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L’industrie du plein air au temps de l’hiver sans neige
Avec un manque de neige, des stations de ski à l’arrêt et des patinoires incapables de geler, notre hiver n’a pas été de tout repos! Comment l’un des mois de décembre les plus chauds de l’histoire du Québec a-t-il impacté les activités de plein air de la région? Les températures en hausse et la pluie verglaçante qu’il nous a apportées sont rarement des bonnes nouvelles pour les professionnels du tourisme.
En discutant avec trois gestionnaires d’organisations touristiques en plein air, j’ai découvert que l’inquiétude climatique et les pertes économiques font souvent naître une créativité à toute épreuve.
Un hiver plus chaud, et alors?
À Noël, il n’a pas neigé à Montréal. Rien d’inattendu dans la métropole, puisque c’est le cas, une année sur trois, depuis près de trente ans. Plus décevante que surprenante en ville, cette situation n’en reste pas moins exceptionnelle pour le reste du Québec, notamment au Saguenay, où un phénomène d’une telle ampleur ne s’est jamais produit.
La neige est « l’or blanc » des hivers québécois. Entre motoneige, traîneau à chiens, ski et raquette, elle est au centre des activités touristiques de plein air les plus prisées de la saison. Malgré son retour en force depuis début janvier, ces quelques semaines anormalement chaudes sont parvenues à bouleverser l’organisation de la saison touristique.
Après avoir discuté avec différents acteurs du tourisme de plein air québécois de leur expérience de ce début de saison hivernale tardif, un élément semble récurrent : l’annulation des activités. Certaines organisations ont même été dans l’obligation de fermer pendant plusieurs jours.
Si la venue d’une clientèle internationale pour les fêtes de fin d’année représente souvent une source de revenus importante, elle reste éphémère. Une fois remontés dans leurs avions à destination d’autres continents, notamment européens, asiatiques et sud-américains, ces touristes ne reviendront pas de si tôt. Impossible, donc, de reporter une activité si la météo ne s’y prête pas. Un ultimatum, synonyme de perte totale, dont l’impact économique a été non négligeable pour ces entreprises.
Être créatif pour rester attractif
Face à des conditions météorologiques peu favorables, les spécialistes du traîneau à chiens, de l’escalade sur glace ou de la motoneige ne se découragent pas pour autant. Cette situation complexe révèle d’ailleurs une grande adaptabilité de la part du milieu touristique.
Le directeur de Saguenay Aventures m’explique qu’on troque les skis ou le traîneau pour des raquettes, praticables sur une fine couverture de neige. Les sensations ne sont certes pas les mêmes, mais la découverte du paysage québécois reste au cœur de l’activité.
Pour les mordus d’escalade frustrés de ne pas pouvoir enfiler leur baudrier cette année, La Liberté Nord-Sud a une solution! Si l’entreprise propose de l’escalade sur rocher à partir du mois d’avril, le mois de décembre demeure trop froid pour cette pratique. Ainsi, pour les mois de novembre et décembre, lorsque la glace ne daigne pas se former partout, la structure propose de l’escalade mixte. En équipement d’escalade sur glace, les grimpeurs gravissent des parois à la fois rocheuses et glacées, selon les zones. Le meilleur des deux mondes dans une pratique créative, mais aussi plus complexe. De quoi ravir les sportifs avides de découvertes et de défis.
Pour l’organisme de traîneau à chiens avec lequel je me suis entretenue, le mois de décembre dernier a posé problème. La météo était trop froide pour l’attelage, mais pas suffisamment enneigée pour qu’un traîneau puisse avancer. Depuis une vingtaine d’années, l’entreprise s’est adaptée aux changements climatiques en proposant, elle aussi, une pratique de l’entre-deux : le cani-kart. Lorsqu’il fait suffisamment froid, mais que la neige manque, ce traîneau muni de roues permet de dévaler les pistes et les chemins en toute sécurité.
Ces trois entreprises de plein air sont la preuve que l’absence ou le retard de la neige ne signera pas l’arrêt de mort de l’industrie du tourisme québécois.
L’avenir du tourisme hivernal de plein air d’après ses professionnels
Conscients des effets du réchauffement climatique sur leur environnement et donc sur leurs activités, les professionnels du tourisme interrogés n’en restent pas moins optimistes pour l’avenir. Deux tendances globales ressortent de nos échanges.
La saison hivernale du plein air, notamment dans le sud du Québec, est en voie de débuter plus tard dans l’année. S’il y a cinq ans, son gestionnaire raconte que si l’escalade sur glace commençait parfois à la mi-décembre, depuis plusieurs années, la saison débute réellement en janvier. Des hivers plus tardifs qui, d’après le propriétaire de La Liberté Nord-Sud, pourraient devenir la norme pour les professionnels comme pour les touristes.
Il note néanmoins que ce décalage n’est pas accessible à toutes les entreprises de la même manière. En effet, tous n’ont pas la possibilité de proposer une alternative ou de compenser les pertes hivernales par une activité estivale.
Une seconde tendance observée est celle de l’évolution géographique. Pour ces trois entreprises, le risque majeur du réchauffement climatique est que les touristes se déplacent davantage au nord du Québec pour faire des activités en plein air.
Cette hypothèse est confirmée par Saguenay Aventures. Interrogé sur l’inquiétude que pourrait lui provoquer ce manque de neige en décembre, le gestionnaire de l’organisation semble relativement serein. Il ne pense pas que l’attractivité touristique du Saguenay soit menacée, car une telle hausse des températures est un phénomène exceptionnel et pour l’instant isolé.
Avec une couverture de neige avoisinant les deux ou trois mètres pour les saisons habituelles, il y a peu de chance que les activités hivernales disparaissent prochainement au Saguenay. Au contraire, il constate depuis une dizaine d’années une augmentation du tourisme hivernal dans la région.
Cela serait-il lié au manque de neige croissant du sud du Québec? Possible. Quoi qu’il en soit, chacun constate une évolution du milieu touristique québécois et réalise qu’une adaptation au nouveau modèle climatique est nécessaire.
Des variations de températures plus extrêmes et des saisons moins régulières n’empêcheront cependant pas le tourisme du plein air de se réinventer pour faire rayonner l’hiver québécois dans toute sa splendeur.