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«Liberté 45» et moi

Merci quand même Pierre-Yves McSween de nous rappeler qu'il est déjà trop tard.

Par
Gabrielle Thibault-Delorme
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Le deuxième confinement venait d’étendre son manteau noir sur la province. La météo, très peu collaboratrice, testait, elle aussi, les limites de notre résilience en nous attaquant de vent, de froid et de pluie. Au même moment, le nouvel ouvrage de Pierre-Yves McSween, Liberté 45, arrivait en librairie. Tout un timing.

Le climat était particulièrement anxiogène. Et la lecture de cet ouvrage au coucher n’a rien fait pour m’aider. L’angoisse grandissait au fil des pages, si bien que j’ai parfois abandonné l’ouvrage pour le remplacer par La servante écarlate. Non mais! Il faut bien dormir.

Je rigole… un peu.

En toute honnêteté, j’attendais son nouveau livre avec une certaine impatience. J’étais vendue d’avance. Il faut dire que son premier opus, En as-tu vraiment besoin?, a marqué le début d’une véritable réflexion sur mes finances et mon avenir.

Endettée de près de 20 000$ il y a deux ans, je fais désormais partie des gens qui vivent sans dette. J’ai fait mon dernier paiement le 12 mars dernier. Ça aussi, c’est tout un timing.

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La pression financière, en as-tu vraiment besoin?

Le deuxième livre tombait donc à point nommé. Les dettes remboursées, j’avais l’esprit plus léger, et le portefeuille plus lousse. J’avais besoin de me ressaisir.

En cela, Liberté 45 remplit bien sa mission. Depuis quelques jours, j’ai le cœur qui bat un peu plus vite que d’habitude. J’ai aussi le sommeil moins léger.

Et je ne suis pas seule. Mon chum a lui aussi vécu quelques jours d’angoisse après la lecture de l’ouvrage, qu’il a lu avant moi.

La raison: cette limite d’âge qu’il établit dans son ouvrage. Une limite d’âge que mon chum a dépassé et dont je m’approche dangereusement. Nous nous sentions sécurisés dans notre absence de dettes, nous étions désormais terrifiés devant la maigreur de nos épargnes.

Car, voyez-vous, dans Liberté 45, il est écrit que, pour atteindre la liberté financière, il est essentiel d’épargner massivement et d’investir avant 35 ans. Après ça, les dés sont jetés, le train est en marche et vous ne le rattraperez pas. À moins d’une miraculeuse entrée d’argent, ou d’un gros sacrifice.

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Le livre repose sur ce postulat essentiel. La liberté dont il parle est financière. C’est celle qui nous est possible quand notre argent travaille pour nous, lorsque nous pouvons renoncer au travail tout en vivant confortablement. Quand nous ne sommes plus dépendants de notre employeur.

Bref, un beau rêve, surtout au moment où l’incertitude nous rentre dedans. Pour bien des gens, la pandémie fut un réveil abrupt et Liberté 45 est là pour nous empêcher de retrouver le sommeil.

Tout n’est pas perdu

Il nous a fallu quelques jours de discussions et de réflexion avant de nous détendre. Nous avons tous deux augmenté nos contributions à nos REER et CELI. On réajuste la trajectoire, et on repart. Il n’y a rien d’autre à faire que son mieux, pas vrai?

Dans quelques années, je regarderai mes REER et enverrai un merci dans l’univers à Pierre-Yves McSween. Comme je remercie mon prof de chimie du cégep qui m’avait suggéré de laisser tomber la chimie. Il y a des vérités abrasives qui valent la peine d’être dites quand même.

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Mais la vraie question me taraude en ce moment est: est-ce que je le recommande ?

Et ça, c’est une maudite bonne question.

Oui pis non.

Ça dépend à qui on s’adresse.

Et c’est peut-être le petit point qui me fait hésiter. Je ne sais pas à qui s’adresse ce livre.

La réponse courte serait: à tout le monde.

Comprendre les règles du jeu

Après tout, les finances personnelles et la fiscalité sont un jeu auquel on joue de 0 à 99 ans.

Pierre-Yves McSween nous explique les règles. Ce n’est pas lui qui a créé le jeu, ce n’est pas lui qui fixe les règles.

On ne peut pas le blâmer pour des règles parfois injustes. On ne peut pas non plus le blâmer de ne pas nous en avoir parlé plus tôt. On peut peut-être lui en vouloir un peu de prendre un malin plaisir à nous rappeler qu’il a trois tours d’avance sur nous. Mais ça ne me dérange pas tant que ça. J’ai peut-être été saltimbanque, mais j’ai des maudites bonnes anecdotes.

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Il reste tout de même un problème de ton dans ce livre. Comme je l’ai dit ci-haut, je ne sais pas à qui il s’adresse. S’il s’adresse aux plus vieux, son livre se place un peu trop dans la position de: «je te l’avais dit».

En as-tu vraiment besoin? laissait croire qu’il n’était jamais trop tard pour bien faire. Celui-ci ne nourrit pas les mêmes illusions. J’ai bien peur que certaines personnes hausseront tout simplement les épaules en se disant qu’il n’y a plus rien à faire.

Le livre ne s’adresse pas non plus aux jeunes. Les références culturelles visent un public plus vieux. Le titre est d’ailleurs un clin d’œil aux publicités «Liberté 55». Le bouche-à-oreille se rendra certainement aux plus jeunes, mais je ne sens pas que le livre a été écrit pour eux.

C’est peut-être ce qui fait que le ton de Pierre-Yves McSween, qui est sa marque de commerce, passe moins bien dans ce livre que dans son précédent. Nous culpabiliser parce qu’on achète des bébelles dont on n’a pas besoin (sur de l’argent emprunté), ça fonctionne! Nous culpabiliser parce qu’on a manqué le bateau de l’épargne hâtif, ça nous reste un peu en travers de la gorge.

En résumé, suis-je contente d’avoir lu le livre?

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Oui, j’ai pu réajuster le tir sur mon épargne. Mon moi du futur m’en sera reconnaissante.

Après tout, je continue à croire qu’il n’est jamais trop tard pour mieux faire.