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Les bases de la survie en forêt

Oui, un briquet c'est indispensable.

Par
Gabrielle Thouin
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Si vous vous êtes déjà promenés en forêt, vous vous êtes probablement déjà demandé ce qui arriverait si vous vous perdiez.

Parfois, ça peut même donner de bonnes conversations avec des amis où on se fait des scénarios en rigolant, qui finissent souvent en admettant qu’on sacrifierait fictivement le/la plus maladroit.e du groupe en premier s’il fallait manger quelqu’un. Sorry Kayla.

Mais trêve de plaisanterie : ça pourrait arriver. Pour vrai. Se perdre et devoir survivre pendant des jours, voire des semaines, ça peut arriver à n’importe qui.

Pis sérieux… comment on fait pour en sortir vivant.e ? C’est une bonne question.

On aimerait vous dire qu’il y a une poussée d’adrénaline et un instinct de survie digne du règne animal qui s’emparera de vous pour vous faire traverser ce labyrinthe de conifères et vous propulser vers la route 100-quelque-chose la plus proche… Mais ça peut être beaucoup. Ou beaucoup plus compliqué.

Petit guide qui, on l’espère, vous restera en tête pour quand vous aurez pu de batteries au milieu du parc des Laurentides.

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Mieux vaut prévenir

« Je dis toujours aux gens : Une fois que la situation d’urgence arrive, il est trop tard. Tu vas faire avec ce que tu as. »

Ces paroles à la fois sages et terrifiantes nous viennent de quelqu’un qui s’y connaît en matière de survie en forêt : André-François Bourbeau, est aventurier et cofondateur du baccalauréat en plein air de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). L’homme, qui est capable d’allumer un feu sans briquet ou allumettes en 4,2 secondes, a aussi établi un record Guinness de la plus longue survie volontaire en forêt, en 1981. Il y est resté 31 jours.

«Je dis toujours aux gens : Une fois que la situation d’urgence arrive, il est trop tard. Tu vas faire avec ce que tu as.»

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M. Bourbeau explique qu’il y a quatre facteurs qui changeront la donne en survie : le physique, le technique, le psychologique et le décisionnel.

Normalement, avant même de vous rendre en forêt, vous pouvez vous occuper des deux premiers : votre forme physique et vos connaissances techniques en matière de survie.

Mais mettons là, que je pars, tout.e nu.e dans le bois, la tête en l’air, sans avoir pris conscience que je circule dans un écosystème beaucoup plus puissant que mon désir de croquer en photo un porc-épic ou une dinde sauvage, pis que j’en ai pas, de briquet ? Suis-je condamnée?

Non, parce que j’ai encore du pouvoir sur les deux autres facteurs : ma prise de décisions et ma condition psychologique. Et ce ne sont pas des facteurs à sous-estimer : il faut garder son calme.

« Les gens font des choses qui n’ont aucun sens lorsqu’ils sont perdus, parce qu’ils paniquent. Ils ont des hallucinations, des crises d’anxiété… Ils ont tellement chaud qu’ils laisseront des vêtements de côté, mais ne les trouveront plus et regretteront à la nuit tombée, par exemple», nous dit Mathieu Hébert, cofondateur de l’école de survie Les Primitifs.

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Avant de partir : agrandir sa zone de confort

On peut aussi travailler là-dessus en amont. Le meilleur moyen, selon Mathieu Hébert, de rester réfléchi dans des situations comme celles-là, c’est d’agrandir sa zone de confort. « C’est sûr qu’on a de la misère à s’imaginer passer une nuit dehors si on ne l’a jamais fait auparavant. Prendre de l’expérience en plein air, faire une formation de survie ou se renseigner sur le sujet, ça augmente les chances de savoir se débrouiller. »

«Prendre de l’expérience en plein air, faire une formation de survie ou se renseigner sur le sujet, ça augmente les chances de savoir se débrouiller.»

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Ce n’est pas si compliqué. La preuve? Vous êtes déjà en train de vous renseigner sur le sujet en lisant cet article.

D’ailleurs, une info de base à ne pas négliger, c’est la durée pendant laquelle un humain peut survivre sans combler certains besoins primaires. C’est essentiellement une règle de trois :

  • 3 minutes sans oxygène
  • 3 heures sans chaleur
  • 3 jours sans boire
  • 3 semaines sans manger

On peut même rajouter 3 secondes d’inattention (se perdre dans ses pensées en marchant près d’un ravin, c’est pas long que ça devient catastrophique) et 3 mois sans contact humain (ironique après un an de confinement, me direz-vous).

