et qu’on ne voudrait surtout pas être catégorisé comme « le parent qui est toujours le dernier à venir chercher son enfant ».
(Notez que ce texte se veut humoristique. On le sait qu’il y a des parents normaux. C’est juste que ça donnerait pas un article très intéressant. Et de toute façon, on est tous le parent gossant de quelqu’un d’autre.)
Le livreur Amazon
Pas de temps à perdre à jaser avec l’éducatrice ou à donner un p’tit bisou à Junior : aussitôt que son enfant passe le cadre de porte, ce parent se volatilise comme si Thanos venait de claquer des doigts.
Son enfant a généralement un manteau à moitié zippé, un soulier dans un pied et une sandale dans l’autre, et des cheveux qui ressemblent à ceux de Weird Barbie.
Le dépendant affectif
C’est le parent qui a de la misère à quitter son enfant le matin. Il lui dit bye huit fois, lui donne douze « dernier » bec ou câlin et le surveille une demi-heure par la fenêtre de son local pour être sûr qu’il est correct.
Être un directeur de garderie, je lui aménagerais une petite chambre dans un garde-robe et lui demanderais un loyer.
Le verbomoteur
J’ai pas encore pris mon premier café, je feel pas nécessairement pour tout savoir sur tes rénos de salle de bain et ton dernier voyage à Cancún.
Si jamais nos enfants deviennent meilleurs amis, on jasera au parc pour passer le temps pendant qu’ils mangent du sable. En attendant, un petit hochement de tête agrémenté d’un « Bonne journée! » fera amplement la job.
Le pas verbomoteur
C’est le parent qui fuit ton regard comme Leonardo Di Caprio fuit les femmes de plus de 25 ans. Il n’est pas là pour socialiser ou se faire des amis. C’est à peine s’il ne s’habille pas dans les mêmes motifs que la tapisserie pour disparaître dans le décor.
Le verbomoteur indirect
T’as beau jamais lui avoir adressé la parole, tu connais quand même sa vie dans le détail parce qu’il te la raconte via son enfant, à la troisième personne. « Maman a eu une grosse journée aujourd’hui! Elle a eu un meeting important, elle est allée chez le médecin, elle va faire du spaghetti ce soir… »
Rendu là, pars-toi un blog. Je déciderai moi-même si ça me tente de mieux te connaître. (Spoiler alert : je le lirai pas.)
Le pédiatre amateur
C’est le king du conseil non sollicité. Emma-Rose a une rougeur? Il a un remède miracle. Jaydeun-Steve refuse d’aller sur le pot? V’là un truc qui va le rendre propre en trois jours. Lili-Nuage ne veut pas manger ses brocolis? Il connaît LA recette dont tous les enfants raffolent.
Ce parent-là a toujours lu quelque chose ou entendu parler d’une étude. C’est à croire qu’il a rédigé Naître et grandir au grand complet.
Le tireur de jus
Son enfant est plus précieux que tous les autres et il mérite une attention particulière. Le matin, il donne ses directives pour la journée à l’éducatrice : « Elle s’est réveillée tôt, faudrait pas trop tarder pour la sieste; chauffez son lait 8,4 secondes au micro-ondes, elle le digère mieux comme ça. » Le soir, il veut tout savoir sur la journée de son enfant : « Combien de cacas? Quelle couleur, quelle texture? Elle a bu combien de millilitres? ».
Si vous vous demandez pourquoi il y a autant d’éducatrices en burnout, y a peut-être un début d’hypothèse ici.
Le membre du 1%
Vous ne verrez jamais ce parent-là magasiner chez Renaissance ou sur Marketplace : son enfant ne porte que du neuf, et que des grandes marques. Il vient le déposer à la garderie dans un gros VUS de luxe, vêtu de bermudas blancs et d’un pull (pas un chandail : un pull) pastel noué autour des épaules. Et ça, c’est quand c’est pas la nounou qui y va à sa place.
Pas sûr que c’est lui que Pauline Marois avait en tête quand elle a mis les CPE sur pied en 1997.
Sébastien Diaz
Il est toujours de bonne humeur, sympathique, en forme, pas de cernes sous les yeux, juste le bon dosage de sociabilité. Son enfant aussi est parfait : bien élevé, poli, serviable, c’est le préféré de l’éducatrice et des autres enfants.
Bref, il gosse. Mais juste parce qu’on est un peu jaloux et qu’on ne sait pas comment il y arrive. (Probablement un pacte avec Satan.)