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Mes voisins détestent mes enfants

Mes voisins détestent mes enfants

Que faire quand on ne s’entend pas ou qu’on entend trop?

Par
Marie-Ève Martel
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Quand on est rendu à googler « à partir de combien de décibels peut-on poursuivre un voisin en justice? », il y a peut-être un problème. Et si, de l’autre côté du mur ou du plafond, un enfant joue au hockey dans le corridor ou chante à tue-tête Libérée, délivrée à six heures du matin, il y en a peut-être un autre. Quelque part entre le droit de bouger et celui de vivre en paix, il doit exister un certain équilibre. L’autre problème, c’est que personne ne l’a encore trouvé.

Mélissa B. demeure dans le même appartement depuis près d’une dizaine d’années avec ses trois enfants âgés de 11, 9 et 4 ans.

« Dans ce temps-là, c’était encore possible de pouvoir choisir son appartement, confie la mère de 33 ans. J’avais emménagé dans ce logement-là parce qu’il était au premier étage, justement pour éviter de déranger. »

Les quatre premières années se sont passées sans anicroche. « Mes anciens voisins n’étaient jamais là : elle était infirmière et lui représentant sur la route », relate Mélissa, qui demeure à Saint-Hyacinthe.

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Mais la donne a changé quand son nouveau voisin du dessus a emménagé.

« J’ai trois enfants : je le sais qu’ils ne sont pas toujours assis tranquilles sur le divan, reconnaît Mélissa. »

« Mais au début, mon voisin se plaignait directement à mon propriétaire. C’est lui qui m’écrivait pour que je demande à mes enfants de se calmer ou de baisser le ton. Il ne venait même pas me parler. »

La mère de famille soupçonne ce même voisin d’être à l’origine d’une plainte infondée à la Direction de la protection de la jeunesse à son endroit. « Il y a eu plusieurs petits événements », souligne-t-elle sans fournir plus de détails.

Deux poids, deux mesures

Ayant racheté la maison familiale de ses parents, Cindy O. habite toujours à côté du couple qui se plaignait déjà du bruit qu’elle et sa fratrie faisaient quand ils jouaient dehors, enfants.

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C’est désormais son fils de 12 ans qui fait l’objet de leurs plaintes.

« Ils se plaignent quand mon garçon est dans la piscine ou dans la cour avec ses amis et qu’ils crient, témoigne-t-elle. Moi, je suis contente que mon fils ne soit pas enfermé à jouer à des jeux vidéo. »

Elle s’explique mal ce manque de compréhension de ses voisins, surtout qu’ils sont eux-mêmes grands-parents de plusieurs petits-enfants. « Ils devraient comprendre que ça a besoin de bouger, un enfant! », dit-elle.

Cindy sait de quoi elle parle : en tant qu’enseignante en 6e année du primaire, la résidente de la région de Québec comprend que les enfants ont besoin de dépenser leur énergie.

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« À l’école, durant la journée, on leur demande de respecter les règles, et ils ont deux fois vingt minutes de récréation pour se défouler, explique-t-elle. En fin de journée, au service de garde, les élèves ne sont plus du tout concentrés; la médication de certains ne fait plus effet. Une fois rendus à la maison, le bouchon saute parce qu’ils ont été encadrés toute la journée. »

Malheureusement, elle constate que « le niveau de tolérance a beaucoup diminué pendant la pandémie. Ça fait cinq ans de ça, et on dirait qu’on vit encore dans nos bulles comme si on était en confinement », témoigne-t-elle.

Moins tolérants qu’avant, les voisins?

Evelyne C., qui vit à Granby, n’ose pas trop se plaindre à son voisin du dessous que ses enfants font du bruit. Après tout, il est aussi son propriétaire.

« Déjà, c’est un vieil immeuble, et c’est toujours long et compliqué pour faire réparer quelque chose, déplore-t-elle. J’ai l’impression que sa réaction serait la même si je lui parlais de ses enfants, ou qu’il banaliserait le problème. »

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La jeune femme, qui vivait dans cet appartement avant même la naissance des enfants, se demande parfois si c’est elle qui est intolérante. « Est-ce que c’est moi qui manque de patience ou bien c’est lui qui n’intervient pas assez? », se demande-t-elle.

