.jpg)
Que celui ou celle qui n’a jamais entendu(e), voire prononcé(e) cette phrase célèbre me jette la première pierre : l’UQAM, c’tun esti de gros Cégep!
Le milieu académique est un terreau fertile de préjugés. J’en conviens.
Sauf que si l’on se fie aveuglément aux ragots maintes fois propagés au sein de la communauté étudiante, McGill est la Harvard of the North, tandis que Concordia est réservée aux étudiants artsy. L’UdeM présente une approche purement théorique alors que L’UQAM ne jure que par le pratique.
En veux-tu de la généralisation? En v’là!
Les mauvaises langues vont renchérir en avançant que Sherbrooke n’est qu’un vulgaire plan B pour les exclus des programmes contingentés d’universités plus prestigieuses, tandis que le réseau des universités du Québec est le parent pauvre du milieu universitaire québécois, le « j’ai pas le choix d’aller là puisque je n’ai pas été accepté ailleurs ».
Laval, c’est le Rouge et Or. Et que dire de l’université Bishop’s, qu’on omet si souvent…
Ces étiquettes archaïques laissent bien peu de place aux fusils qui changent d’épaule.
L’étudiant moyen aime croire que le préjugé véhiculé est vrai, à un point tel que ce même préjugé peut l’influencer lorsque vient le temps de choisir une université.
C’est en raison du pouvoir d’influence trop important de ces à priori qu’il est primordial de rectifier le tir et de sauver l’image de ma terre d’accueil académique, à qui l’on attribue injustement un statut collégial qui fait le bonheur de ses détracteurs.
Déconstruire le mythe
Il y a quelque chose de réconfortant, semble-t-il, dans le fait d’emprisonner des généralités dans des boîtes hermétiques.
« Nous sommes très conscients de l’image qu’on projette et on travaille très fort pour faire de l’UQAM une université différente, novatrice et ambitieuse. »
C’est du moins l’opinion de Nathalie Maillé, présidente du Conseil d’administration de l’UQAM. « On dirait qu’il y a des choses qui restent figées dans le temps et qui refusent d’évoluer, nous avoue-t-elle d’emblée. J’entends des préjugés qui datent des années 50 et 60, je trouve ça un peu hallucinant. Je pense qu’on a la responsabilité collective en tant que diplômés de déboulonner tout ça et dire hey, ça suffit! L’UQAM, c’est beaucoup plus que ça. »
La bachelière en danse de l’UQAM et directrice générale du Conseil des arts de Montréal est consciente du défi que représente le changement de mentalité.
« Nous sommes très conscients de l’image qu’on projette et on travaille très fort pour faire de l’UQAM une université différente, novatrice et ambitieuse. »
Trois qualificatifs qu’on attribue peu souvent à ma soon to be alma mater et qui la représentent pourtant très bien. Mais alors, d’où provient ce foutu mythe qui nous colle à la peau? En quoi l’UQAM est plus collégiale que ses cousines?
La raison est d’abord historique.
Le mythe uqamien est né en pleine Révolution tranquille
Nous sommes en 1959. Six établissements universitaires québécois se partagent une poignée d’étudiants issus d’une élite fortunée : l’Université McGill (fondée en 1821), l’Université Bishop’s (1843), l’Université Laval (1852), l’Université de Montréal (1878), l’Université Sir-George-Williams (fondée en 1926 et qui deviendra l’Université Concordia en 1974) et l’Université de Sherbrooke (1954).
À ce moment, seulement 4% de la population québ écoise francophone d’âge universitaire poursuit des études supérieures, contre 11% d’anglophones. Un clivage social qu’a voulu démanteler le gouvernement de Jean Lesage en créant une Commission royale d’enquête, mieux connue sous le nom de Commission Parent.
L’objectif est clair : moderniser et élargir l’offre de services universitaires en la rendant accessible à une majorité d’étudiants francophones. C’est à ce moment que voit le jour le réseau des Universités du Québec, fort d’une décennie de réformes du système d’éducation. L’UQAM voyait finalement le jour, au grand bonheur de nos boomers adorés, qui sont nombreux à cogner aux portes des universités vers la fin des années 1960.
À l’origine, les universités nouvellement créées résultent de ressources déjà disponibles, tel que recommandé par le rapport Parent. Tant qu’à partir de rien, on préfère incorporer des institutions d’enseignement déjà établies. On jumelle donc le Collège Sainte-Marie (1848) à l’École des Beaux-Arts de Montréal (1922), puis à trois écoles dites normales, soit l’École normale Jacques-Cartier (1857), l’École normale Ville-Marie (1960) et l’École normale de l’enseignement technique (1964), afin de former l’Université du Québec à Montréal.
C’est d’ailleurs pourquoi l’UQAM se développe d’abord en beaux-arts et en lettres, en sciences humaines et sociales, en sciences de la nature et en formation des maîtres, toutes des disciplines qui font sa renommée aujourd’hui.
Mais pourquoi ne pas finir par offrir des programmes en sciences de la santé (médecine, pharmacie), par exemple? Des parcours souvent très contingentés et populaires, donc payants pour une institution académique?
« Ce n’est pas une question de ressources, avoue Nathalie Maillé. En regardant l’ensemble de l’offre des universités, on s’est demandé s’il s’agissait d’un réel besoin global dans notre société d’offrir ces parcours. À ma connaissance, non. Ce n’est pas l’ADN de l’UQAM. Pourquoi on irait là où il y a déjà des joueurs établis? On va continuer de faire ce qu’on a toujours fait, c’est à dire de s’inscrire là où il n’y avait personne. On a commencé quelque chose et ensuite les gens ont emboîté le pas. Faut qu’on reste créatifs, pionniers, novateurs. »
Voilà pourquoi les programmes ont évolué en fonction des besoins de la société.
