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Leur lancement d’entreprise était prévu depuis des mois. Puis la pandémie a frappé.

Comme si un démarrage n’était pas assez dur en soi.

Par
Edouard Ampuy
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Quand on parle des entrepreneurs qui se sont lancés pendant la crise, on pense à ceux qui ont profité de cette pause imposée pour faire le grand saut et démarrer leur entreprise. Ceux qui flairent la bonne affaire et saisissent leur chance.

Mais il existe une deuxième catégorie, de l’autre côté de la médaille.

Je parle des entrepreneurs qui avaient planifié leur lancement depuis des mois et qui attendaient ce jour avec impatience. Mais au lieu des ballons et des confettis, c’est la COVID-19 qui leur est tombée dessus.

Disons qu’une pandémie, ça te change un plan d’affaires assez rapidement.

On est allé en discuter avec eux pour savoir comment on réagit quand le ciel te tombe sur la tête.

Le jour où la terre s’est arrêtée

«J’ai eu un cinq minutes de panique, j’ai fait un “oh, mon dieu”.»

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Ça, c’est la réaction qu’a eue Sophie Samson, gérante des Pâtisseries 300 à Sherbrooke, qui propose du prêt-à-manger et des pâtisseries sans gluten. Après neuf mois de préparation, elle a ouvert son commerce le vendredi 13 mars, le jour où la Terre s’arrête de tourner au Québec.

Mais après avoir repris ses esprits, Sophie s’est retroussé les manches et elle a trouvé des solutions. La période ne sera pas payante, mais elle pourrait être profitable. «Je me suis dit “bon c’est plate, mais tu vas devoir travailler deux fois plus fort”».

Ça commence bien.

Même parcours pour la Bécancouroise Julie Bélanger, qui a planché pendant six mois sur le lancement de son entreprise GoCAD, qui fait de la modélisation, de l’impression 3D et du dessin industriel. Alors qu’elle s’apprêtait à offrir ses services, les business se sont mises à fermer les unes après les autres. «Jamais je ne me suis dit que j’allais fermer, il fallait continuer à avancer, à réinventer les services et proposer autre chose aux clients», affirme-t-elle.

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Revirer la machine de bord

Une fois le choc du 13 mars passé, Sophie s’est donné une semaine pour transformer son projet. La boutique et les pâtisseries sont passées au second plan. Elle s’est concentrée sur une offre de prêt-à-manger livré à domicile par ses soins et vendu via internet. «Normalement, avant de lancer l’entreprise, tu prévois, tu calcules la rentabilité. Là, je suis partie dans quelque chose de complètement incalculé et absolument pas prévu», explique-t-elle.

Mais Sophie ne peut pas s’empêcher de rire devant l’ironie de la situation. «Pile quand on ouvre, plus personne ne sort de chez eux. Alors on s’est mis à livrer comme jamais. Mais ça fait que l’histoire est particulière», concède-t-elle en rigolant. Pour s’en tirer, Sophie a diversifié son marketing, elle a posté des annonces et payé pour de la pub sur Facebook tout en faisant du porte-à-porte un peu comme dans les années 80. «Tout ce qu’on peut imaginer, je l’ai fait, l’ancienne et la nouvelle façon», raconte-t-elle.

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Quand tous les contrats de Julie sont tombés à l’eau, elle a pris l’initiative de se revirer de bord pour confectionner des visières. «Je suivais la situation en France, où pas mal de makers fabriquaient des visières. Mes trois derniers mois ont été consacrés à ça.» Elle les a vendues au prix coûtant, pour ne couvrir que le coût de production et du matériel.

Alors qu’elle prévoyait avoir une clientèle majoritairement composée d’entreprises avant la crise, elle se retrouve à créer pour des particuliers, qui représentent maintenant le plus gros de ses revenus.

Le stress financier

Super active, Sophie comptait opérer plusieurs boites en même temps. En plus des Pâtisseries 300, elle possède aussi une entreprise de ménage. C’est sa «vache à lait», comme elle la décrit. La business qui devait lui rapporter de l’argent pendant qu’elle fait fructifier son offre alimentaire.

«Toutes mes activités de ménage sont tombées à zéro, t’imagines le stress pendant cette période? J’en dormais plus. J’avais des engagements financiers énormes», raconte-t-elle.

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Mais plutôt que de paniquer, elle considère le moment comme opportun pour démarrer une nouvelle branche de sa gamme de prêt-à-manger. Certains ont juste l’entrepreneuriat dans le sang. «J’ai profité du confinement pour observer le marché et j’ai constaté qu’il y a d’autres besoins au niveau alimentaire.» Elle a alors lancé Santé Keto +, une gamme de produits keto.

Julie, pour sa part, s’est inscrite à un programme d’aide gouvernemental, le STA (soutien au travailleur autonome), qui lui assure un salaire pendant un an. Avoir un appui financier la libère d’une certaine pression, reconnait-elle. Mais elle pourrait survenir plus tard. «J’ai presque six mois qui sont passés où j’aurais dû bâtir mon réseau et mes contacts. Quand le support financier sera terminé, est-ce que j’aurai les reins assez solides pour me sortir un salaire?», s’interroge-t-elle.

L’impact sur l’entreprise

La bonne nouvelle c’est que, pour l’instant, GoCAD atteint les objectifs que Julie s’était fixés pour les premiers mois. «On est dans la moyenne, la vente des visières a permis de garder le cap.»

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Elle se réjouit des nouvelles opportunités d’affaires initiées par la crise. Ce qui se passe en ce moment pour GoCAD, elle ne le prévoyait qu’après minimum trois années d’activités. «Au niveau des particuliers, les contrats se développent plus rapidement, c’est très positif. Là, j’ai une cliente qui demande un projet de masque spécifique pour quand elle bosse avec les malentendants», donne-t-elle en exemple.

Avec la reprise progressive, le calendrier de Sophie s’est alourdi. Les personnes qu’elle emploie en sous-traitance pour son entreprise de ménage ne sont pas revenues travailler. «Je fais les entretiens ménagers, Pâtisserie 300 et Santé Kéto +. Posez-moi pas la question, je dors pas beaucoup.» Elle veut en profiter pour augmenter un peu ses prix, qu’elle avait baissés pour être compétitive pendant le confinement. «Je vais le faire avant de m’épuiser. Quand t’utilises ton argent pour financer ta boite, à un moment tu te dis que tu veux travailler fort et être payé, pas l’inverse.»

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Est-ce que leur business d’après pandémie sera celui que Julie et Sophie avaient imaginé pré-COVID? Probablement pas. Mais en bonnes entrepreneuses, elles ne se posent pas la question. Elles observent le marché, ses tendances, et elles s’y adapteront comme elles l’ont déjà fait depuis des mois.