« Comment ça va, le baccalaurĂ©at en cinĂ©ma? » Lorsquâon me demande ça, je rĂ©ponds vaguement que ça roule, le sourire aux lĂšvres. La rĂ©ponse longue, la vraie de vraie, câest que mon bac et moi, on sâest laissĂ©s rĂ©cemment. On habite encore ensemble jusquâen avril, question dâaller jusquâau bout du bail, mais entre nous, quelque chose sâest brisĂ©. On se vante rarement de ses ruptures : ĂȘtre blessĂ©.e, câest pas glam.
on sâest fait valser pendant un bout
sur des airs Ă trois temps
jâen parlais Ă tout le monde
de son contenu
de son contenant
on sâest oxydĂ©s
en ne prenant plus de nos nouvelles
comme le trémolo de Ginette Reno
on a vacillé tellement longtemps
que ça sentait le grand final
decrescendo lent mais brutal
on sâest quittĂ©s sans ĂȘtre quittes
jâai Ă peine eu le temps dây penser
cri du coeur silencieux
qui tente encore de se convaincre
de son absurdité
de son privilĂšge
de son insolence
Ă trouver des bibittes
Ă sâinventer des bobos
jâai trop fait dâefforts
Ă entretenir la relation
pour devenir aussi aride
que lâair du mĂ©tro
les grandes claques au visage
le ice bucket challenge dans le tapis
on mâa taggĂ© dans les commentaires
je me commets, déplorable et usé
je ne parle plus au-dessus des autres
je nâai plus rien Ă dire
Ă Ă©crire
à créer
Ă la claire fontaine
mâen allant me faire promener
je nâirai plus me tremper
on exige que je mâassoie
quand câest debout que je mâexerce le mieux
on me fait bencher sur les bancs dâĂ©cole
dans ma propre Ă©quipe
mon dossard porte encore les plis du magasin
ne mâen voulez pas si je quitte la salle parfois
on mâa repĂȘchĂ© dans une autre Ă©quipe
on me fait des passes ailleurs
tu vas scrapper ton bac
sous la bureaucratie coupante
les oiseaux ivres nâont plus dâailes
scrappés par le cadre
qui nâĂ©pelle jamais leur nom
jâapprends des Ăąmes qui me planent autour
et des restes quâon oublie derriĂšre
je perce la beauté sous les cernes
mais je reste sur ma faim
le frigo est toujours vide
quand mon ventre crie le plus fort
mange
prie
aime
ma motivation absente en signe dâingratitude
la contingence de ma place comme argument de vente
vous Ă©tiez 300, on en a pris 30
je fais partie de lâĂ©lite
jâai gravi les Ă©tages dâune classe supĂ©rieure
dans une forĂȘt de bois franc qui brĂ»le par les racines
ma peau est sauvage
next floor
je suintais dâambition
des gouttelettes Ă en faire grandir un jardin
mon marathon se déshydrate
le sprint final me fait de lâoeil
jâai envie dâaller voir ailleurs
mais dâabord la haie dâhonneur
quâon me fasse monter les marches
quâon me prenne en photo
donnez moi lâor
le bronze
la carte-cadeau chez Renaud-Bray
que jâaille grandir dâamour et d âeau fraĂźche
Ă lâombre des cyprĂšs
malgrĂ© vents et tempĂȘtes
je prendrai des nouvelles
de mon premier amour
mon bac Ă moi
effervescence des premiĂšres et derniĂšres fois
stalker son feed Insta
savoir avec qui il pose
avec qui il baise
mâimaginer quâil a changĂ©
en lui souhaitant le meilleur
Ă lui
comme Ă moi
parce quâon sâest quittĂ©s sans ĂȘtre quittes
et quâil y a longtemps que je lâaime
jamais je ne lâoublierai