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Lettre de rupture à mon prêt étudiant

Merci pour les 12 belles années, mais il est temps qu’on se c**** là.

Par
Vincent Descôteaux
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Je te quitte.

Je suis désolé de ne pas faire ça en face à face, mais en même temps, tu n’as pas de visage. On ne s’est jamais vu en présentiel. Tu es mon prêt étudiant.

Oui, je sais, ça tient du début de psychose de faire un break up en bonne et due forme avec de l’argent qu’on a emprunté, mais tu demeures ma plus longue relation à vie. Tu as été super important pour moi pendant littéralement 12 ans. Je considère donc que ça mérite un peu de décorum.

Le début de notre romance

On a été ensemble 12 ans alors que je ne nous donnais même pas trois mois initialement. Le plan, c’était d’emprunter l’argent pour une session et de l’avoir comme sécurité tout en continuant de fréquenter des emplois à temps partiel ici et là! Mais la charge de travail du cursus scolaire ainsi que le fait que ce polyamour de revenus ait bien grugé la section des bourses de m***** des prêts et bourses a fait en sorte que je suis devenu financièrement monogame assez rapidement.

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Tu étais là pour moi quand j’en ai eu le plus besoin… mais tu as changé.

Je suis content qu’on soit tombé steady. Tu as eu la bonté de cœur de cacher ton taux d’intérêt durant mes études et tu m’as permis de m’y consacrer à 100 %. Merci pour ça.

Loin de moi l’idée de te bodyshamer, mais je dois dire qu’à un certain moment, j’ai réalisé que tu avais… pris de l’ampleur.

Il y a beaucoup de gens qui voient d’un mauvais œil le principe d’emprunter de l’argent pour les études, mais en ce qui me concerne, je vois notre relation comme l’une des grandes raisons pour lesquelles j’arrive aujourd’hui à vivre de ce que j’aime. Tu t’es investi complètement dans cette relation et vice-versa. Je ne pense honnêtement pas que je serais aussi compétent dans ce que je fais si ce n’était de notre rencontre et du fait que tu m’as permis de survivre et d’avoir accès aux cours que je devais suivre.

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Ceci dit, l’amour rend aveugle et à la fin de notre phase lune de miel, j’ai vu à quel point tu avais… changé.

Loin de moi l’idée de te bodyshamer. De toute façon, tu ne possèdes pas plus de corps que de visage, mais je dois dire qu’à un certain moment, j’ai réalisé que tu avais… pris de l’ampleur.

Quand on s’est rencontré, tu faisais à peine 3000 $ et après cinq ans, tu as atteint 47 000 $. Moi, je te trouvais encore magnifique à ce moment-là, mais pour être honnête, ça inquiétait un peu mes parents.

Je pense que c’est à partir de ce point qu’on est tombé dans l’acceptation et je ne sais honnêtement pas si c’est triste ou si c’est beau. Mes études étaient finies, j’avais le devoir conjugal de payer un montant mensuel qui ne me dérangeait pas beaucoup. Ton taux d’intérêt (tu as fini par me l’avouer, merci pour ça!) était vraiment parmi les plus bas que j’ai vus dans ma vie. Si on compare à mon ex, la carte de crédit étudiante, il n’y avait vraiment rien là. Cependant, je pense que comme beaucoup de couples, après un certain temps, on était devenu un peu plus des amis que des amoureux.

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Bref, on était moins passionnels dans nos rapports, mais je pense qu’on s’aimait encore, on avait un quotidien fonctionnel et je me voyais très bien finir mes jours avec toi. Je ne prévois pas avoir d’enfant alors tu n’aurais pas été laissé à la charge de personne. J’aime d’ailleurs encore cette idée. Je ne pense pas, encore à ce jour, que ça aurait été une mauvaise décision de te garder pour toujours dans ma vie.

Ce n’est simplement plus ce que je veux.

Avoir de l’argent à moi passE par notre séparation

Au même titre que ça peut être très payant de vivre chez ses parents le plus longtemps possible, je pense que ça aurait été très payant de te garder dans ma vie. Ça aurait été la chose logique à faire.

Quand j’ai obtenu ce que j’appelle affectueusement mon revenu d’adulte, j’avoue que j’ai tout de suite commencé à avoir des doutes sur notre relation. Je comprends aujourd’hui que je n’ai pas considéré notre rupture comme une possibilité avant parce que je ne voyais pas comment c’était même possible. Oui, je sais, c’est toxique.

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Mais après neuf ans, j’en étais là. Ça m’aura quand même pris trois ans de plus pour arriver à te laisser.

Comprends-tu comment j’ai pu me sentir un peu trop materné pour poursuivre cette relation?

Comprends-tu comment j’ai pu me sentir un peu trop materné pour poursuivre cette relation? Oui, tu es une présence bienveillante et Dieu sait que bon nombre de mes ami.e.s m’ont dit que je ferais mieux de simplement accepter la sécurité que tu m’offres. On m’a dit de payer le minimum et de prendre plus de contrats, mais de faire fructifier mes profits plutôt que de te rembourser. Je sais que c’est logique et vrai. Je sais que ça a énormément de sens de profiter d’un taux d’intérêt très bas pour investir, mais ce n’est pas ça que je veux en ce moment.

Ce que je veux, c’est appeler ma banque pour demander mon solde de prêts et bourses, qu’on me réponde 47 000 $, et ensuite demander de faire un virement de 47 000 $ à partir de mon compte épargne pour ne plus jamais en entendre parler.

Tu me connais, depuis le temps. Je suis très théâtral.

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C’est fini

C’est ce que je viens de faire à l’instant et c’était incroyablement satisfaisant.

Donc, si ce n’était pas encore assez clair, à moins que je fasse un retour aux études, ce qui serait l’équivalent de passer une dernière nuit ensemble en souvenir du bon vieux temps (rarement une bonne idée), c’est vraiment terminé.

Ceci dit…

Il m’arrive de voir des couples de longue date se séparer et que l’une des parties regrette la relation. Où les gens se disent : « Comment j’ai pu perdre toutes ces années de ma vie avec cette personne ? » Je n’ai pas envie qu’on soit ça.

Je pense qu’on ne se convient plus, mais que pendant plusieurs années, tu étais exactement ce dont j’avais besoin. Malgré les difficultés, l’angoisse et le doute, tu m’as aidé à devenir la meilleure version de moi-même et pour ça, je n’arrêterai jamais complètement de t’aimer… mais c’est quand même fini.

Tu trouveras quelqu’un d’autre. En fait, tu vas te mettre en relation avec des centaines d’autres étudiant.e.s juste aujourd’hui. Ça me rend heureux. Je serais plus heureux si la gratuité scolaire était une réalité, mais d’ici là, je souhaite une aussi belle relation que celle qu’on a partagée pendant 12 ans à tou.te.s les étudiant.e.s qu’il te reste à rencontrer.

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