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Ça vaut tu la peine… les vitamines et suppléments pour enfants ?

On est loin des vitamines Pierrafeu.

Par
Caroline Décoste
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J’ai pas de statistiques officielles, mais je suis pas mal sûre que la plupart des parents d’enfants en âge de manger solide se sont déjà dit au moins une fois dans leur vie : « Mon Dieu, est ben beige, cette assiette de souper là. Mon enfant va sûrement manquer de vitamines! ». C’est ce qui est arrivé à Morgane, professionnelle au tournant de la quarantaine et mère de trois enfants d’âge préscolaire (lire : mère qui dort peu).

« J’étais en carence de sommeil, de fer et de patience, et je suis une cible facile. Un soir où les plus jeunes ne dormaient pas et que la plus grande n’écoutait pas, j’ai fini par acheter des vitamines en jujube d’une pub Instagram… La publication ne citait aucune étude sérieuse, mais j’étais tellement à bout des virus que je voulais mettre toutes les chances de mon côté. Alors, je me suis mise à leur donner des multivitamines tout l’hiver. C’est peut-être aussi par réflexe parce que ma mère m’en donnait, petite. »

Vitamine B comme bidous

Ce n’est pas étonnant que Morgane ait été ciblée, et séduite, par une belle pub Instagram bien léchée : il faut savoir qu’au Canada, l’industrie des multivitamines connaît actuellement une croissance fulgurante.

Atteignant une valeur de près de 30,52 milliards de dollars, le marché devrait atteindre plus de 58 G$ d’ici 6 ans! Ça en fait, des p’tits jujubes à l’huile de foie de morue.

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En 2015, selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de Santé Canada, à peu près 45 % des enfants de 1 à 8 ans et 36 % des préados de 9 à 13 ans consommaient régulièrement des suppléments nutritifs. Ces chiffres datent, mais à voir la popularité grandissante des produits de santé couplée à la force du marketing sur les réseaux sociaux et à l’explosion de TikTok chez les milléniaux pendant la pandémie, on peut estimer sans trop se tromper que la proportion a dû augmenter depuis.

Surtout avec des produits comme un spray multivitamines au goût d’orange censé stimuler la croissance osseuse et l’équilibre hormonal, des « bonbons gélifiés immunocompétents sans sucre », des « stimulants cognitifs » à saveur de fraise (avec des noms comme Nutripur Genius ou SmartyPants), des comprimés à croquer pour le développement des yeux et des suppléments d’oméga-3 au goût de gomme balloune (parce que le poisson, ça goûte pas bon), on peut comprendre l’attrait.

« Les compagnies sont de plus en plus outillées et agressives pour vendre ce qui est bon pour elles, sans que ça soit nécessairement bon pour vous », résume Annie Ferland, la nutritionniste et docteure en pharmacie derrière le site Science et Fourchette. « Il y a tellement d’informations qui circulent en ligne, ce n’est pas évident de faire la part des choses. On pourrait facilement dire : “Allez voir votre nutritionniste de famille”, mais c’est pas comme si tout le monde avait accès à ce genre de service! »

« Bien manger, c’est quelque chose de privilégié », rappelle Annie. « C’est facile de jouer avec la culpabilité des parents. »

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La nutritionniste le constate d’ailleurs dans sa pratique : beaucoup de parents ne veulent pas, comme Morgane, « prendre de chances », et sortent l’attirail des suppléments pédiatriques. « Sauf que dans les faits, à part pour la vitamine D pour un enfant de 0 à 24 mois, les suppléments sont inutiles dans la majorité des cas. C’est plutôt un poids financier qu’on se met sur les épaules. »

L’anxiété de l’assiette beige et des virus

Jouer sur la culpabilité des parents ? Meuuuuuuuuuuuh non.

(Est-ce que j’étais prête à noter une hypothétique quantité recommandée de multivitamines nécessaire pour compenser le beige de l’assiette de ma cadette, qui voue un culte au riz blanc et à la croquette de poulet, et lui assurer une rentrée scolaire à l’abri du nez qui jute comme un érable jusqu’en mars ?)

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Quand Véronique (nom fictif) a répondu à mon appel à témoignages, elle a commencé par m’envoyer une photo de son armoire où elle entrepose une véritable collection de vitamines. De son propre aveu, elle dit un peu s’être fait happer par ce que je nommerais « l’anxiété du nutriment ».

« Une amie m’a partagé un article du National Geographic qui confirmait que les sols étaient plus pauvres en nutriments qu’avant. Ça m’a quand même alarmée et j’ai eu peur que mon garçon ait des carences. »

Puisque cette jeune maman d’un garçon de 7 ans était déjà elle-même une grande consommatrice de produits naturels, ça lui semblait logique de donner des vitamines à son enfant. Leur arsenal de suppléments comprend : vitamines C et D séparées (pour l’hiver), multivitamines avec du fer, un supplément de zinc (pour le système immunitaire) et du magnésium bisglycinate (pour le sommeil).

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« Comme je sers des repas végétariens, j’ai toujours peur qu’ils soient moins nutritifs, même si tous les groupes alimentaires y sont. Sinon, je dirais que côté immunité, on s’en sort quand même bien. Les rhumes ne s’accrochent pas facilement et nous n’avons pas encore ramené de gastro à la maison. Est-ce de la chance ou est-ce que les suppléments fonctionnent vraiment? Aucune idée, mais je continue de le faire, parce que mon garçon aime bien croquer ses vitamines et ça me réconforte de savoir qu’il a tout ce qu’il faut pour une croissance optimale. »

On se dit que ça ne peut pas nuire, mais est-ce vraiment le cas?

Pour plusieurs vitamines, il existe un risque de surconsommation, appelé hypervitaminose. C’est pourquoi, comme pour tout produit de santé, il vaut mieux demander l’avis à un pharmacien sur la dose recommandée pour l’âge de son enfant. Il faut aussi s’assurer que les produits, avec leur bel emballage attrayant et leur bon goût sucré, soient placés hors de la portée des petites mains.

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Faque, c’tu bon, c’tu pas bon?

De l’avis d’Annie et d’autres nutritionnistes, à moins que notre enfant ait des allergies multiples ou des carences (auquel cas il est déjà, on l’espère, suivi en pédiatrie), on peut slacker sur la dépense vitaminée, même si nos enfants ne mangent pas forcément comme on l’aimerait, ou comme l’industrie nous fait croire qu’ils doivent manger.

Note : La recommandation pédiatrique de vitamine D pour les bébés de 0 à 24 mois n’est pas concernée par cet article. N’oubliez pas de consulter une ou un professionnel de la santé pour tout ce qui a trait à l’alimentation et au bien-être de votre petit trésor.

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