LogoSponsor

Les nouveaux téléthons: donner sa fête en cadeau à des organismes de charité

Pour une fois que Facebook fait œuvre utile.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
Publicité

J’étais en voyage avec ma famille la première fois que Facebook m’a sollicité pour un don. Charles Plourde, un gars d’environ mon âge avec qui j’avais plus de cent amis en commun, demandait un coup de main pour payer des médicaments dispendieux qui n’étaient pas remboursés par la RAMQ.

« Demandait », puisque Charles Plourde est décédé peu de temps après d’un cancer au cerveau. Il avait trois enfants.

On avait beau être à l’autre bout du monde, son histoire nous a fortement ébranlés. Surtout ma blonde, qui a aussi dû dealer avec un cancer dans la trentaine, mais avec un dénouement à ce jour plus heureux.

N’empêche que la campagne de Charles avait permis d’amasser 102 368$, soit largement au-delà des 50 000$ réclamés au départ. Un immense succès, possible par le truchement de quelques clics sur Facebook.

Outre ces collectes de fonds au profit d’organismes ou à des fins personnelles, Facebook suggère aussi aux gens depuis août 2017 de transformer leur anniversaire en collecte de fonds pour des causes de leur choix, en puisant parmi les 750 000 organismes proposés par le réseau social, qui recense quotidiennement 45 millions de vœux d’anniversaire.

Publicité

« Les organisations à but non lucratif qui se servent de la plateforme de paiement de Facebook n’ont pas de frais à payer : 100% des dons leur reviennent », explique Facebook sur son site.

Laissez faire les drinks, faites un don

Bref, depuis l’histoire de Charles, j’ai vu, comme vous sans doute, les initiatives du genre se multiplier sur mon fil Facebook, au point de faire partie presque quotidiennement de ma vie virtuelle.

Publicité

Mon amie Geneviève, par exemple, a choisi de donner sa fête en cadeau à l’organisme montréalais Mères avec pouvoir, dédié aux femmes monoparentales vivant la précarité.

« Faque laissez faire les drinks et les shooters, tout don aussi petit soit-il, m’aidera à atteindre mon objectif. »

Marie-Sophie L’Heureux, elle, a encouragé ses amis virtuels à troquer leurs vœux d’anniversaire contre des dons à la Dauphinelle, un foyer d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale avec ou sans enfants. « Faque laissez faire les drinks et les shooters, tout don aussi petit soit-il, m’aidera à atteindre mon objectif », a-t-elle écrit dans son pitch.

Au terme de sa campagne d’environ deux semaines, 55 donateurs lui ont permis d’amasser 1740$, presque le double de l’objectif de départ fixé à 1000$. Pour les reçus d’impôt, les donateurs doivent cependant se tourner vers l’organisme directement.

Publicité

« J’ai l’impression que ça a très bien marché parce que j’étais une des premières à le faire. Ce qui m’a surpris, c’est que j’ai surtout reçu des dons de connaissances et même d’inconnus, mais pas nécessairement de mes amis proches », raconte la jeune femme qui, depuis, a vu le phénomène se multiplier de manière exponentielle.

Des milliards en dons

L’option « Collecte de dons » semble connaître un succès phénoménal, transformant la planète en immense téléthon virtuel. Facebook a récemment annoncé avoir contribué à lever deux milliards de dollars avec cet outil depuis sa création il y a cinq ans, dans la foulée du Ice Bucket Challenge qui avait connu un engouement viral planétaire.

Sans surprise, les causes liées à la maladie, à commencer par celles touchant les enfants, font vibrer une corde sensible et suscitent des élans de générosité, sur Facebook, mais également sur d’autres plateformes comme Go Fund Me et Kickstarter. Pour une fois, bravo #LesGens.

Publicité

Ophélie Lacombe en sait quelque chose. Son petit William, quatre ans et demi, a reçu un diagnostic de leucémie lymphoblastique aiguë l’été dernier. Depuis, William subit des traitements, de la chimio et doit se rendre régulièrement à l’hôpital. « Des conséquences financières m’obligent à chercher toute l’aide disponible pour combler les petits besoins de notre famille et réaliser certains rêves d’enfants de William afin de lui redonner des moments de sourire », explique la jeune maman dans la description de sa collecte de fonds sur Facebook, qui s’élève jusqu’ici à 3359$ sur les 3500$ demandés au départ.

Publicité

Nathalie Voisine et sa famille se sont aussi tournées vers Facebook pour demander de l’aide pour soutenir son frère Stéphane (alias Charly). L’homme originaire de Québec, qui habite Montréal depuis deux ans, a voulu prêter main-forte à une jeune femme qui se faisait tabasser en plein rue en août dernier. L’agresseur et deux de ses amis l’ont aussitôt roué de coups. « Ils l’ont frappé encore et encore, le laissant presque mort. Les conséquences de cette violence insensée sont graves. La rate, les intestins, le foie et le cerveau ont subi des dommages », écrivait sa sœur dans la description accompagnant sa collecte de fonds.

