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Les insectes aussi vont dans le Sud en hiver!

« Winter is coming » pour les bibittes.

Par
Mathilde de Kerchove
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Ils arrivent progressivement à partir du mois de juin. D’abord des moustiques débarquent dans votre chambre quand vous oubliez de mettre la moustiquaire, puis petit à petit, vous vous retrouvez à écouter les cigales chanter depuis votre terrasse en plein cœur de Montréal, et vous vous croyez presque sur la Côte d’Azur.

Tout ça, c’est bientôt fini. Avec l’arrivée du froid, les quelque 20 000 espèces d’insectes qui peuplent le Québec vont soit partir se cacher dans les recoins les plus obscurs de la province, soit prendre la fuite vers le sud. Plus vite que vous ne le croyez, les guêpes qui essayent de plonger dans votre bière en terrasse ou les petites mouches noires qui vous arrachent doucement la peau en camping vous manqueront, tant elles vous rappellent la douce saison qu’est l’été.

Pour comprendre où toute cette population d’insectes disparaît dès le début de l’automne, on a discuté avec André-Philippe Drapeau Picard, préposé aux renseignements entomologiques de l’Insectarium de Montréal.

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Les résistants

« Il y a autant de stratégie de survie au froid qu’il y a d’espèces d’insectes », explique notre spécialiste. « Mais si on doit les rassembler en deux catégories de comportements distincts, on parle de résistance et de migration ».

«Il y a autant de stratégie de survie au froid qu’il y a d’espèces d’insectes»

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Si on prend l’exemple des guêpes qui envahissent la ville chaque été, il n’y a qu’une partie de sa population qui survit à l’hiver. Dès l’arrivée des premiers gels, les guêpes ouvrières qui servent la reine tout l’été dans son nid meurent directement. Cette dernière part seule se cacher pour toute la saison froide et pond toute une nouvelle colonie dès l’arrivée du printemps. « Seules les reines résistent au gel. Elles se cachent sous la neige ou dans des arbres morts, par exemple , explique André-Philippe Drapeau Picard. C’est pour ça qu’il y a plus de guêpes à la fin de l’été. La reine quitte son nid pour aller se cacher et les ouvrières n’ont dès lors plus aucune raison de rester au sein de l’abri. Elles se promènent dans la ville avant de mourir de froid. »

Comme la reine des guêpes, de nombreux insectes ont recours à une adaptation impressionnante pour lutter contre la période de gel. « De la même manière que les mammifères hibernent, ces insectes entrent en diapause, un état qui leur permet de passer l’hiver dans l’une ou l’autre des étapes du cycle de vie, que ce soit sous la forme d’oeuf, de larve, de nymphe ou encore d’adulte », poursuit l’expert en entomologie. Et certains insectes ne manquent pas d’imagination, en allant jusqu’à créer un antigel efficace à base de glycérol, qui empêche la création de cristaux de glace.

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Les migrateurs

Comme de nombreux Québécois, beaucoup d’espèces d’insectes font aussi le choix de fuir le froid du Canada pour rejoindre le soleil du sud. C’est par exemple le cas des papillons Monarques qui passent tout l’hiver à 4000 kilomètres de chez nous au Mexique, dans l’État montagneux de Michoacán.

«C’est très impressionnant de les voir par milliers, recouvrir des buissons entiers et battre des ailes en un bruissement continu.»

« Ils partent en masse jusqu’au Mexique, où ils se posent sur des arbres, raconte André-Philippe Drapeau Picard. C’est très impressionnant de les voir par milliers, recouvrir des buissons entiers et battre des ailes en un bruissement continu. » Dès l’arrivée du printemps, les papillons entament le chemin inverse et parcourent les milliers de kilomètres qui les séparent de leur lieu d’origine, en passant par plusieurs étapes à travers les États-Unis.

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Plus d’insectes avec le réchauffement climatique?

La rumeur revient chaque été: y a-t-il réellement plus de guêpes chaque année à cause du réchauffement climatique? « Ce n’est pas vraiment quantifiable, explique l’expert. Il n’y a pas de suivi annuel assez précis pour affirmer cette tendance. Je pense aussi qu’avec la pandémie, on passe plus de temps chez soi et dans sa région, et on se rend donc compte de la présence de telle ou telle sorte d’insectes près de sa maison. »

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Par contre, des épidémies d’insectes comme la chenille spongieuse sont observées et risquent d’augmenter, assure-t-il. Cette année, de nombreux joggeurs du mont Royal ont d’ailleurs observé la chute de chenilles qui leur tombaient sur la tête pendant leur course. « Il y en a plus qui ont résisté à cet hiver qui n’était pas assez froid », explique André-Philippe.

Et comme le conclut notre spécialiste, si on peut s’attendre à des populations d’insectes un peu plus denses en été, « Il faudrait quelques milliers d’années de réchauffement climatique avant de voir des moustiques et des guêpes en plein hiver. » Morale de l’histoire: même s’ils peuvent avoir mauvaise réputation, il faut tout de même noter l’ingéniosité remarquable des insectes. Et avouons-le, on s’ennuiera sûrement d’eux jusqu’à l’été prochain…

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