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Il aurait pu faire beau. Si ce n’avait été de l’acharnement de La Presse dans un dossier bouleversant sur l’adoption.
C’est connu, l’été est un moment où l’humain réapprend à se faire chier. Dans un dilletantisme achevé, il renonce à une nouvelle partie de Candy Crush sur son iPhone, effrayé à l’idée qu’un courriel du boulot vienne déranger son retour à la vie sauvage. L’humain retrouve alors des réflexes rassurants, comme… acheter le journal. En manque d’images de trains qui brûlent, de politiciens menottés ou de ponts qui tombent, on se contente de footballeurs, poing levé — pour les papas — et d’articles sur les adoptions ratées — pour les mamans. Après la série sur les accidents de la routes de Foglia il y a deux ans, voici « rupture d’adoption » d’Isabelle Hachey et Édouard Plante-Fréchette.
Concours de titres : “Adoption : un rêve qui a mal tourné“, “Quand l’adoption tourne au cauchemar“, “Bombes à retardement”, “Des ruptures à la pelle”, “Retour à l’expéditeur“, “Aller-simple pour Port-au-Prince”. Une chance pour nous, Nathalie Normandeau et son poignant témoignage devant la commission Charbonneau sur son entourage politique tout pourri est venue déposer un fou-rire dans le journal. Parce qu’il faut avouer que la lecture du dossier spécial sur ces enfants du désespoir vous privait d’oxygène, si seulement vous arriviez au bout de votre lecture.
Je n’enlève rien à la qualité du travail. Qui suis-je pour le faire? Du bon boulot qui révèle un phénomène mal connu, avec du drame et des enfants… Bref, du bon documentaire d’été, le genre à nous faire fermer le journal et nous faire savourer la chance qu’on a, la chance qu’on s’a.
Même l’utilité publique, je ne la démens pas. Qui suis-je pour le faire? Il y a une certaine utilité à révéler aux parents adoptants à l’étranger l’éventualité — hum, la certitude — de revenir avec un enfant tout magané qui pourtant ne révélait rien de son mal sur les belles photos reçues tout au long du processus. Les parents adoptants ici — à la DPJ — eux, sont très bien informés des risques. Il y a dans cette vérité crue quelque chose de sain, comme du bon sens pour celles et ceux qui croyaient encore au Père Noël.
Ce qui me révolte, c’est de donner — encore — une image terrorisante de l’adoption. Qui suis-je? Un parent adoptant. Un, comme des milliers d’autres. Et voilà ce qui me révolte : je comprends que les médias ne sont pas là pour parler des trains qui arrivent à l’heure. On fouille exprès dans la fange et on trouve des sujets nouveaux. Aucun problème. Qu’on ramasse un politicien, une firme d’ingénieurs ou des mafieux les culottes baissées, franchement, ça m’amuse — comme vous. Tout ce monde-là peut très bien se défendre. Mais quand vient le temps de parler d’adoption, les médias pratiquent systématiquement le tir sur l’ambulance. Une ambulance qui ne peut pas se défendre.
Dans un reportage récent, on faisait le triste bilan des centres d’accueil incompétents. Dans le film Catimini, on abordait le côté irrécupérable d’une petite adoptée. Dans la série de La Presse, on fait le portrait d’enfants tellement croches qu’on les a ré-abandonnés. Vous voudrez vraiment adopter après ça!?
C’est là que réside tout le problème mathématique de l’adoption au Québec. Partons du principe qu’un enfant abandonné au Québec est notre responsabilité à tous — oui, oui, je vous l’annonce. Ailleurs on appelle ça les « pupilles de la nation ». Nos enfants à tous, quoi. Moins de familles adoptantes égale plus de centres d’accueil, égale plus d’enfants totalement hypothéqués, égale de futurs adultes dysfonctionnels à prendre en charge. Dégoûtez des familles d’accueil, et vous créez des BS drogués qui finiront par abandonner leurs enfants à leur tour. Est-ce que c’est assez clair? Passons rapidement sur la stigmatisation de ces petits survivants au moment de rentrer à l’école avec l’étiquette « adopté=fucké » collé sur le front.
Je ne comprends pas l’acharnement permanent des médias contre cette adoption qui sauve des centaines d’enfants chaque année. Des centaines de familles normales, heureuses et sans histoire, qui ne valent pas un article dans le journal. Mais tout est une question de point de vue. Si on ne parlait que des enfants qui meurent à Ste-Justine, y emmèneriez vos enfants, vous? Pourtant en ce moment-même, il y a sûrement un enfant qui meurt à Ste-Justine. Allez-y avec votre caméra et vous aurez votre prochaine série noire pour vacanciers repus.
Aujourd’hui, quand je parle d’adoption autour de moi, la grande majorité des gens ignorent simplement que c’est possible au Québec. Le reste a une image désastreuse de l’adoption à la DPJ. Merci les médias.
Du coup, il manque des familles d’adoption qualifiées pour adopter des enfants d’ici, d’autour de vous, de cet autre monde lointain et étranger. Merci La Presse.
Je propose que les prochains petits qui ne trouvent pas de famille d’accueil, on les envoie chez Isabelle Hachey et Édouard Plante-Fréchette. On verra bien ce qu’ils en feront.