LogoSponsor

Mères et entrepreneures : s’occuper de deux bébés en même temps

Des fichiers Excel et des couches.

Par
Arianne Maynard-Turcotte
Publicité

Des cheffes d’entreprises qui ont des enfants, il y en a beaucoup. Mais des mères qui doivent gérer la naissance et la croissance d’une entreprise en même temps que la naissance d’un bébé, il y en a moins. Roxanne Sayegh, directrice générale du Cinéma Moderne, Claudie Gravel-Niquet, fondatrice de Club Kombucha et Geneviève Everell, fondatrice de Sushi à la maison, font partie de cette catégorie de mères-entrepreneures next level. Elles ont toutes les trois accepté de répondre à nos questions sur le sujet avec beaucoup de générosité et sans aucune bullshit.

Aviez-vous des peurs liées à votre maternité et à votre entreprise avant d’avoir un enfant?

Roxanne – Avant la grossesse, je travaillais comme directrice aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal. Je voyais bien que ma seule collègue qui était maman en arrachait par moments pour conjuguer vie de famille et vie professionnelle, mais ça ne me faisait pas plus peur que ça. Même qu’une directrice de festival était venue aux RIDM avec son bébé et m’avait dit que c’était tout à fait possible… mais elle a démissionné de son poste quelques mois plus tard!

Publicité

Geneviève – J’vais être honnête : je ne voulais pas d’enfant, ça faisait 24 heures que je vivais sous le même toit que mon copain quand j’ai appris qu’on était enceinte et ça a été toute une surprise! Mais j’ai pas eu peur pour ma business parce que pour moi, travailler de la maison ça se fait vraiment bien.

Claudie – J’avais peur de ne pas pouvoir mettre autant de temps et d’énergie dans l’entreprise une fois l’arrivée de Simone. Est-ce que ça s’est avéré? Oui et non. En toute transparence, en ce moment, j’ai surtout peur de ne pas mettre assez de temps et d’énergie dans l’humain que j’ai mis au monde.

Quel est le plus grand défi auquel tu as dû faire face en tant que mère et entrepreneure?

Roxanne – Préparer l’ouverture du cinéma avec ma fille de quatre ans, alors que mon conjoint était absent pour tourner au Mexique pendant trois mois. Nos effectifs étaient réduits à ce moment-là donc c’était pas mal de stress.

Geneviève – Je vais être vraiment transparente, les premiers mois avec un bébé, j’ai vraiment pas trippé. J’avais jamais côtoyé d’enfant en bas âge, la première couche que j’ai changée c’était celle de mon fils! Alors j’ai été honnête avec moi-même : j’avais besoin d’aide. Donc je me suis bien entourée, quelqu’un venait garder Malcom à la maison deux jours par semaine, ça me permettait de continuer à travailler et de garder la tête hors de l’eau autant au travail qu’à la maison.

Publicité

Claudie – Le plus grand défi est sans hésitation d’être séparée de mon bébé plusieurs heures par jour parce que, en ayant une start-up aux ambitions élevées, j’ai dû retourner chez Club Kombucha cinq mois après avoir accouché. Je n’ai pas vraiment eu de « congé » de maternité non plus, comme je travaillais à la maison pendant les siestes et souvent quand mon chum revenait de sa journée de travail.

Est-ce qu’il y a un moment précis où tu as dû faire preuve d’une grande ingéniosité pour conjuguer travail et famille?

Roxanne – À quelques jours de l’ouverture du cinéma, je me rappelle de nettoyer et d’installer les sièges de la salle de cinéma avec ma collègue et ma fille un samedi. Je l’ai fait souvent, l’amener avec moi dans les premiers mois d’activités du Cinéma. J’allais avec ma fille vendre des billets, présenter un film, lancer la projection. Elle se cachait derrière moi pendant que je parlais au public, elle voulait scanner les billets. Plus récemment j’ai participé à des entrevues pour embaucher une personne pour faire l’intérim pendant mon congé de maternité. J’étais en vidéoconférence avec mon bébé d’un mois. Je me mettais sur « muet » pendant que les autres parlaient, mais à un moment j’ai posé une question et le bébé, qui avait fini de boire, a décidé de faire son rot et caca en même temps. Super chic, quoi!

