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L’hospitalité post-pandémie, selon Liza Frulla

À la veille d’une réouverture quasi complète de l’industrie, la directrice de l’ITHQ partage sa vision du futur de la restauration, du tourisme et de l’hôtellerie.

Par
Billy Eff
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On apprenait la semaine dernière que le 14 mars prochain, deux ans après que l’état d’urgence sanitaire eut été déclaré au Québec, l’essentiel des mesures seront levées, et les commerces pourront, prudemment, reprendre leurs opérations.

Après 24 mois d’incertitude, de revirements et de fermetures et réouvertures, l’industrie du tourisme, de la gastronomie et de l’hôtellerie a été particulièrement mise à mal. On a donc demandé à l’honorable Liza Frulla, ancienne politicienne et maintenant directrice générale de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), comment elle croit que le milieu va évoluer, et comment l’école qu’elle dirige continuera de former des professionnel.le.s dans une industrie sur le point de vivre des changements majeurs.

Comment est le moral chez les étudiant.e.s à l’ITHQ, ces jours-ci?

«Ce que j’ai remarqué, c’est qu’ils sont pas mal moins dans le court terme, ils sont dans le long terme.»

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Je dois dire, je les trouve vraiment incroyables! Ils sont tellement allumés. Ce que j’ai remarqué, c’est qu’ils sont pas mal moins dans le court terme, ils sont dans le long terme. Ils le savent, il y a plein de nouvelles opportunités, autant pour aller travailler en entreprise que pour se lancer comme entrepreneur. Nos jeunes savent qu’il y a des défis à relever, et qu’ils auront l’opportunité de réellement faire un changement. C’est ça qui les allume, et c’est eux qui nous le disent!

C’est une industrie en changement, qui doit apprendre à se réinventer, notamment à l’aide d’outils technologiques et innovants. Elle doit aussi tenir compte de l’environnement : fini le gaspillage, les contenants doivent être recyclables, il faut favoriser l’achat local. Ça semble petit, mais ça nécessite beaucoup d’efforts et de volonté.

Sur le plan des ressources humaines aussi, c’est une industrie qui doit se conformer aux mêmes paramètres que les autres secteurs, en matière de qualité de vie et de conciliation travail-famille. À commencer par des salaires adéquats, qui demanderont plus d’efficacité si on ne veut pas que la facture du client double ou triple. Ça prend donc de bons gestionnaires pour faire ça, qui devront aussi composer avec les prix en hausse des matières de base. C’est un milieu plein de défis, mais ce sont ces défis qui donnent du sens à ton choix de t’être lancé là-dedans. Pour nous, il est clair que nos étudiants, et la nouvelle génération de professeurs, sont en quête de sens. Ils nous le disent, c’est important pour eux.

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Quels sont leurs questionnements et leurs inquiétudes, selon vous?

Ma génération voulait se dépêcher pour terminer ses études, avoir des enfants, une voiture, une maison, une deuxième maison, un chalet; nos jeunes ne sont plus du tout là! Et c’est pour ça que je trouve la jeunesse si belle : ils sont vraiment dans leur quête de sens.

Je leur rappelle souvent que ce sont des agents de bonheur. Ta job, c’est de recevoir et de servir les gens : est-ce que t’aimes ça ou pas? Si tu n’aimes pas ça, ce métier n’est pas pour toi! Par contre, si tu es sociable, que tu aimes partager, que tu es curieux, à ce moment-là, c’est un bon secteur pour toi. Et on leur répond avec franchise, parce chaque personne qui entre ici prend la place que quelqu’un d’autre aurait voulue. Il faut donc être sûr que la personne qui entre ait au moins la passion du secteur.

D’ailleurs, dans cette industrie qui a passé près de deux ans sur le respirateur artificiel, qu’est-ce qui a changé ou évolué?

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Je crois que la plus grosse évolution dans le milieu a été du point de vue de la santé. La santé des gens qu’on accueille, mais aussi celle des travailleuses et travailleurs. La santé physique, mais aussi la santé mentale. Quarante-cinq pour cent de nos étudiants ont eu besoin d’aide psychologique dans les deux dernières années. Et je vous parle de nous, mais c’est vrai de toutes les écoles! Heureusement, on a tous les pédopsychologues et experts à l’interne qu’il fallait pour les accompagner.

«On sait qu’il faut être plus respectueux de l’environnement et de la société. Toutes les grandes organisations doivent se poser des questions.»

Il y a aussi un virage vers le durable. On sait qu’il faut être plus respectueux de l’environnement et de la société. Toutes les grandes organisations doivent se poser des questions. Par exemple, les croisiéristes : est-ce qu’on a vraiment besoin d’avoir une ville flottante? On pourrait faire des croisières sur de plus petits bateaux, conçus pour respecter l’environnement. Et nous, comme consommateurs, peut-être qu’on va commencer à réfléchir, et nous dire que ce n’est pas le genre de chose qu’on veut encourager.

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La troisième chose, c’est l’adoption et l’application de tout ce qui est outils technologiques et intelligence artificielle. Ça va donner aux gens qui choisissent d’aller dans le secteur l’occasion de se concentrer sur des tâches à haute valeur ajoutée, comme le service client, ou encore de se pencher sur des enjeux spécifiques. Tout ce qui est répétitif, les technologies, aidées de l’intelligence artificielle, vont pouvoir le faire!

C’est aussi ce genre de technologies qui pourrait aider à répondre au manque de main-d’œuvre.

Oui! Et surtout, ça va aider les jeunes entrepreneurs. Je demeure à Sutton, et on en voit beaucoup par ici qui viennent ouvrir des commerces dans le village. On a trois groupes de diplômés de l’ITHQ dans le coin : un vient d’acheter une auberge, un autre organisait des pique-niques de luxe et compte bientôt ouvrir un restaurant, et un troisième s’implique dans le vin, en tant que collectif. Ce que ça fait dans une région, c’est que ça développe les petits producteurs, l’artisanat. Ils ont tous le même âge, leurs enfants vont aux mêmes écoles; c’est comme ça qu’on participe à l’économie et au développement local. Ils se parlent entre eux, ils s’entraident, et ça change vraiment le visage d’un village et d’une région. C’est ça que je veux dire, quand je te parlais de leur quête de sens!

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Entre inflation, problèmes d’approvisionnement et pénurie de main-d’œuvre, les prix dans votre industrie ont et vont continuer d’augmenter. Selon vous, qu’est-ce que ça va changer à l’expérience client?

Déjà, il va falloir que les métiers de service soient revalorisés, pour deux raisons. Premièrement, dans un restaurant, quel qu’il soit, la facture sera plus élevée. Parce que l’augmentation du prix du panier d’épicerie pour nous comme consommateurs, c’est la même augmentation pour les restaurateurs. Donc, de là l’importance du savoir-être, et nos serveurs se doivent d’avoir la connaissance fine de ce qu’ils servent, pour pouvoir le vendre et bien le présenter.

Logiquement, s’il paye plus cher, le consommateur est en droit d’exiger une expérience de service globale. Ça veut dire que dans l’assiette, ça doit être bon, ça doit respecter les grands principes d’aujourd’hui, comme le durable et le local. On veut une découverte, bien présentée et bien servie.

Là, je vais être contente de payer ma facture, même si elle est plus élevée. On pourra à ce moment se dire, en tant que consommateurs, qu’on investit dans notre bien-être, c’est un cadeau qu’on se fait à soi-même. Alors que si tu vas dans un restaurant et que la facture est plus élevée, mais que l’expérience est déficiente, tu ne remettras plus jamais les pieds là!

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