Quand on voit le prix des avocats, on hésite à les barrer de la liste d’épicerie avant même de les mettre dans le panier. Souvent originaires du Mexique, ces légumes méritent chaque jour leur réputation d’« or vert ». Pourtant, dur de dire adieu à l’avocat et autres guacamoles.
Parlez-en aux Mexicain.es.
Début mai, fraîchement débarqué à Mexico depuis le froid canadien, je me suis mis en quête du cliché avocat-tacos-et-jus-de-mangue (mon préféré). Pour moins de trois dollars, j’étais en mesure de déguster tortilla garnie et fruit pressé. Par contre, les avocats me réservaient une surprise : leur prix.
Ça tournait autour de 2,50$. Pas loin de ce que ça coûte au Québec.
Il faut croire que l’inflation n’épargne pas les Mexicain.e.s.
Une première pour la Gen Z
À 11h dans le marché Juárez de Mexico, situé à deux stations de métro du centre historique, six comptoirs de fruits et légumes attendent la clientèle. J’en ai profité pour discuter des hausses de prix avec les gens de la place.
Les aliments coûtent en moyenne un tiers plus cher qu’il y a quatre mois, et le prix des avocats a doublé!
La première fois qu’Alejandro et Paulina ont remarqué le phénomène, c’était au mois de février. « Les tortillas ont augmenté de [vingt sous] », se souvient l’étudiant de 22 ans. « Les citrons aussi, même la douzaine d’œufs coûte [2 dollars], alors qu’elle ne coûtait [qu’un dollar] en février », enchaîne Paulina, elle aussi étudiante en cinéma.
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La génération Z n’a jamais connu ce phénomène d’inflation qui a marqué le pays dans les années 1980-1990. Et en ce moment, c’est le prix de tous les produits les plus consommés dans la cuisine mexicaine qui augmente (les tortillas, avocats, et citrons sont la base des bons tacos!). Les aliments coûtent en moyenne un tiers plus cher qu’il y a quatre mois, et le prix des avocats a doublé!
Pendant ce temps, les salaires de 600 dollars par mois en moyenne ne s’adaptent pas.
Des prix choquants
Même si Josefina, 65 ans, en a vu d’autres, elle ne s’habitue toujours pas au choc. « C’est extrême! », prend-elle le temps d’articuler. « On doit manger moins et faire plus attention à ce qu’on achète. »
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En face de la soixantenaire, la vendeuse tend les quatre avocats demandés par la cliente. « Non, des plus petits, s’il vous plait », répond Josefina. La vendeuse s’exécute. Les avocats vendus au kilo font partie de ces aliments qui, ici aussi, deviennent de plus en plus inaccessibles.
« Il y a encore quelques mois, les gens achetaient trois ou quatre oignons, maintenant c’est seulement un ou deux. »
Emballés et pesés, ses avocats et piments lui ont coûté 290 pesos (environ 20 $ CA). La cliente repart, elle est sur le point d’oublier sa monnaie. « [50 sous], c’est [50 sous], surtout aujourd’hui », souffle la vendeuse.
Compenser avec du riz et des pâtes
Celle qui trône par-dessus ses fruits et légumes disposés en pyramides, c’est Araceli. Elle travaille ici tous les jours. Et pour ses client.e.s, les prix qui montent, ça veut dire changer d’alimentation. « Il y a encore quelques mois, les gens achetaient trois ou quatre oignons, maintenant c’est seulement un ou deux », confie-t-elle. Et elle continue la liste : les tomates, les pommes de terre, les ananas, « les clients achètent deux fois moins! ».
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Elle affirme à la blague que « malheureusement, les Mexicains mangent beaucoup. Ils ont besoin d’énergie pour travailler! ». Alors, ils compensent avec du riz, des haricots rouges ou des pâtes, moins chers que les fruits et légumes frais.
« Les avocats, ça n’a jamais été un aliment de tous les jours », explique Sofia, journaliste à Mexico. « Quand j’étais enfant, c’était le repas du dimanche. » Elle reconnaît que l’augmentation des prix rend l’« or vert » beaucoup moins accessible. « Les gringos (Américains) en mangent beaucoup plus que nous! », remarque-t-elle, me faisant réaliser au même moment à quel point je paraissais plus gringo que je ne le suis, en pensant manger comme quelqu’un de la place.
À qui la faute
Et justement, si le prix des avocats augmente au Mexique et au Québec, c’est aussi parce qu’ils sont victimes de leur succès. Ils sont de plus en plus prisés aux États-Unis. Chaque Américain.e en a consommé en moyenne 4 kilos en 2021, soit deux fois plus qu’en 2014. Un amour pour le guacamole – repas de fête pour les amateurs et amatrices de football – qui avait créé une pénurie record à la veille du Super Bowl en 2019.
La crise climatique réduit la quantité d’avocats produits au Mexique et entraîne une baisse de l’offre.
Autres facteurs moins risibles : la crise climatique réduit la quantité d’avocats produits au Mexique et entraîne une baisse de l’offre. Puis, il y a le prix de l’essence qui augmente et qui se répercute sur les avocats importés au Québec.
Ce qui nous attend maintenant
Pour tenter de limiter l’inflation, le gouvernement mexicain a mis en place une série de mesures. Il y a les classiques baisses des taxes sur les produits essentiels et les subventions pour limiter la hausse du coût de l’énergie.
Mais il y a aussi celles moins GIEC-friendly : l’augmentation de l’utilisation de fertilisants et la diminution des contrôles sur l’usage de pesticides sont au menu.
Nourrir notre appétit de guacamole a un coût qui ne se reflète pas juste dans notre facture d’épicerie.