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Les travailleuses sont frappées plus durement par la crise et ce n’est pas un hasard
«La pandémie de la COVID-19 nous a permis de confirmer, hors de tout doute, ce qu’on savait déjà», m’affirme sans tarder Denis Bolduc, secrétaire générale de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).
Cette crise est venue «exacerber plusieurs inégalités basées sur le genre, que ce soit sous l’angle de la conciliation travail-vie personnelle, de la santé et de la sécurité ou de l’économie».
On parle ici de 1,5 million de femmes qui ont perdu leur emploi lors des deux premiers mois de la crise.
Une récente étude annonçait que le retour des femmes sur le marché du travail serait plus tardif, et ce, malgré la reprise graduelle de notre économie. Elles représentaient 51% des pertes d’emplois en mars et en avril. On parle ici de 1,5 million de femmes qui ont perdu leur emploi lors des deux premiers mois de la crise.
Elles ont été plus nombreuses à perdre leur emploi et moins nombreuses à retrouver leur job. En mai et en juin, elles ne comptaient que pour 45% des gains d’emplois. Une réalité qui menace des décennies de progression de la main-d’œuvre féminine.
Nos anges gardiennes?
«Une grande majorité de femmes occupent des emplois stratégiques dans notre société. En éducation, en santé et dans les commerces de services, tous des secteurs qui ont été déclarés essentiels. Mais en même temps, ce sont souvent des secteurs où la rémunération est moins importante et ne suis pas toujours la courbe salariale des hommes», me lance Denis Bolduc.
Alors, le titre d’«ange gardienne», de belles paroles lancées en l’air?
Parce qu’après le bref passage de la «bonification COVID» pour certains secteurs, que se passera-t-il du côté de la rémunération de ces secteurs «essentiels»? Parce que, comme le secrétaire de la FTQ le dit si bien, ce n’est pas parce qu’on assiste à un certain «retour à la normale» qu’on est sortis du bois pour autant.
Un salaire décent et paritaire est un combat de tous les instants.
Plus durement touchées pour plus longtemps
«On pourrait prendre l’exemple des secteurs fortement touchés de l’hôtellerie, la restauration et le tourisme. Les emplois de ces milieux sont majoritairement occupés par des femmes et la reprise sera plus lente comparativement au secteur manufacturier par exemple qui, lui, est principalement occupé par des hommes et qui est de retour sur les rails», explique le secrétaire général.
Ce constat va de pair avec les conclusions de l’étude présentée la semaine dernière.
De mars à juin, pour la première fois en plus de trois décennies, le taux de chômage des femmes a dépassé celui des hommes.
«L’ampleur du revers que cette pandémie a infligé à la participation des femmes au marché du travail, ainsi que la forme de la reprise jusqu’à présent, suggère que le retour aux niveaux pré-COVID ne sera pas facile», pouvait-on lire dans les conclusions de l’étude.
D’autant plus que le niveau d’égalité économique pré-COVID, qui n’était toujours pas paritaire soit dit en passant, n’aura été atteint qu’après plusieurs décennies de mouvements féministes, de luttes de travailleuses et de politiques d’équité salariale.
Regagner le terrain perdu ne sera pas simple, surtout si le statu quo est conservé. Que se passera-t-il à l’automne dans les écoles et les garderies?
La conciliation travail-famille
«On l’a vu avec la crise sanitaire, ce sont majoritairement les femmes qui ont pris la relève pour les enfants ou comme proche aidant dans les familles», me dit M. Bolduc.
«On revendique une loi-cadre qui viendrait contraindre les employeurs à faire une démarche avec les employés pour déterminer comment on met en place une vraie conciliation du travail et de la vie personnelle dans le milieu de travail dans l’optique d’un retour à la “normale” dans les prochains mois», ajoute-t-il.
Parce que même si on commence à percevoir la lumière au bout du tunnel et que tous souhaitent une reprise d’un cadre plus habituel des choses, la FTQ souhaite que ce fameux «retour à la normale» soit bien fait.
«Si la crise sanitaire est révélatrice d’où nous voulons aller, nous voulons surtout qu’elle mette en lumière notre ras-le-bol face à un système qui perpétue les inégalités de genre», déclaraient Louise Michaud, France Paradis et Joëlle Ravary, vice-présidentes de la FTQ et responsables politiques du Comité de la condition féminine de la FTQ, dans une lettre ouverte publiée plus tôt en juillet.
On souhaite surtout que «retour à la normale» ne rime pas avec «retour en arrière» pour les travailleuses.