Arts autochtones, recherche en homophobie et études féministes, programme de doctorat en sciences de l’environnement, fin des investissements de l’université dans les énergies fossiles et analyse du phénomène des mèmes, l’UQAM n’a jamais cessé de s’inscrire dans des mouvements sociaux.
« On a créé le premier programme de sexologie dès 1969 à l’UQAM. Tout ce qui porte sur la condition féminine, c’est arrivé en 1972. On a également fondé la première école d’été en agriculture urbaine en 2008. On est pionniers dans beaucoup de domaines et il faut qu’on réussisse à mettre ça de l’avant » ajoute Nathalie Maillé.
Un autre geste symbolique qui fait de l’UQAM une université qui s’inscrit définitivement dans la mémoire collective du Québec fut l’annexion du clocher de l’ancienne cathédrale Saint-Jacques à l’actuel pavillon Judith-Jasmin, un pied de nez évident au passé religieux de la province et une preuve de modernité et de laïcité de l’État.
Le mythe uqamien est né d’un positionnement géographique stratégique
L’UQAM trône en plein coeur du quartier latin de Montréal, et ce n’est pas par hasard.
«Notre volonté commune par rapport à Montréal au cours des 15-20 prochaines années, c’est de doter l’est de Montréal d’infrastructures supplémentaires et de dynamiser ce secteur.»
« Ce n’était pas anodin que le gouvernement à l’époque choisisse un lieu physique comme celui-là. On n’est pas sur la montagne, on est au coeur de la ville, nous lance Nathalie Maillé. Si on recule dans ces années-là, il y avait une base psychologique qui s’articulait autour du boulevard St-Laurent. Il y avait l’Est et l’Ouest. »
L’Ouest, c’était pour la communauté anglophone bien nantie, plusieurs des autres universités s’y trouvent d’ailleurs actuellement.
« Notre volonté commune par rapport à Montréal au cours des 15-20 prochaines années, c’est de doter l’est de Montréal d’infrastructures supplémentaires et de dynamiser ce secteur. L’UQAM est venue jouer un rôle pour changer la donne, mais le travail est encore à poursuivre pour détruire ce clivage entre l’Est et l’Ouest. »
Le mythe uqamien est né d’un acharnement médiatique
Mon université a été la proie répétée de polémistes véreux qui s’y donnaient à coeur joie quand venait le temps de la critiquer. Elle a ainsi résisté au sarcasme de Richard Martineau, au sensationnalisme de Sophie Durocher et aux sophismes de Lise Ravary, non sans quelques écorchures.
Résultat de nombreux amalgames douteux, la réputation de l’UQAM a été entachée à maintes reprises dans la sphère médiatique.
On a voulu faire la grève en 2012. Ça n’a pas aidé notre cas. Les deux principaux leaders du mouvement étudiant, Martine Desjardins et Gabriel Nadeau-Dubois, étaient de fiers uqamiens. Résultat : on a associé facilement et trop souvent le mouvement étudiant à l’UQAM. Pourtant, le mouvement était pan-québécois, comme nous le rappelle Nathalie Maillé.
« Ce mouvement de 2012, c’était tous les étudiants de la province, de partout au Québec, de toutes les universités. Alors ça dépasse de loin l’UQAM! Ce qu’il faut plutôt retenir, c’est que nous sommes une université démocratique, qui attire des gens critiques et engagés qui se sont retrouvés dans les médias en raison de la force de leurs convictions. Il n’y a pas de mal à ça! »
S’ajoutent aux différents mouvements de grève certaines décisions administratives qui ont fait les manchettes au courant des dernières années.
Ce fut le cas d’une résolution prise par la direction du journal étudiant de l’UQAM, le Montréal Campus, qui a décidé d’adopter un langage épicène l’an dernier dans une vision « qui se veut innovante – mais avant tout nécessaire – pour rétablir l’équilibre en matière d’égalité des genres », aux dires de Gabriel Bernier, le rédacteur en chef de l’époque. Un geste courageux, vu la propension qu’ont certains médias à s’attaquer de façon virulente à toute tentative d’inclusion. Car Dieu sait qu’il est facile de crier au stéréotype gauchiste lorsqu’il est question de l’UQAM.
Il y a aussi eu les fameux changements de noms. Parce que oui, à l’UQAM, il est possible depuis un peu plus d’un an de modifier son nom si tu juges que le tiens fait pu la job. Ce genre d’annonce offre un plateau d’argent aux sophismes sur les réseaux sociaux.
Pas facile d’être pionnier.
Futurs étudiants
Alors, futurs uqamiens, n’ayez crainte. Votre nouvelle terre d’accueil académique ne constitue pas qu’un repère de poteux en provenance du cégep du Vieux Montréal, ni un établissement constamment en grève, ni une contrée anarchiste.
Chaque université est affublée d’un qualificatif dont elle a maille à se départir pour des raisons historiques, sociales ou politiques. À tort ou à raison.
And that’s the way it is, comme disait Céline…
Chaque université est affublée d’un qualificatif dont elle a maille à se départir pour des raisons historiques, sociales ou politiques.
Nos parents en étaient victimes une génération avant nous et force est de constater que plus ça change, plus c’est pareil…On lui colle l’étiquette socialiste, bien que de nombreuses visions se côtoient en ses murs.
Il m’apparaît peu étonnant, donc, que mon université soit de tous les combats.
Ah pis, dernière affaire. C’est peut-être un peu parce qu’on fait des lip dubs comme celui-ci que l’étiquette refuse de céder.
Mais bon, on l’assume complètement.
J’adore l’UQAM !