Même son de cloche du côté de Lysandre M., qui demeure en Estrie. « Je les entends se crier après, courir. Ça claque les portes comme s’il n’y avait pas de lendemain », dit-il.

Lysandre a beau se plaindre à son propriétaire, rien ne change. « C’est comme si le parent avait perdu le contrôle de ses enfants. »

Elle-même mère de deux fillettes, Lena L., de Saint-Constant, a dû se plaindre plusieurs fois à sa propriétaire parce que sa voisine du dessus laissait ses enfants courir ou jouer violemment, avec des sauts et des cris.

« Des fois, je pense qu’ils répétaient un spectacle de danse », ajoute-t-elle, mentionnant que les enfants pouvaient courir et sauter bien après 20h, sans compter le son trop élevé de la musique ou de la télévision jusqu’à tard en soirée.

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Un jour, Lena a décidé de se vider le cœur auprès de sa voisine. Celle-ci a déménagé quelque temps après. « Et depuis, on cohabite avec un autre locataire et ça va beaucoup mieux! », confie-t-elle.

Le bruit, c’est normal… jusqu’à un certain point

Éducaloi nous rappelle qu’il est normal que nos voisins fassent du bruit, surtout lorsque ceux-ci ont des enfants.

Le Code civil du Québec stipule même, à son article 976, que « les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. »

La ligne est toutefois mince entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Selon la loi, pour être considéré comme excessif, le bruit doit être insupportable, répété et entraîner des inconvénients majeurs.

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Bref, lorsqu’un bruit est considéré comme démesuré par rapport à ce qui serait attendu d’une personne qui agit normalement.

La loi ne précise pas ce qu’est un bruit excessif, mais plusieurs municipalités ont limité les heures d’utilisation de certains appareils ou déterminé un plafond de décibels de manière à ne pas troubler la quiétude du voisinage.

Que faire?

La première chose à faire est de tenter de s’entendre à l’amiable. Y a-t-il des mesures qui pourraient être mises en place, des changements à apporter qui conviendraient à tout le monde?

C’est ce qu’a fait Mélissa quand elle en a eu assez que son voisin passe par un intermédiaire. « Je suis allée le voir et je lui ai demandé si on pouvait prendre un café, raconte la Maskoutaine. Je lui ai expliqué ma façon de voir les choses et je lui ai dit que c’était possible de vivre en harmonie. »

Ainsi, les deux locataires communiquent par téléphone au besoin. Cela leur permet d’ajuster leurs horaires.

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« Quand il travaille de nuit, nous allons au parc ou à la bibliothèque afin de ne pas nuire à son sommeil, illustre-t-elle. Quand c’est moi qui travaille de nuit, je lui demande d’aller faire jouer son chien à l’extérieur, au moins jusqu’à ce que je m’endorme. »

« Sans dire qu’on est des amis, on est devenus des voisins capables d’être cordiaux », ajoute Mélissa.

Si la situation empire ou ne se résout pas, il existe aussi des services de médiation citoyenne, qui permettent d’en arriver à des compromis et d’éviter un procès civil assez onéreux.

Appeler la police pour qu’elle avertisse ton voisin est une autre option, tout comme aviser le propriétaire si vous vivez dans un immeuble à logements.

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Le Tribunal administratif du logement (TAL) précise qu’il revient au propriétaire d’avertir le locataire bruyant et que des recours sont possibles. Dans les cas extrêmes, le TAL peut même résilier le bail du locataire.

À l’inverse, si le propriétaire ne fait rien et que la situation perdure, il est possible de lui envoyer une mise en demeure pour qu’il agisse, faute de quoi vous pourriez vous adresser vous-même au TAL.

Le tribunal précise qu’en cas d’inconvénient grave, le locataire lésé est en droit de demander la résiliation de son bail, une diminution de son loyer ou des dommages-intérêts.