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Manger son placenta : une forme de cannibalisme acceptable?

C'est pas parce que les stars le font que c'est une bonne idée.

Par
Julie Chaumont
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Manger son placenta. Si, il y a quelques années, cette gourmandise post-accouchement semblait être réservée à quelques hippies endurcis, aujourd’hui, on dirait plutôt que c’est un trend qui prend de l’ampleur… à vos risques et périls!

Quand j’ai commencé mes recherches pour cet article, plusieurs choses m’ont jetée à terre : premièrement, je ne savais pas que certaines célébrités, dont Kim Kardashian et Hilary Duff, avaient annoncé avoir consommé leur placenta sous forme de capsules ou en smoothie (sérieux? J’étais où quand ces nouvelles sont sorties? Pis Hilary Duff, il se passe encore quelque chose avec elle?).

Deuxièmement, j’ignorais que « des dizaines d’entreprises proposent de préparer le placenta pour la consommation humaine ou vendent des ensembles d’encapsulation permettant aux nouvelles mamans de faire leurs propres gélules à partir de leur placenta », tel que rapporté sur le site du scientifique en chef du Québec.

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Troisièmement, et c’est le point le plus important, j’ignorais qu’il y avait un risque associé à une telle pratique.

Tendance : cannibalisme

Manger son placenta, ça s’appelle la placentophagie et oui, c’est considéré comme du cannibalisme. Si certaines femmes – et hommes! – se transforment en cannibales après l’accouchement, c’est pour les soi-disant bienfaits qui y sont associés : boost d’énergie en raison du fer, des protéines et des minéraux que contient le placenta, augmentation de la production de lait, diminution du risque de dépression post-partum, amélioration du lien mère-enfant, stabilisation du niveau sanguin. Qui dit mieux?

Sans grande surprise, on peut facilement trouver sur le web toutes sortes de façons de manger son placenta – rissolé avec un peu d’huile d’olive et des assaisonnements, en tacos, en soupe, en sandwich, etc. – et toutes sortes de témoignages pour en valider les « bienfaits ».

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Parmi les choses les plus intéressantes que j’ai trouvées au fil de mes recherches : le témoignage – photos à l’appui – d’un blogueur et critique culinaire américain qui explique comment il a cuisiné le placenta de sa femme, le récit un peu ésotérique de Jeanne Goujon, autrice du livre Pourquoi j’ai mangé mon placenta, et le court métrage AfterBirth, disponible gratuitement sur YouTube, dans lequel la mère affirme, convaincue : « I needed a placenta. »

Ma curiosité m’a aussi poussée à taper « manger placenta » sur Tik Tok. Chose que je n’aurais peut-être jamais dû faire. Trop de placenta. Trop de sang. Trop d’images. Trop de détails. En moins de deux minutes, j’ai dû fermer mon écran parce que j’avais trop mal au cœur.

Fuck la recherche. Des fois, mieux vaut lire que regarder.

Une pilule, une petite granule

La capsule est sans doute la façon la moins dégueulasse de manger un placenta. Et c’est ce qu’a fait Eliane, une mère de trois enfants qui a mangé son placenta à la suite de ses deux premiers accouchements, sous forme de capsules qu’elle a fabriquées elle-même (des compagnies proposent de le faire à votre place, mais ça coûte entre 400 $ et 500 $ plus taxes). C’est arrivé quand elle habitait à Whitehorse, au Yukon.

« Pendant mes cours prénataux, une infirmière nous avait dit que certaines personnes déshydrataient le placenta et le consommaient sous forme de capsules qu’ils appelaient des “happy pills” ».

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Il n’en fallait pas plus pour piquer la curiosité de cette jeune mère qui se décrit elle-même comme une hippie.

Après quelques recherches sur Google, elle a commandé une machine pour encapsuler et s’est activée en cuisine après son accouchement. « Ça sent un peu le foie, il y a une odeur particulière », détaille-t-elle. Selon son expérience, un placenta produit environ 200 capsules. Elle a consommé toutes celles de son premier accouchement et considère que ça lui a donné un peu d’énergie. Elle avoue toutefois ne pas avoir été aussi assidue pour les capsules de son deuxième. « Je pense que j’en ai encore dans mon congélateur. » Si elle n’a pas cuisiné le placenta à son troisième accouchement, c’est parce qu’elle habite maintenant au Portugal et ne pense pas que ça lui aurait été permis de quitter l’hôpital avec cet organe éphémère qui est généralement considéré comme un déchet anatomique humain.

Ce ne sont effectivement pas tous les pays qui permettent aux patientes de quitter l’hôpital avec leur placenta dans un sac Ziploc.

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Au Québec, il est possible de le faire depuis 2017, année où le ministère québécois de la Santé et des Services sociaux a émis une directive autorisant les hôpitaux à remettre le placenta aux parents qui en font la demande, à moins qu’une analyse en laboratoire ne soit requise. Ainsi, le parent qui désire repartir avec son placenta doit en faire la demande officielle avant l’accouchement et s’engager par écrit à respecter certaines conditions, parmi elles : manipuler le placenta avec des gants imperméables, se laver les mains avec de l’eau et du savon après l’avoir manipulé, s’assurer que des enfants ou des animaux ne puissent pas y avoir accès et ne pas le céder ou le vendre.

Une importante mise en garde

Si vous songez sérieusement à aller de l’avant et à manger votre placenta à la suite de votre accouchement, la chose la plus importante à savoir est la suivante : Santé Canada et la Société d’obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) ont émis des avis concernant les risques de contamination. « Au Canada, les méthodes utilisées pour préparer le placenta à la consommation, notamment sa cuisson ou sa déshydratation, ne sont pas réglementées, ce qui augmente le risque de contamination par des champignons, des virus ou des bactéries nuisibles. » Il est donc fortement déconseillé de manger un placenta, qu’il soit cuit au four, rissolé à la poêle, mijoté dans un bouillon ou déshydraté et mis en capsules.

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Vous n’en avez rien à cirer des avis émis par la santé publique? Voici une autre chose intéressante à savoir : aucune étude, à ce jour, n’a démontré que la consommation de placenta est bénéfique pour la santé.