Publicité

Geneviève – Comme je travaille beaucoup de la maison, j’ai pas vraiment eu à traîner Malcom avec moi. Sinon, je l’ai envoyé tôt à la garderie, à huit mois, pis je suis super à l’aise de dire que je sortais de la garderie en gambadant!

Claudie – Quand Simone avait un mois et demi, on a jasé de notre parcours entrepreneurial à Aire commune durant un Lunch and Learn. Simone était bien au chaud dans sa coquille et elle ne s’est pas réveillée! Elle a été trimballée partout depuis sa naissance : de rendez-vous en rendez-vous, de la maison à l’usine, elle est même allée avec moi à Toronto dans un salon alimentaire quand elle avait sept semaines. Mais une fois, je suis allée dans un atelier pour les femmes entrepreneuses et mon bébé a pleuré pas mal tout le long. Je me suis effondrée en pleurs en me disant que j’étais une mauvaise mère de ne pas offrir plus de stabilité à mon bébé. Elle était à bout et moi aussi.

Publicité

Comment gères-tu ton temps au quotidien?

Roxanne – Je suis présentement en « congé » de maternité. Je suis souvent en lien avec l’équipe au Cinéma Moderne et je continue à répondre à des courriels, faire des appels, voir des films, mais pas plus que 4-5 heures par semaine. Hors congé de maternité, j’ai essayé de travailler les derniers mois le moins possible le soir et la fin de semaine, mais comme le cinéma est en activité exactement à ce moment-là, je ne peux pas y échapper.

Geneviève – J’ai des horaires complètement atypiques. Je suis de la génération des mères avec leur cellulaire qui gère ses affaires pendant qu’elle a son bébé. Des fois je regarde les autres, j’ai le réflexe de les juger… Pis là je réalise que je suis pareille! Ça fait partie de ma vie, s’il y a une panne d’électricité au restaurant un vendredi soir, je n’ai pas le choix, faut que je le gère.

Claudie – Quand on a une entreprise, on peut avoir du travail à l’infini. Je pourrais travailler 24 heures sur 24. J’essaie de me mettre des limites.

Publicité

As-tu des conseils particuliers pour des femmes qui voudraient se lancer en affaires et avoir une famille?

Roxanne – Faut se donner des objectifs clairs par rapport ce qu’on veut accomplir, savoir tracer la ligne sur le nombre d’heures et les sacrifices financiers qu’on est prêt à faire. Il faut aussi bien évidemment avoir un bon réseau pour nous soutenir : conjoint(e), grands-parents, amis, gardien(ne)s, sinon on n’y survit pas.

Geneviève – Ce qui m’a aidée à concilier les deux, c’est de pas le prévoir! Un enfant, que tu fasses du 9 à 5 avec le meilleur fonds de pension ou que tu sois entrepreneure, c’est complètement insécurisant. Quand tu te lances en affaires, tu te jettes dans le vide pour vivre ta passion, avoir un enfant c’est un peu la même affaire. Faut juste le faire en essayant de rester authentique pis de se faire confiance dans chacun de deux rôles.

Publicité

Claudie – Je sens que ce n’est pas très original, mais je dirais de bien s’entourer. De mon côté, j’ai trois personnes clés dans ma vie sans qui le quotidien serait beaucoup plus difficile. Il y a mon conjoint qui est dangereusement irréprochable dans son rôle de chum et de papa. Ensuite, il y a ma mère. Finalement, il y a mon associée, Vivianne. Je voudrais lever mon verre (de kombucha) à cette femme vaillante qui, malgré la charge qui lui incombait, ne m’a jamais reproché d’être tombée enceinte après seulement un an d’existence de Club. J’ajouterais que toutes les femmes, qu’elles soient entrepreneuses ou pas, ont droit de conjuguer travail et famille de la manière qu’elles jugent être la meilleure selon leur situation.