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Les finances du rap: réinvestir dans le hood

Au-delà des grillz en diamants, certains rappeurs redonnent à leur communauté.

Par
Simon Tousignant
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Le rap, c’est souvent le gros bling, les grosses voitures, les vĂȘtements hors de prix. Pour entretenir ce mode de vie, ça prend du gros cash. Si certains rappeurs se contentent de ce lifestyle sans penser au reste de la population humaine, d’autres se souviennent des conditions difficiles de leur jeunesse et dĂ©cident de redistribuer leur richesse dans leur hood.

J’ai fait un petit survol de plusieurs rappeurs philanthropes, question de voir comment ils redonnent Ă  la communautĂ©. Évidemment, c’est impossible de rĂ©pertorier tous les beaux gestes des rappeurs, alors j’ai essayĂ© de vous trouver des exemples pertinents et variĂ©s.

Donner du cash

La forme la plus populaire d’aide caritative chez les rappeurs reste le don simple. Pas besoin de trop d’efforts, on signe le chĂšque, on l’envoie, et on rĂ©colte le capital sympathie et surtout, les crĂ©dits d’impĂŽt. Par exemple, 21 Savage a donnĂ© 21 000$ (Ă©videmment) lors d’une Ă©mission du Ellen DeGeneres Show en 2018 pour aider des jeunes d’Atlanta Ă  s’ouvrir un compte Ă©pargne. Parce que 21, Ă  dĂ©faut de bien connaĂźtre les lois d’immigration des États-Unis, reconnaĂźt l’importance de la responsabilitĂ© financiĂšre dans le hood.

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Toujours dans la catĂ©gorie des dons simples, impossible de passer Ă  cĂŽtĂ© du don massif qu’ont fait Dr. Dre et son associĂ© Jimmy Iovine Ă  la University of Southern California en 2013. C’est pas moins de 70 millions de dollars que les deux acolytes ont promis Ă  l’universitĂ© afin de fonder le USC Jimmy Iovine and Andre Young Academy for Arts, Technology and the Business of Innovation, un nouveau programme dĂ©diĂ© aux technologies reliĂ©es au domaine des arts. Bien que ce ne soit pas un don direct Ă  Compton, le quartier dĂ©favorisĂ© de Los Angeles oĂč Dre a grandi, il s’agit d’un geste qui bĂ©nĂ©ficiera Ă  un grand nombre d’étudiants.

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Question de ne pas ĂȘtre en reste, Sean “P. Diddy” Combs, le rival de Dr. Dre pendant la guerre east-west des annĂ©es 90, a aussi Ă©tĂ© trĂšs impliquĂ© au niveau caritatif. En 2013, le fondateur de Bad Boy Records a fait un don de 250 000$ au Network for Teaching Entrepreneurship, un organisme qui encourage les jeunes du inner-city new-yorkais Ă  suivre leurs aspirations en affaires. Pas de meilleur exemple que Diddy, lui qui gĂšre mille et une opportunitĂ©s d’affaires (Ă  peu prĂšs correctement) depuis son arrivĂ©e dans le rap jeu.

Il ne faudrait pas penser que les plus jeunes rappeurs du moment ont perdu la fibre philanthropique: en 2017, Chance the Rapper a fait un don d’un million de dollars (de son propre argent!) au systĂšme d’éducation publique de la ville de Chicago, afin d’offrir des programmes d’arts enrichis aux Ă©tudiants peu fortunĂ©s de la ville des vents.

Parfois, des rappeurs donnent pour se sortir de situations un peu embarrassantes.

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Parfois, des rappeurs donnent pour se sortir de situations un peu embarrassantes. C’est le cas de 50 Cent, qui a fait un don de 100 000$ Ă  la fondation Autism Speaks en 2016 aprĂšs s’ĂȘtre moquĂ© dans une vidĂ©o d’un jeune employĂ© d’aĂ©roport souffrant d’autisme que le rappeur croyait seulement gelĂ© ben raide.

Par contre, le rappeur n’a pas attendu ce faux-pas pour redonner Ă  la communautĂ©: il avait dĂ©jĂ  donnĂ© l’équivalent d’un milliard de repas au UN World Food Program, un programme des Nations unies. La pogne? L’argent venait des ventes de Street Kings, la boisson Ă©nergĂ©tique du rappeur. Finalement, il n’est peut-ĂȘtre jamais complĂštement rĂ©glo, le 50.

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Du pain et des jeux

D’autres rappeurs prĂ©fĂšrent plutĂŽt donner des biens directement aux habitants de leur quartier. C’est le cas de Birdman, patron de Cash Money Records, qui organise chaque annĂ©e le Thanksgiving Turkey Giveaway, oĂč lui et son Ă©quipe offrent des dindes aux habitants des quartiers dĂ©favorisĂ©s de la Nouvelle-OrlĂ©ans.