Jamais sans ma tuque et mes mitaines, même en été

Les conseils que m’a donnés Mathieu Hébert s’appliquent surtout dans les cas où vous aviez prévu partir quelques heures dans la forêt, déjà armé d’un sac à dos.

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Le principe est très simple : prévoir un p’tit peu plus, pour un p’tit peu plus longtemps.

« Les gens prévoient souvent leurs vêtements en fonction de la météo du jour, ce qui est normal. Mais par exemple, au printemps, il fait 15-20 degrés le jour. La nuit, c’est 5 ou 6 degrés. Tu vas être mal pris avec ton t-shirt si tu dois passer la nuit dehors ». J’ai déjà des frissons dans le dos.

Sa règle perso: consulter les prévisions météorologiques pour les 3 prochains jours et prévoir des vêtements en conséquence. Aussi, il ne sort jamais sans une tuque et des mitaines dans son sac : selon lui, c’est utile même l’été, pour les moustiques.

Gourde en métal, Ziploc et autres indispensables

Mathieu suggère aussi de privilégier une gourde en métal à paroi simple. La raison ? Pouvoir la laisser au-dessus d’un feu pour faire bouillir son eau avant de la boire.

Avez-vous déjà essayé d’allumer un feu avec du bois et des feuilles mouillées ? Moi, oui. J’aurais aimé avoir ce Ziploc.

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Ses quatre derniers must have : une petite bâche qu’on peut plier (à suspendre en cas de pluie, pour se garder au sec donc au chaud), un couteau, de la corde et un petit sac Ziploc dans lequel on a glissé des items secs pour allumer un feu : papier journal, écorce, sapinage, etc.

Avez-vous déjà essayé d’allumer un feu avec du bois et des feuilles mouillées ? Moi, oui. J’aurais aimé avoir ce Ziploc.

Par contre, on pourrait aussi être forcé de survivre quelques heures minimum sans nécessairement être parti pour une randonnée de 7 heures dans Charlevoix.

Par exemple : vous partez en vélo de montagne, votre chambre à air se brise, la nuit tombe et vous êtes perdu. Ou encore, vous vous êtes rendu sur une île déserte en kayak et, dans un moment d’égarement, vous aviez mal fixé vos embarcations qui ont été emportées. Ou encore, vous manquez de carburant dans une sortie en motoneige, en plein milieu de nulle part.

La solution d’André-François Bourbeau à (presque) tout ? Un briquet.

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Votre meilleur ami : le briquet

« Moi, le meilleur conseil que je peux donner à quelqu’un, c’est de s’acheter 2 douzaines de briquets… Je niaise pas là, 2 douzaines. Pis d’en mettre PARTOUT. Dans ton sac d’école, dans ton char, sur ton porte-clés, dans ta boîte à lunch, dans ton quatre-roues, tapé sur ton paddle board, en dessous de ton banc de vélo… »

M. Bourbeau voue un culte sans borne aux briquets, mais au fond, ce qui l’intéresse, c’est davantage le feu. Il peut répondre à trois besoins primaires : vous permettre de vous réchauffer, mais aussi de pouvoir boire une eau propre. Qui sait, peut-être même de vous alimenter, en faisant cuire votre nourriture.

«le meilleur conseil que je peux donner à quelqu’un, c’est de s’acheter 2 douzaines de briquets… Je niaise pas là, 2 douzaines. »

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Garder sa chaleur est souvent l’aspect le plus banalisé en survie, et la mort par hypothermie est courante dans ces cas-là. Merci à BIC d’exister.

Un kit de survie qui tient dans une poche

Outre ses bien-aimés briquets, André-François Bourbeau voyage léger.

« Moi, je crois pas à ça les kits de survie. C’est rêver en couleur de penser qu’on aura accès à toutes ces choses-là. En ce moment, j’ai tout le nécessaire dans mes poches pour survivre quelques jours et je te parle au téléphone, dans le confort de ma maison ».

On s’entend que c’est pas tout le monde qui qualifierait un couteau de poche, une pierre de magnésium (utile pour allumer un feu), une aiguille, un fil à collet, deux briquets, deux lacets et un baume à lèvres de « tout le nécessaire pour survivre », mais bon.

Cette technique, un peu plus cowboy, pourrait vous permettre d’augmenter vos chances de manger une autre fois une bonne poutine italienne dans votre casse-croûte préféré. Rien de moins.

