Dans le grand brouillard des débuts de votre parentalité, vous avez envie de pleurer. Malgré tous vos efforts, l’allaitement ne se passe pas très bien. Vous avez mal, votre bébé hurle et votre patience s’évanouit. Vous faites ce que tout parent épuisé fait pour essayer d’évacuer le stress. Vous vous chicanez avec votre partenaire…
Oups, je me suis trompée de scénario. Reprenons. Vous allez sur Google. Au cours de vos recherches, vous tombez sur des articles sur le « tongue tie » ou la frénectomie. Mais est-ce une réponse à votre problème, ou une nouvelle mode parentale?
La raison principale : une recommandation d’un spécialiste afin de répondre à des difficultés d’allaitement.
Chop chop
La frénectomie, c’est le fait de couper le frein qui retient la langue, ce petit ligament qui se situe sous la langue. Il est possible de l’apercevoir dans le miroir, quand on lève la langue. Dans la majorité des cas, il ne pose pas de problème. Mais pour certains bébés, ce frein serait trop court et les empêcherait d’utiliser leur langue. Il est parfois si court que le bout de la langue peut former un cœur.
L’opération se fait la plupart du temps en clinique avec un scalpel. Mais certains spécialistes utilisent plutôt un laser qui cautériserait la blessure en même temps.
Un frein de langue trop court pourrait avoir des impacts sur le développement de la parole, mais également sur l’allaitement et l’alimentation du nourrisson.
C’est cet impact en particulier qui pousserait les parents à consulter pour une frénectomie.
Il faut dire que les difficultés d’allaitement sont légion. Et le frein trop court serait le petit dernier d’une série d’explications pouvant être données à des parents qui vivent ces difficultés.
Utile ou pas ?
Aujourd’hui, de nombreux spécialistes remettent en cause cette chirurgie. Le New York Times s’est aussi mis de la partie avec un article et un balado sur le sujet. Tout ça émerge d’une nouvelle étude sur plus d’une centaine de bébés qui auraient subi l’opération. Le résultat : au moins 63% d’entre eux n’en avaient pas besoin.
Dans le meilleur des cas, l’opération ne règlerait que 50% des difficultés d’allaitement.
C’est un pronostic bien faible pour une solution qui peut souvent être présentée comme étant LA solution pour des parents épuisés et anxieux. Car la majorité des difficultés d’allaitement ne sont pas liées à un frein trop court, mais à une panoplie d’autres enjeux.
De plus, les parents ne sont pas toujours sensibilisés à la frénectomie par des pédiatres, mais plutôt par des consultantes en lactation. Et celles-ci seraient beaucoup plus nombreuses à croire que les difficultés d’allaitement sont liées à un frein trop court, ce qui fait grimper les demandes d’interventions.
L’ennui, c’est que l’opération, comme toute opération, comporte des risques, par exemple des infections ou une mauvaise cicatrisation. Si l’opération est nécessaire, il est plus facile d’accepter les risques. Mais pour bien des enfants, le frein va naturellement s’étirer.
En résumé, est-ce une mode ou une nécessité? Comme bien des choses dans la parentalité, ça dépend de votre bébé. Mais si on vous présente cette opération comme une solution miracle, n’oubliez pas qu’un deuxième avis professionnel n’est jamais de trop.