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Natashquan-Montréal en solo : vaincre la peur

Entrevue avec l'ultramarathonienne qui parcourt actuellement le trajet des lignes électriques entre Natashquan et Montréal.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Dans le cadre de l’expédition ÉlectrON, URBANIA et Hydro-Québec s’associent pour vous entraîner dans une aventure extraordinaire.

Le 4 avril dernier, Caroline Côté partait de Natashquan (ville aussi connue sous le nom de Gilles Vigneault-City) en direction de Montréal, pour un trajet qui lui ferait longer 2000 km de lignes électriques, à travers des montagnes et l’immensité du nord, le tout à pied, en ski, en raquettes, en vélo et en canot. En tant que personne qui trouve ça fatigant de rester debout dans le métro, je n’ai pas le choix d’être impressionné. J’étais donc fébrile à l’idée de discuter avec l’aventurière, qui vient de sortir de la partie plus sauvage de son périple, et qui entame maintenant la dernière étape, à travers la civilisation.

Vivre la solitude

C’est une femme visiblement un peu fatiguée qui décroche au bout du fil. C’est qu’elle ressort d’un passage difficile. Pour la septième semaine de son périple, elle devait traverser les monts Valin, dans une solitude totale. Sept jours sans croiser la moindre personne : « Au début de l’expédition, les gens me disaient “je ne sais pas comment tu vas faire pour parler à personne!” Mais moi je me disais “c’est simple, je suis introvertie. C’est pas un défi!” Mais finalement, ne pas pouvoir partager les moments les plus difficiles, ne pas avoir quelqu’un pour te dire le matin : “Let’s go! Lève-toi!”, c’était complexe. On est un animal social ».

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Évidemment, elle n’est pas complètement laissée à elle-même. Elle rejoint des points de ravitaillement à intervalles réguliers, et elle partage son périple sur les réseaux sociaux. Mais comme elle le dit, « partager à l’aide de photos par après sur les réseaux sociaux, c’est pas pareil du tout ».

Et comment on fait pour gérer la solitude? « J’écris, ça m’aide à pouvoir transposer ça ». Elle tire même des leçons de cette solitude imposée : « Je me découvrais d’une façon qui est la plus authentique, comme je n’aurais jamais eu la chance de le faire dans d’autres contextes. […] Il y a eu des points où [j’ai dû] traverser des rivières […], où j’ai dû patauger seule dans des lacs pour retrouver mon itinéraire. Ça m’amène vraiment à voir jusqu’à quel point je peux me débrouiller en terme de solitude. Maintenant, c’est quelque chose que j’ai dans mon bagage, je sais que je suis capable de le faire. La peur, le découragement, l’envie d’abandonner, je suis passée par-dessus tout ça. Je suis plus forte ». Que quelqu’un lui fasse faire des conférences dans des écoles!

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Vivre avec la peur

Même si notre CV contient les mots « ultramarathonienne » et « aventurière », on n’est pas immunisée à la peur pour autant. Les imprévus se sont multipliés au cours du voyage, mais ça fait un peu partie de l’aventure : « Quand on a prévu l’expédition à Montréal, tout semblait simple et bien ordonné sur les cartes, chaque partie à sa place. Mais quand on arrive sur un terrain qui sort de Google Maps, c’est toujours de l’imprévu ».

Quel genre d’imprévus? Ils sont nombreux : « À quelques reprises, je suis arrivée près de manquer de nourriture. J’en avais amené pour 7 à 8 jours, mais finalement, oups, ça me demande plus d’énergie de monter des grosses collines, et ça me demande plus de nourriture. Quand je suis arrivée [au point de ravitaillement], j’étais affamée et en manque de nourriture. »

Aussi pendant son passage dans les monts Valin, une de ses raquettes s’est brisée, trois jours avant le prochain point de ravitaillement. Elle en rit maintenant, mais sur le coup, « j’étais vraiment hors de moi ». Elle a aussi perdu sa gourde dans la rivière : « C’est quelque chose qui semble anodin, mais faut savoir que l’eau, on la fait souvent bouillir. À la fin, il fallait que je m’abreuve directement dans la rivière, et que je me dirige en fonction du prochain plan d’eau. »

Mais comme nous tous, l’élément le plus inquiétant était de manquer de batterie sur son téléphone, qu’elle rechargeait à l’aide d’une batterie à énergie solaire. Le hic, c’est qu’à certains moments, la batterie a eu de la difficulté à fournir, surtout par grands froids : « à la fin, je tenais le GPS contre moi pour le garder au chaud, parce que j’avais de la difficulté à garder sa batterie en haut de 15 % ».
Mais pourtant, ce n’est pas ça qui lui a fait le plus peur. « Les moments qui amènent le plus de peur, je dirais que ce n’est pas les événements en tant que tels, c’est de penser au lendemain. On sait jamais ce qui se trouve devant nous. Des vallées, des températures vraiment froides… [Il y a toujours] la peur de me retrouver dans un environnement sauvage. C’était contrôlé, je n’ai pas vu de faune encore, mais il y a les grands vents, la pluie aux alentours de zéro, c’est difficile à gérer, on devient trempé et on a froid. Et il faut recommencer chaque matin. La routine de repartir dans des conditions complexes, c’est ça qui m’amenait plus de peur ». Et dire qu’on a de la misère à se lever le lundi pour aller dans notre bureau climatisé, nous.

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De beaux moments, aussi

Pourtant, toute cette expédition n’a pas été que misère et douleur. Il y a aussi des moments de grande beauté. « Il y a un moment qui m’a vraiment prise. Je venais d’avoir une journée vraiment difficile. Je n’ai pas réussi à monter ma tente, je devais me réchauffer rapidement et je n’avais plus d’énergie. J’ai donc fait une espèce de couverture avec ma tente ».
Attendez, je vous jure que le beau bout s’en vient.
« Entre 2-3 clignements d’yeux, je vois les étoiles, des milliers et des milliers, et le vent qui souffle à travers les arbres. J’ai compris dans la nuit, dans ce moment de repos là, que même dans l’adversité, on peut vivre des choses qui sont formidables. »

Et maintenant?

Même si la portion « sauvage » est terminée, l’expédition n’est pas encore complétée : « on est en quelque sorte dans l’épilogue! »

Maintenant, Caroline Côté s’apprête à descendre la rivière Saint-Maurice en canot (« une des plus belles rivières navigables au Québec selon moi »), puis à courir pour la suite de son périple, qui se termine par un marathon de 40 km jusqu’à Montréal.
Ce n’est d’ailleurs pas un changement de rythme qui se fait sans heurt : « C’est une période de transition physique. Dans les derniers temps, j’ai vraiment porté des charges lourdes, la moitié de mon poids. J’ai vraiment pris de la masse musculaire. Je dois donc changer mon corps pour devenir plus agile en course. […] J’ai plusieurs ecchymoses dans le dos et les jambes, mon corps est fatigué. »

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On sera là pour t’accueillir à l’arrivée, Caroline. Et qui sait, peut-être que j’irai en vélo. J’ai bien besoin de me mettre en forme moi aussi.

Vous pouvez suivre le périple de Caroline Côté sur le site web de l’expédition à electron.hydroquebec.com. Des mises à jour et des vidéos sont également publiées fréquemment sur les pages Facebook et Instagram d’Hydro-Québec.
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