On peut aussi penser Ă  Ludacris qui, Ă  travers sa fondation LudaKids (du gĂ©nie), permet Ă©galement aux rĂ©sidents de quartiers dĂ©favorisĂ©s d’Atlanta de manger de la dinde Ă  l’Action de grĂące, entre autres.

Au QuĂ©bec, si les rappeurs ne peuvent prĂ©tendre aux fortunes de leurs collĂšgues du sud, ils trouvent tout de mĂȘme le moyen de redonner.

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Au QuĂ©bec, si les rappeurs ne peuvent prĂ©tendre aux fortunes de leurs collĂšgues du sud, ils trouvent tout de mĂȘme le moyen de redonner. On peut penser Ă  Dramatik, qui donne depuis plusieurs annĂ©es des ateliers d’écriture Ă  travers la province, ou bien Ă  Souldia, un des seuls rappeurs Ă  aller donner des spectacles dans les communautĂ©s amĂ©rindiennes.

Changer le systĂšme

C’est lĂ  que l’implication sociale prend tout son sens. Parce que s’il est facile de signer un chĂšque, prendre de son temps pour aller rencontrer les gens et faire une diffĂ©rence positive dans leur vie, c’est plus compliquĂ©.

Il n’y a pas meilleur exemple de ça que Nipsey Hussle, rappeur de Los Angeles malheureusement assassinĂ© devant son magasin il y a Ă  peine un mois.

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Ce qui diffĂ©renciait Hussle, c’est qu’au lieu d’envoyer des chĂšques ou de faire des apparitions, le rappeur Ă©tait restĂ© dans son quartier, Crenshaw. Il y a ouvert une boutique, The Marathon Clothing, oĂč il emploie des ex-prisonniers en rĂ©insertion sociale. Conscient de la nĂ©cessitĂ© de revitaliser son hood, le rappeur avait rachetĂ© le bloc oĂč il a passĂ© sa vie pour environ 2,5 millions de dollars. C’est aussi le bloc oĂč il a Ă©tĂ© assassinĂ©. Vrai jusqu’à la fin, le rappeur de 33 ans aura vĂ©cu les hauts et les bas de son quartier, en voie de s’embourgeoiser Ă  la suite du prolongement du mĂ©tro vers l’aĂ©roport LAX. L’investissement dans sa communautĂ© aura laissĂ© des traces et, dans ses mots, on ose espĂ©rer que The Marathon Continues.

Impossible de passer sous silence les contributions sociales, financiĂšres et politiques de Jay-Z.

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Finalement, impossible de passer sous silence les contributions sociales, financiĂšres et politiques de Jay-Z. Le rappeur de Brooklyn fait tout: sa fondation The Sean Carter Foundation rĂ©colte des millions de dollars pour offrir des bourses universitaires Ă  des Ă©tudiants dĂ©munis; il a payĂ© les frais d’avocats de Meek Mill lors de son incarcĂ©ration injuste en 2018; il a fait la mĂȘme chose cette annĂ©e lorsque le gouvernement amĂ©ricain a menacĂ© de dĂ©porter 21 Savage. Tout ça sans rien dire Ă  personne; ce sont les bĂ©nĂ©ficiaires de sa gĂ©nĂ©rositĂ© qui ont annoncĂ© la nouvelle.

Le plus gros move de Jay-Z, par contre, est la crĂ©ation de The Reform Alliance, un organisme qui lutte pour la rĂ©forme du systĂšme de justice amĂ©ricain afin d’en Ă©radiquer les injustices reliĂ©es Ă  la race et au genre. AnnoncĂ© en janvier dernier, l’organisme a dĂ©jĂ  rĂ©coltĂ© plus de 50 millions de dollars en dons (ça aide, avoir des amis riches).

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Surtout, le rappeur a investi dans Promise, une application qui permet aux AmĂ©ricains qui ont des dĂ©mĂȘlĂ©s avec la justice d’avoir accĂšs Ă  toutes les ressources possibles, comme leurs dates de parution en cour et les changements Ă  leur dossier. Dans un systĂšme hyper compliquĂ©, surtout pour des gens qui n’ont pas toujours les ressources nĂ©cessaires pour le comprendre, ce genre d’investissement pourrait faire une diffĂ©rence colossale.

Et peut-ĂȘtre qu’aprĂšs tout, Jay-Z pourra transformer les mots de son idole Biggie: «mo’ money, no mo’ problems».