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Les observations d’un Gatinois, étudiant en pleine jungle montréalaise

Orgelet, cours d'été et buvette (pas « abreuvoir »).

Par
Jacob Khayat
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Quand on me parle de ma première année universitaire à distance, on semble toujours désolé.

J’entends mon entourage me dire que ç’a dû être difficile d’assister à des cours Zoom, d’être motivé ou encore d’entretenir une vie sociale saine. On me dit souvent que c’est vraiment une année perdue. Sachez-le : la seule chose que j’ai perdue cette année, c’est ma clé d’appartement (et à plusieurs reprises d’ailleurs).

Nul besoin de me prendre en pitié, car dans les derniers mois, j’ai appris pas mal d’affaires. Voici donc, de façon exhaustive, quelques aspects qui se sont ajoutés à mon spectre de connaissances à l’université.

Survivre au dialecte montréalais

J’ai compris qu’en déménageant de Gatineau pour m’établir à Montréal, je devais me fondre dans la masse en modifiant mon vocabulaire afin d’éviter certains accrocs de langage. J’ai appris à la dure que s’esclaffer devant une personne qui vient de faire une blague en criant « c’est laugh » ou chercher « une buvette » dans un parc n’amène rien d’autre qu’un cercle social réduit. Note à moi-même : dans la mesure du possible, utiliser ma résilience nouvellement acquise pour employer « c’est marrant » en réaction à une plaisanterie et plutôt tenter de trouver un « abreuvoir » dans un espace vert extérieur.

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Retrouver un ancien ennemi

J’ai découvert avec surprise que la cote R du Cégep, ce fameux chiffre classant nos succès académiques par rapport à ceux de nos collègues, avait revêtu un déguisement de lettre Z pour se glisser à nouveau de façon vicieuse dans mes relevés de notes. Moi qui croyais en avoir fini avec la crainte qu’une cote R trop basse m’empêche d’accéder à un programme universitaire, j’ai renoué, malgré moi, avec l’absolue nécessité de performer. Le tout dans l’espoir incertain de ne pas nuire à mes potentielles bourses (ou d’altérer mon ego disproportionné). Disons qu’encore à ce jour, je ne sais pas dans quel ordre de priorité les situer.

L’été, c’est fait pour jouer

J’ai réalisé que si une session d’été c’est attirant sur papier lorsqu’on s’y inscrit au début avril, période où nous essayons tant bien que mal de renaître avec le printemps, le portrait est tout autre après deux semaines de cours. Inutile de dire qu’étudier à la mi-mai (pendant que tout le monde se met chaudaille dans un parc dès 13 h) laisse un léger goût amer en bouche. Mon unique consolation : me dire que je pourrai profiter à l’automne du crédit de ce cours d’été pour aller ME mettre chaudaille dans un parc en plein jour. Probablement seul ? Non, car j’aurai cessé d’utiliser des mots comme « buvette » pour chercher des abreuvoirs.

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La peste universitaire

À défaut d’avoir attrapé la COVID, j’aurai attrapé des orgelets. Un mal pour un bien faut croire.

J’ai assimilé ce qu’était réellement un orgelet. Moi qui m’étais toujours cru au-dessus ce genre d’infection, présumant que ça n’arrivait qu’aux plus faibles d’entre nous… erreur. Je suis moi-même tombé au combat. Comme quoi, il faut littéralement le voir pour le croire. Dans les grandes périodes de stress collectif, soit en fin de session ou encore pendant les Jeux de la communication, j’ai été témoin de véritables épidémies de petites paupières enflées. On pourrait insinuer qu’il s’agit ici d’un apprentissage futile. À mes yeux, il faudrait plutôt le considérer comme un effort de sensibilisation publique face à une peste qui ronge notre société. À défaut d’avoir attrapé la COVID, j’aurai attrapé des orgelets. Un mal pour un bien faut croire.

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De la diversité et beaucoup de magie

J’ai constaté que le corps professoral universitaire est beaucoup plus varié que tout ce à quoi j’ai été exposé auparavant. Des professionnel.le.s et des moins professionnel.le.s. Des jeunes et des moins jeunes. Des pédagogues et des moins pédagogues (j’aimerais insister sur ce point, merci). Jamais de ma vie les gens qui m’ont transmis des connaissances n’auront été aussi hétéroclites. Et j’adore ça. J’ai même vu un de mes profs se rouler un joint à côté de moi dans un parc. L’apercevoir tirer des puffs sur sa baguette magique, ça m’a vraiment amusé (et également fait relativiser plusieurs A+ qui m’ont été donnés dans son cours).

Dompter la technologie

J’ai réalisé que ce ne sont pas tous les millénariaux qui maîtrisent les méandres de la technologie. Pour une génération qui est « née avec un cellulaire dans les mains », je nous ai parfois trouvés en difficulté. Des webcams à quatre pixels, de mauvais éclairages ou même des partages d’écran ratés; je me suis moi-même bruyamment mouché à micro ouvert pendant une présentation Zoom. Ça n’accotera jamais l’étudiant de l’UQO qui a pris une douche la caméra ouverte pendant un cours, flashant par le fait même son croque-monsieur à qui voulait bien le voir, mais quand même. On me dira que l’erreur est humaine, certes, mais certaines situations ébranlent davantage ma foi en cette maxime que d’autres.

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Par dessus tout, j’ai appris que l’université, c’est vraiment le fun. Que dès qu’on y met les pieds et qu’on y étudie dans un programme chouette avec des gens qui le sont tout autant, ben, ça donne envie d’y rester pour un petit bout. Ce n’est pas que je n’ai pas hâte de devenir un jeune professionnel, de m’acheter une petite balayeuse Dyson, d’en parler à tout le monde à la job, de revenir à mon appartement, de m’asseoir entre mon aspirateur et mon (futur) chien et de les caresser tous les deux en regardant les nouvelles de 18h, non. C’est juste que j’ai appris que l’université, c’est également un endroit fantastique et formateur, tant sur le plan relationnel que personnel. Avec ou sans pandémie. Et ça, je suis convaincu qu’aucun cours, aussi bien bâti puisse-t-il être, ne pourra jamais nous l’apprendre.