.jpg)
L’OBNL qui veut jeter un peu d’eau sur le feu du marché immobilier
Si vous rêvez d’acheter une maison en ce moment (ou juste si vous suivez les nouvelles), vous le savez: les prix de l’immobilier font pleurer. Sans compter les guerres de surenchères qui font de nombreuses victimes collatérales.
Et dans tout ça, ce sont surtout les personnes les plus vulnérables qui voient la possibilité d’accéder à la propriété réduite à néant ou presque.
C’est pour briser ce cycle et proposer une alternative à la surchauffe immobilière que quatre résidents de Brome-Missisquoi, en Estrie, ont décidé de fonder l’OBNL Foncier solidaire.
«On se dirige tout droit dans un mur.»
«On fait face à une classe moyenne qui ne peut pas s’acheter de maison et qui en plus commence à trouver les loyers inabordables», s’alarme le cofondateur de Foncier solidaire Samuel Gervais. «On se dirige tout droit dans un mur», renchérit-il.
Prise de conscience –> solution
Les cofondateurs Jean-Philippe Vermette, Élyse Cardinal et Samuel Gervais et la membre de l’équipe, Annie-Pier Gorup sont tous des entrepreneurs sociaux qui ont déjà créé plusieurs organisations, coops et organismes à but non lucratif et à visées sociales et environnementales, tels que l’espace collaboratif L’Esplanade et l’OBNL EnRacine.
.jpg)
«Personnellement, je suis venu habiter dans cette région il y a deux ans et j’avais déjà parti quelques projets sociaux par le passé, mais j’avais envie d’un défi qui touchait réellement les gens d’ici», explique le cofondateur.
Après avoir discuté avec plusieurs concitoyens, Samuel Gervais a pris conscience d’une problématique de taille: plusieurs personnes quittent la région faute de pouvoir se loger à prix abordable.
Foncier solidaire promet de maintenir le prix de certaines propriétés abordable en achetant le terrain et la propriété donnée et en protégeant le prix de la revente.
«Le problème est que plusieurs logements sont convertis en Airbnb ou sont utilisés comme chalet en Estrie, déséquilibrant l’offre, les loyers deviennent donc super élevés.» Et les aînés, fatigués d’entretenir de grosses maisons, cherchent en vain des logements plus petits, chose assez rare en région.
«Si tu payes plus de 30% de ton revenu brut en dépense de logement, c’est considéré comme inabordable», soutient Samuel Gervais. Selon lui, dans la région de Brome-Missisquoi, le revenu médian des ménages se situe autour de 60 000$. Foncier Solidaire espère ainsi pouvoir fournir des logements qui coûteraient 1500 $ par mois maximum. Ce prix engloberait les dépenses liées à l’hypothèque, aux assurances, aux taxes municipales et scolaires, ainsi qu’aux services comme l’électricité.
Une maison pour tous et toutes
Samuel Gervais et son équipe avaient déjà entendu parler d’un modèle immobilier utilisé aux États-Unis et en France pour faciliter l’accès à la propriété pour les personnes moins nanties. Ils se sont alors inspirés de cette mécanique un peu complexe qui peut se résumer ainsi: Foncier solidaire promet de maintenir le prix de certaines propriétés abordable en achetant le terrain et la propriété donnée et en protégeant le prix de la revente.
«Avoir un toit au-dessus de sa tête est un droit humain.»
Comment ça fonctionne? Lorsqu’une personne sera prête à acheter, Foncier solidaire lui vendra uniquement la maison et non le terrain. Puis, dans l’entente avec les nouveaux résidents, il sera également expliqué à quel prix les nouveaux propriétaires ont le droit de revendre dans la ou les années suivant l’achat. Il ne serait donc plus question d’acheter une propriété dans le but de faire un profit rapide en la revendant peu de temps après à un prix exorbitant. Ce système assure que les logements protégés par l’OBNL demeurent accessibles et ne fassent pas l’objet de spéculation immobilière.
C’est lorsque les quatre cofondateurs ont repéré un terrain à vendre pour pas trop cher à Dunham que le coup de départ pour un premier projet a sonné. «On s’est dit que ce serait l’endroit idéal pour avoir un terrain d’expérimentation.»
.jpg)
À court terme, l’organisme espère construire un premier développement de 4 à 8 habitations sur ce terrain pour le printemps 2022. Et Foncier solidaire voudrait prioriser les familles à revenus modestes, les aînés, les immigrants, la relève agricole et les personnes ayant des besoins particuliers en habitation. Ils espèrent ainsi identifier ce qui permettrait de réduire le coût à l’achat d’une habitation, tel que les matériaux de fabrications de ladite maison .
Changer notre rapport à la propriété
«Avoir un toit au-dessus de sa tête est un droit humain», insiste le cofondateur. Au moment où plusieurs acheteurs (et vendeurs!) voient l’immobilier comme un plan de retraite ou comme un patrimoine à léguer à ses enfants, Foncier solidaire aimerait qu’on revienne à la fonction de base d’une maison: se loger. Pour Samuel Gervais, permettre aux familles québécoises à revenus modestes de trouver un toit à prix abordable est beaucoup plus urgent que l’accumulation de patrimoine, et c’est la mission sociale qu’il s’est donnée.
«Il faut que les logements soient accessibles. C’est un enjeu urgent», exprime avec émotion Samuel Gervais. «En tant que citoyen québécois, je veux répondre à cette problématique et y mettre ma sauce. Ça ne sera pas du tout facile. Il faut être un peu fou et naïf pour se lancer en entrepreneuriat», laisse-t-il tomber avec une pointe d’humour.
Il se sent toutefois d’attaque pour relever ce défi avec le plan de match que son équipe et lui ont trouvé. Une façon de faire peu commune au Québec, mais «nous n’avons pas une vision mégalomane, ce n’est pas ça l’idée. Notre objectif est vraiment d’ ouvrir et de montrer la voie».