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« Mon père, qui venait des médias, a eu une bulle au cerveau et a ouvert une fromagerie pas loin d’ici, dans une vieille cordonnerie. J’en avais rien à foutre. J’étais à Montréal, bien implanté dans le milieu des arts. Et à 26 ans, il meurt et j ’hérite d’une business », lance Max Dubois en agrippant sa casquette à deux mains.
« Pina Bausch, c’est elle qui m’a créé. C’est ma maître à penser », dit-il avec émotion au sujet de la grande danseuse contemporaine d’origine allemande. Une référence qui illustre bien comment le propriétaire de l’Échoppe des Fromages ne suit aucune convention.
Portrait d’un fromager libre.
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« Un métier de cœur, un métier de marde »
Située dans le coquet « village » de Saint-Lambert, sur la Rive-Sud de Montréal, Max a fait de l’Échoppe un canevas en mouvement où chaque produit raconte une histoire. « Je me suis engagé dans toutes sortes de causes, dans le slow food, dans la valorisation de notre patrimoine alimentaire. »
Pour l’entrepreneur, aussi bien adepte de fromage fermier que de techno et d’art vidéo, l’adoption du concept « manger local » transcende une simple stratégie marketing. Pour lui, il représente un véritable soutien à l’économie familiale, une manière humaine d’établir des liens avec des artisans devenus amis. Un acte de respect envers la qualité des ingrédients, l’expertise et les méthodes de travail, mettant en lumière toute la passion et le dur labeur à l’ombre des géants comme Saputo.
« J’essaie tant bien que mal de faire des choix cohérents. »
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En offrant une gamme de fromages dans leur forme la plus authentique, dépourvue de tout artifice, Max aspire à nourrir les habitudes culinaires d’une clientèle en constante évolution et avide de découvertes.
« Il n’y a pas si longtemps, on buvait du gros Chianti qui tache ; aujourd’hui, c’est le vin nature qui séduit. Le paysage de la table québécoise est en perpétuelle mutation et cette révolution culturelle s’étend bien sûr au domaine du fromage! Au Québec, notre fromage est devenu une source de fierté. Son achat, un devoir national. Mais il est essentiel de remettre en question certains de ses mythes, notamment celui lié à son coût. »
Il n’en fallait pas plus pour le starter.
« Tout est politique, dans le monde de l’or blanc! Des quotas de production, des frais d’importations, y’a même une omertà et une mafia du lait! », peste-t-il, critiquant Agropur, le MAPAQ et l’Union des producteurs agricoles.
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Une empreinte communautaire
« Moi, j’veux attirer les tripeux de Saint-Lambert, les amoureux de culture », insiste le courailleux de cours à scrap et d’antiquaires. Le magnifique mobilier vintage de son resto-boutique provient d’anciens couvents, les luminaires de l’abattoir de Montréal et de Blue Bonnets, l’ancien hippodrome.
Cette ancienne usine de verre s’est métamorphosée en un espace combinant un comptoir de vente et un restaurant proposant des déjeuners et brunchs pendant la saison hivernale, ainsi qu’une buvette dotée d’une terrasse durant la période estivale.
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Au-delà de son ambiance cool, l’entreprise chérit son écoresponsabilité, sa réduction des déchets, et, surtout, la proximité avec son monde.
« Je fais mon épicerie là, mes courses ici, j’achète les vêtements de mes enfants juste là, je me déplace à vélo, je salue les gens dans la rue. Nous formons une communauté. Pour moi, l’Échoppe est bien plus qu’un simple commerce, c’est un centre de solidarité », affirme celui qui s’engage auprès de divers organismes, y compris la DPJ, Médecins du Monde, et même d’artistes du quartier.
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« On dit que ma fromagerie est une institution, mais je la vois comme un organe modulaire au service de projets. J’aide comme je peux. Tu connais le peintre Francis Bacon? Joseph Beuys et l’art pauvre? », demande-t-il, sans jamais s’épuiser. « On a une maison d’édition. Tiens, voici notre dernière parution. Pressée à la main. Un manifeste sur les feux de la vie. »
Une parution en souvenir d’un premier local en proie aux flammes, avant de déménager clandestinement dans une caserne de pompiers abandonnée pour finalement trouver ce superbe logis au style post-industriel.
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En plus de son offre alimentaire avant-gardiste, Max envisage l’avenir de l’Échoppe à travers « La commune du boutte », un grand projet qui s’établira au deuxième étage de l’immeuble, actuellement en construction. Il souhaite dédier ce vaste espace à la collectivité artistique – au design, à la photographie, à l’édition, à l’art visuel.
« Le potentiel est infini! », crie-t-il avec enthousiasme dans l’écho du lieu en chantier.
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Dessiner son destin
Même s’il avoue ne pas compter les heures, Max souligne que la qualité de vie, la famille et l’atmosphère qui règne au sein de ses 32 employés sont ses priorités. Des vœux de simplicité peut-être trop souvent oubliés à notre époque.
À l’image de son propriétaire, L’Échoppe est une tempête calme qui se donne la liberté de constamment changer sa proposition. Caviste, resto, take out de fondue maison, lectures publiques et fruits d’ici. Un dep’ de luxe qui propose même son propre beurre à l’ail.
« Parce que démocratiser la table passe avant tout par la démocratisation de la valeur. Une valeur pas financière, mais humaine, amoureuse. Le financier, ça, on en a rien à foutre. »