Logo

Mon souvenir d’uni : Manon Massé

La petite histoire d’une militante au bac en théologie.

Par
Clément Hamelin
Publicité

L’université est un moment charnière de notre jeunesse. On y tisse de grandes amitiés, on se construit en tant qu’adulte et on y laisse deux trois conneries au passage. Dans Mon souvenir d’uni, des personnalités publiques nous partagent un moment de leur parcours aux études qui leur est cher. Pour ce premier essai, le Guide des universités URBANIA s’est entretenu avec Manon Massé.

Je rencontre Mme Massé au Refuge des Brasseurs à Sherbrooke. On s’est donné rendez-vous à l’extérieur du bar, juste avant un rassemblement de Québec Solidaire pour les étudiant.e.s de l’UdeS. Je vois Manon au loin qui tente au mieux de ses capacités de faire un TikTok. Pour votre info, ledit TikTok a assez bien fonctionné une fois publié.

Publicité

Avant de me partager son meilleur souvenir, elle me met en garde : « Bon, ce qu’il faut que je te dise avant, c’est que j’ai jamais terminé mes études en théologie. J’ai eu un appel (on a souvent ça en théologie, des appels). Moi, j’ai eu l’appel d’aller travailler dans le monde, dans la rue. »

«Il faut que tu t’imagines: je suis dans une université canonique et je suis lesbienne. Et tout le monde le sait, moi aussi d’ailleurs»

Une décision qui a certainement porté fruit pour la politicienne. Malgré cet avertissement, je garde mon objectif en tête : récolter sa meilleure histoire de son court (mais prolifique) parcours universitaire.

« Il faut que tu t’imagines : je suis dans une université canonique et je suis lesbienne. Et tout le monde le sait, moi aussi d’ailleurs », souligne celle qui fréquentait l’UdeM à l’époque.

« Un moment donné, j’apprends qu’un de mes collègues de classe qui voulait étudier en prêtrise, Michel de son prénom, s’est fait dire par l’université qu’il ne pouvait pas être curé, poursuit-elle. Il ne pouvait pas non plus poursuivre sa théologie parce qu’il avait eu l’honnêteté de dire qu’il était homosexuel. »

Publicité

Je dois vous avouer qu’à ce moment-là, je suis sous le choc. En créant cette série éditoriale, je m’attendais surtout à récolter des histoires de brosse. Manon m’a surpris, et elle n’avait pas dit son dernier mot.

« Et moi, ça m’avait mis hors de moi, parce que finalement, il n’a jamais pu être curé, ce gars-là, alors qu’il aurait pu faire les mêmes voeux de chasteté que les autres, s’indigne-t-elle. C’est dommage, parce que c’est un gars qui avait vraiment la fibre, il aurait été un des meilleurs. »

Comme vous devez vous en douter, Manon n’est pas restée les bras croisés.

« À ce moment-là, j’ai décidé, pour Michel, de fonder le Comité des homosexuels de la faculté de théologie à l’Université de Montréal. C’était de voir la face du prof – qui était aussi recteur – le matin où il est arrivé dans son cours, et que sur tous les pupitres – y compris le sien –, il y avait l’annonce de la mise sur pied de ce comité. Je pense que d’y voir la face est l’un des plus beaux moments de mes études! »

Publicité

Considérant l’époque et surtout le contexte religieux dans lequel elle se trouvait, Manon a semé un germe dans le mouvement LGBTQ+.

«Ce n’était pas clandestin, mais on ne s’exposait pas trop. La bataille était faite contre l’institution.»

« Au moment où on a commencé tout ça, il y avait des gens qui étaient LGBTQ+ eux-mêmes ou dont les enfants l’étaient, ça créait de la discussion, relate-t-elle. On ne se rencontrait pas durant les heures de cours, mais à côté, au P’tit Campus. Ce n’était pas clandestin, mais on ne s’exposait pas trop. La bataille était faite contre l’institution. »

La clé, selon Manon, était de ne pas confronter les profs (excepté pour la situation du recteur, mais ça, c’était mérité), qui représentaient la loi et l’ordre de la théologie canonique. Le but était tout simplement de créer un sentiment de communauté, un groupe de soutien pour les gens qui en avaient besoin.

Publicité

« Il ne faut pas oublier qu’à partir de ce moment-là, c’est devenu un cheval de bataille quotidien pour Michel, ajoute Manon. C’était aberrant qu’une personne qui était prête à tout pour faire les mêmes vœux ait été refusée par le seul fait qu’il avait été honnête. Malgré notre initiative, il a quitté l’UdeM. »

Les temps ont bien changé depuis. Mais mon échange avec Manon soulève un point qui est encore d’actualité aujourd’hui. Les campus universitaires sont des lieux d’apprentissage où se développent des mouvements sociaux qui nous aident à bâtir la société de demain.

Michel, si tu lis ceci, Manon te salue d’une main, en filmant un TikTok de l’autre.