Stéphane a passé un mois dans le coma et a depuis entrepris une intense rééducation.

Publicité

La campagne a permis d’amasser jusqu’ici 8545$ sur les 10 000$ souhaités. Cet argent servira à aider financièrement Stéphane, un travailleur autonome, qui n’a plus rien devant lui et qui a besoin d’accompagnement constant, notamment à domicile. « Stéphane a de la misère avec ça, il n’est pas habitué d’avoir autant d’amour et de reconnaissance. Il l’apprécie beaucoup, mais ne comprend pas », explique Nathalie, qui ajoute que la priorité de son frère est de retrouver son propre rythme et retourner travailler. « Un des suspects a été pris hier. Les trois sont maintenant derrière les barreaux », ajoute-t-elle au bout du fil, espérant que la justice fera son travail.

Une manne inattendue pour les organismes

Pour les organismes qui profitent de ces dons, c’est carrément de l’argent qui tombe du ciel. « Pour nous, c’est un cadeau, une belle surprise! Et comme il est toujours difficile d’obtenir des dons, c’est aussi une manière de nous faire connaître à de potentiels nouveaux donateurs. Il n’y a pas de petits dons », a d’ailleurs commenté à ce sujet l’organisme la Dauphinelle, lorsque je l’ai contacté au sujet du don de Marie-Sophie L’Heureux.

Publicité

Bien avant que Facebook n’emboîte le pas, l’organisme Le Phare avait déjà créé « Ma fête en cadeau », avec le même objectif : troquer les traditionnels vœux d’anniversaire pour des dons pour cette maison de soins palliatifs pédiatriques, qui héberge des enfants en fin de vie.

Assurément la cause la plus noble de l’histoire des causes, ce qui explique d’ailleurs le succès de ces campagnes, auxquelles se greffent chaque année des personnalités publiques, comme Stéphane Laporte.

Publicité

« S’il y a une cause qu’on ne peut pas refuser, c’est bien celle-là! », dit le chroniqueur de La Presse et concepteur d’émission bien connu. Avant de participer, il a passé du temps au Phare pour s’imprégner de l’endroit et en tirer un texte reportage. « Avant d’y aller, j’avais tellement peur que ça me brise en deux, mais c’est la joie de vivre qui régnait. Les enfants sont tellement dans le moment présent. Je m’en souviendrai toute ma vie de cette journée », confie M. Laporte, qui n’a rien contre les initiatives du genre sur Facebook, surtout si ça peut faire connaître de bonnes causes.

À ce jour, la campagne « Ma fête en cadeau » a permis d’offrir 37 632 heures de soins et services aux enfants et familles du Phare.

Publicité

À ce jour, la campagne « Ma fête en cadeau » a permis d’offrir 37 632 heures de soins et services aux enfants et familles du Phare. « L’idée était de trouver une manière d’atteindre des donateurs et les faire rester. Les gens en ont entendu parler fortement par les télés, radios et nos artistes associés », explique Julie Lambert, .

L’organisme ne cache pas que l’arrivée d’un géant comme Facebook dans le marché de la philanthropie ne passe pas inaperçu. « C’est sûr que ça nous enlève un peu de notre originalité, mais on n’est pas contre l’idée de permettre à tous de donner sa fête, surtout si ça peut aider de plus petites campagnes », souligne Julie Lambert, conseillère au développement philanthropique au sein de l’organisme.

Publicité

Danger d’essoufflement

Le déferlement de campagnes de toutes sortes risque peut-être à long terme de diluer cette délicieuse sauce nommée « altruisme », comme c’est d’ailleurs déjà le cas sur d’autres plateformes de crowndfunding.

Heureusement, les gens ne semblent pas dupes et comprennent vite qu’aider deux participantes de l’émission Barmaids à participer à un rallye au Maroc mérite un élan de solidarité moindre qu’aider les parents de Milan à le doter d’une chambre hyperbare. On le voit aux maigres pécules amassés par ces campagnes superficielles.

« Je comprends l’exaspération ambiante, je la sens, lorsque les gens se sentent obligés et que Facebook est gossant avec ses notifications. »

Publicité

« Je comprends l’exaspération ambiante, je la sens, lorsque les gens se sentent obligés et que Facebook est gossant avec ses notifications », explique Marie-Sophie, qui craint que de nobles causes ne soient perdues dans un océan de campagnes de tout acabit.

Heureusement, la plupart des campagnes que j’ai jusqu’ici vu passer sur Facebook semblent légitimes, sauf certaines qui ont l’air un brin tirées par les cheveux, comme cet homme qui amasse de l’argent pour l’aider financièrement à subvenir à ses besoins durant sa dépression et cette jeune femme qui sollicite (sans succès jusqu’ici) l’aide des gens pour l’aider à payer le « mignon petit 3 et demi lumineux et hyper silencieux » de ses rêves à Rouyn-Noranda.

Publicité

Mais bon, c’est probablement quand même moi qui remporte la palme de la campagne ridicule, avec c5