Maude est formatrice en éducation à la sexualité chez Sexplicite et autrice du livre « Parler sexe », à paraître bientôt.
Pendant la pandémie, l’industrie des jouets sexuels a connu une croissance vertigineuse. La solitude, le télétravail, les mesures sanitaires, l’impossibilité de dater et l’ennui ont probablement contribué à cette croissance.
Je ne suis pas plus originale qu’une autre : j’ai participé à l’essor de cette industrie en me commandant des jouets que j’avais toujours très hâte de recevoir (les semaines me semblaient parfois TRÈS longues et TRÈS plates).
Un certain mardi d’été, après plusieurs jours d’une attente fébrile, on sonne enfin à ma porte pour me livrer un nouveau jouet sexu. Évidemment, une de mes filles arrive sur le fait et me demande, tout aussi excitée que moi, mais pour des raisons fort différentes des miennes, de voir ce qu’il y a dans le colis.
« Hum, hum… Comment j’te dirais bien ça… C’est un jouet d’adulte, donc je vais le déballer (et m’en servir, ce que j’ai omis de dire) seule. »
Même si c’est ma job de faire de l’éducation à la sexualité, j’ai été prise de court et j’ai assurément ressenti un malaise. Oui, oui, ça arrive même à ceux et celles dont c’est la job de parler de sexe!
Toutefois, j’ai profité de l’occasion pour lui dire qu’il existe des jouets pour adultes qui peuvent procurer du plaisir. Vous connaissez sûrement l’insistance de certain.e.s enfants lorsqu’on ne leur fournit pas la réponse qui leur convient : malgré mes explications, elle voulait voir le jouet et savoir plus précisément à quoi il sert.
J’ai choisi les mots qu’une enfant qu’elle connaît avait déjà utilisés pour dire qu’elle se masturbait quand elle était plus jeune et je lui ai dit que c’était un jouet pour se chatouiller la vulve. Elle a compris la référence, a acquiescé et est repartie.
Parler des vraies affaires
Pourquoi parler de cette situation? Parce qu’il vous est peut-être arrivé ou il vous arrivera peut-être, si vous en possédez, que vos enfants tombent sur vos jouets sexuels.
Après le sentiment de panique initial qui risque de vous envahir, je vous encourage à prendre une grande respiration et à répondre honnêtement aux questions de vos enfants à leur sujet.
Plus on parle ouvertement de plaisir et de sexualité, plus nous contribuons à ce que nos enfants développent un rapport sain avec leur corps. Lorsqu’on leur explique les choses de façon honnête, les enfants sont beaucoup plus ouverts à entendre la vérité que ce qu’on imagine.
Que vous soyez à l’aise d’avoir cette conversation ou pas, il est tout de même important de mentionner que les enfants se formalisent rarement de ce genre de situation. Par contre, lorsque nous évitons de leur répondre ou si nous leur mentons, nous leur transmettons notre malaise et l’impression qu’il est interdit de parler de sexualité ou de plaisir.
Pas besoin des autres
La sexualité n’est pas taboue d’emblée pour les enfants. Elle le devient selon les interactions qu’ils auront avec leur entourage et les messages qui leur seront transmis au sujet de la sexualité.
Plus nous intégrons des conversations à son sujet au fur et à mesure qu’ils grandissent, moins les enfants ressentiront de l’inconfort ou un malaise à en parler. Inutile d’en faire grosse conversation awkward. Saisir toutes les opportunités d’aborder différents sujets, comme les parties du corps, le consentement, le plaisir, etc., permet de normaliser le fait d’en parler.
J’ai décidé de répondre avec honnêteté parce que je ne veux pas que la masturbation soit taboue, et pour que mes filles sachent que c’est correct de le faire et d’avoir du plaisir.
Ce que j’ai aussi fait, sans m’en apercevoir sur le coup, c’est dire à ma fille que je me donne le droit au plaisir et que je n’attends pas qu’une personne extérieure me le donne. Et ça, je souhaiterais que tous les enfants l’entendent : chacun.e peut prendre en main son propre plaisir!