La société éprouve souvent un malaise à l’idée qu’une femme puisse à la fois être mère et travailleuse du sexe, que ce soit par choix ou par contrainte. Pour essayer de comprendre ce que peuvent vivre les personnes dans cette situation, j’ai discuté avec l’une d’entre elles, Véronique.
Cette mère de deux enfants a cessé le travail du sexe il y a bientôt un an, et s’est exprimée avec un regard rétrospectif sur son expérience. De son propre aveu, elle a « presque tout fait » de là l’emploi du terme « travail du sexe » : elle a commencé comme sugar baby, avant de travailler comme escorte, comme danseuse nue, et de s’ouvrir un compte sur la plateforme OnlyFans.
Véronique précise aussi que son but n’est pas de magnifier une telle expérience.
« Ça peut être un cercle vicieux qui t’amène dans la noirceur et la dépendance, explique-t-elle. Moi, j’ai bien géré. Je n’ai jamais pris de drogue ou d’alcool avant d’aller rencontrer un client, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. »
De plus, Véronique reconnaît qu’en tant que jeune femme blanche, elle a eu le privilège de ne pas avoir à se mettre en danger, car elle correspondait à ce que beaucoup de clients recherchaient.
Pour ses enfants
Si Véronique a fait le choix du travail du sexe, c’était d’abord pour assurer de meilleures conditions de vie à ses enfants. En effet, après la séparation d’avec leur père, la jeune femme s’est retrouvée dans une situation précaire, à loger dans le salon d’amis et à fréquenter les banques alimentaires.
À cette époque, elle craignait que sa situation ne lui fasse perdre la garde de ses garçons de quatre et cinq ans. Le travail du sexe lui est donc apparu comme une solution pour améliorer rapidement ses finances. « J’avais toujours eu en tête que je ne deviendrais danseuse qu’en dernier recours », raconte Véronique.
« Je pense que beaucoup de femmes y pensent quand elles n’ont pas beaucoup d’argent. »
La jeune mère ne s’est toutefois pas lancée sans avoir mûrement réfléchi aux répercussions que son choix pourrait avoir sur sa famille. « La réflexion que beaucoup de mamans ont, avant de se lancer là-dedans, c’est par rapport à la potentielle stigmatisation dont leurs enfants pourraient souffrir, et à la possibilité qu’ils se fassent intimider à l’école », confie-t-elle.
Aborder la question avec eux
Pratiquer le travail du sexe en étant mère, c’est aussi se préparer à devoir un jour répondre aux questions de ses enfants s’ils l’apprenaient. À ce jour, les garçons de Véronique savent qu’elle a un compte OnlyFans, mais ignorent exactement quel type de contenu est disponible sur cette plateforme. « Je leur ai dit qu’on y trouvait tout et n’importe quoi, en restant assez flou sur ce que j’y publiais », explique-t-elle.
« S’ils me posent à nouveau la question dans trois ou quatre ans, j’y répondrai plus précisément », affirme Véronique.
« Mais pour le moment, c’est un peu trop tôt. » En effet, à 10 et 11 ans, ses fils découvrent encore ce qu’est la sexualité.
« Je suis très ouverte à parler de sexualité avec mes enfants », continue-t-elle. « Je ne veux pas que ça soit un tabou, alors je m’aide de livres adaptés à leur stade de développement. » Parmi ces ouvrages, elle nomme les ouvrages de Fiona Smyth et Cory Silverberg De quoi sont faits les bébés? et Sexe, ce drôle de mot.
Tabous
Selon Véronique, ces tabous existent finalement davantage avec les adultes. « D’après moi, beaucoup des gens de mon entourage sont au courant de ce que j’ai fait, mais ne sont jamais venus m’en parler. »
Elle n’a, en effet, jamais eu d’ennui avec les enseignants ou les parents des amis de ses fils par rapport à son métier. Le seul qui lui a posé problème? Le père de ses garçons, celui-là même qui l’avait laissée dans une situation financière tellement difficile qu’elle a dû se tourner vers le travail du sexe pour y remédier. « Mon ex m’a poursuivie en cours. Il a essayé de m’enlever la garde des enfants. » Si elle a finalement gagné son procès, Véronique a tout de même perdu 50 000 $ au passage.
« On ne devrait pas se juger, car on essaie tous d’offrir un avenir meilleur à nos enfants, croit Véronique. On a tous fait nos enfants en ayant du sexe, alors pourquoi juger celles qui le font pour gagner de l’argent pour offrir un toit, de la nourriture ou un cadeau de Noël à leur enfant? »