En frottant une pierre de magnésium, une étincelle se forme pour allumer un feu
En frottant une pierre de magnésium, une étincelle se forme pour allumer un feu
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Se jeter dans la gueule du loup : le cas d’Ève landry

Ève Landry s’est prêtée au jeu à une époque prépandémique lors du tournage de l’émission Expédition Extrême. Cette émission diffusée sur Z Télé mettait en vedette une personnalité publique par épisode, qui devait vivre un parcours extrême accompagnée de l’animateur Francis Bouillon et d’un expert en survie.

Au son de la joyeuse voix de Dan Bigras à la narration, Ève a pu tester les dires d’André-François et de Mathieu alors qu’elle s’est aventurée dans les eaux glaciales des Îles de la Madeleine en kayak de mer.

Et sans le savoir, elle a expérimenté les 4 facteurs importants en survie de M. Bourbeau. Elle commence par scorer assez fort au niveau psychologique et décisionnel : « Je savais que mon instinct de survie était bon. Je me suis fait dire que j’avais un bon mental, je suis positive, pas trop douillette. Je suis débrouillarde et j’ai de bonnes idées. », m’explique-t-elle, en m’assurant qu’elle a aimé l’expérience.

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Pour le physique, c’est autre chose : elle s’est rendu compte qu’elle n’était pas tellement forte à côté des deux gars qui l’accompagnaient. Finalement, côté technique, une chance qu’elle était accompagnée. « On a chaviré, et si je n’avais pas eu d’aide pour rembarquer dans le kayak, je ne pense pas que j’aurais réussi. Et revenir à la nage, ça aurait été… spécial », se remémore-t-elle, en riant jaune.

«On a chaviré, et si je n’avais pas eu d’aide pour rembarquer dans le kayak, je ne pense pas que j’aurais réussi.»

Ève a dû demander à ce qu’on arrête l’expédition à un certain moment : elle était en début d’hypothermie. L’équipe a pu la réchauffer sur le bateau, mais c’est vous dire à quel point l’entrée d’un peu d’eau dans un drysuit peut faire basculer les chances de survie d’une personne en quelques minutes.

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Trucs et astuces en rafale

Un grand sage m’a dit un jour (ok, ok, c’était M. Bourbeau, en entrevue pour cet article) :

« La survie, c’est comme une balance de la difficulté de l’épreuve, versus tes capacités. Si l’épreuve est trop difficile, tu vas mourir ».

«La survie, c’est comme une balance de la difficulté de l’épreuve, versus tes capacités. Si l’épreuve est trop difficile, tu vas mourir»

Même si les trucs de cet article ne rivalisent pas avec ceux qu’Hugo Meunier a acquis lors de son expérience avec Les Primitifs en mars 2020, on vous laisse quelques trucs de survie en vrac pour vous aider à combler vos besoins primaires, données par nos experts.

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Pour la chaleur : La gomme de sapin qu’on retrouve dans les bulles sur le tronc de cet arbre est un excellent allume-feu.

Pour boire : Si vous avez accès à un canot, l’eau qui se trouve au milieu des Grands Lacs est la plus pure que vous pourrez trouver en forêt. Elle a été filtrée par les rayons UV.

Pour manger : La quenouille est le « supermarché des marécages ». On peut manger le bas de la tige comme un céleri, le pollen produit par la tête peut servir de farine, ou encore la tête complète lorsqu’elle est verte au printemps se mange comme un épi de maïs.

Et puis finalement, pour ne pas se perdre plus : il ne faut pas marcher quand on est perdu. « Dans un cercle de 365 degrés, vous avez 364 chances de prendre la mauvaise direction et de vous éloigner de l’endroit par où vous êtes venu », m’explique M. Bourbeau.

Selon lui, il est préférable de laisser un item à l’endroit où vous vous êtes rendu compte que vous avez perdu votre chemin (votre porte-monnaie, un chandail sur une branche, des lacets) et de s’éloigner petit peu par petit peu, pour voir si vous n’apercevriez pas quelque chose qui vous aiderait à vous orienter. Tout en revenant au point central souvent, afin de ne pas vous perdre encore plus.

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Et le mieux? « Il faut dire où vous allez! », s’exclame Mathieu Hébert. Quand on se rend compte que la fermeture éclair de notre pantalon est ouverte depuis une heure ou deux, on se sent niaiseu.x.se en maudit. C’est un peu la même chose que lorsqu’on se perd en forêt et qu’on se rappelle qu’on avait dit à personne où on allait avant de partir… mais en pire.

La morale de cette histoire? Prendre la nature au sérieux, et se préparer en conséquence lorsqu’on veut s’y aventurer. Bien qu’elle soit notre meilleure amie sur plusieurs plans, elle peut être notre pire cauchemar.

Allez vous acheter des briquets, là!