Malheureusement, plusieurs d’entre nous n’ont pas eu la chance d’apprendre les bases d’une saine gestion financière à un jeune âge puisque ce type de formation n’est offert que depuis quelques années dans le cursus de secondaire 5 des écoles du Québec. Nombreux sont ceux et celles qui ont donc dû se débrouiller avec les moyens du bord — nos parents, Quatre95 (!) ou, dans les cas les plus malheureux, des cryptobros sur TikTok — pour apprendre les rudiments de la finance et ainsi savoir comment bâtir un budget sans devoir suivre une thérapie par la suite.
Il arrive aussi que quelqu’un de notre entourage — appelons-le Marcel — nous donne des trucs et astuces pas toujours très judicieux pour nous aider à prendre de bonnes décisions (ou pas) dans le monde complexe du bidou.
En voici 10 qui méritent votre attention (pour les mauvaises raisons).
#1. « Fais pas d’overtime, sinon tu vas changer de braquette d’impôts. »
Comment on te dirait ben ça, Marcel? Tu prépares pas tes rapports d’impôts toi-même, on espère?
L’explication sera sans doute de la redite pour beaucoup de nos lecteur.rice.s aguerri.e.s, mais le revenu imposé plus fortement quand on passe à un nouveau seuil d’imposition concerne uniquement celui se situant au-dessus de la barre fixée par Revenu Québec et l’Agence de revenu du Canada. Ça signifie que si votre boss vous donne une augmentation qui fait passer votre revenu annuel à 51 781 $ pour 2024, soit un dollar de plus que le seuil fixé à 51 780 $ par Revenu Québec, il n’y aura que ce dollar qui sera imposé à 19 % au lieu de 14 %.
Il n’y a donc aucun désavantage fiscal à une telle situation.
Si vous aimeriez plus d’informations à ce sujet, cet article de l’Agence du revenu du Canada est très pertinent.
Faites de l’overtime tant que vous voulez. Mais sans vous brûler, quand même.
#2. « Un char, c’est un bon investissement. »
Une auto, c’est très pratique, même parfois essentiel quand vous n’avez pas d’autres options pour vous déplacer. Par contre, est-ce vraiment un si bon investissement? Laissez-moi en douter.
D’abord, une voiture neuve perd environ 20 % de sa valeur dès que vous respirez le doux arôme du similicuir de son habitacle sur le chemin de la maison. 20 %, c’est pas rien!
Ensuite, ce bien perd annuellement de 10 % à 15 % de valeur jusqu’à pas grand-chose. Se procurer une auto neuve n’est donc pas un investissement particulièrement judicieux, à moins que ça ne soit dans un cas extrêmement précis où vous achèteriez un modèle rare pour le placer dans un garage pendant 50 ans, ce qui pourrait rapporter à long terme. Dans quel cas vous ne pourriez toutefois pas l’utiliser.
Bref, c’est une dépense plus qu’un investissement.
N’en déplaise à ta Mustang GT décapotable et toi, Marcel.
#3. « Une maison, c’est un meilleur investissement que la bourse. »
Oui, à une certaine époque, l’immobilier était un excellent placement.
Vous vous rappelez cette époque bénie où les maisons coûtaient 32 000 $ et les gens n’avaient qu’à se serrer la ceinture pendant quelques années pour la payer en entier pour ensuite s’asseoir sur leur steak pendant 20 ans et la revendre 10 fois le prix payé initialement?
Eh bien, cette époque est malheureusement révolue. Au fil des ans, de nombreux facteurs ont rendu l’accès à la propriété de plus en plus difficile, surtout depuis la pandémie.
Après tout, il ne faut surtout pas oublier toutes les dépenses liées à la propriété.
Elles sont loin d’être négligeables et peuvent gruger substantiellement votre marge de profit en fin de compte. Et il est pas mal plus facile de vendre des actions qu’un bien immobilier.
Désolé, Marcel, mais dans bien des cas, le S&P 500 paie plus qu’un bungalow.
#4. « Place ton argent à la banque, plutôt que dans un REER, c’est plus fiable. »
Oui, c’est vrai que c’est pas mal moins risqué de mettre son argent dans un compte épargne que de l’investir dans des placements. On te le donne, Marcel.
Sauf qu’un compte épargne, ça donne quoi? Habituellement, quelque chose comme 3 % d’intérêt, tout au plus. Investir le même montant dans un REER qui offre un rendement assez faible de 6 % donne significativement plus sur un horizon à moyen ou long terme.
Prenons l’exemple d’un montant de 10 000 $ hérité de Thérèse, votre grand-tante super smatte, placé à 3 %. Au bout de 50 ans, cette somme aura grimpé à 44 733,08 $, pour un gain de 34 733,08 $.
Toujours avec le 10 000 $ initial et un taux de 6 %, on obtient 199 359,55 $, pour un gain de 189 359,55 $, ce qui est 154 626,46 $ de plus. (Vous pouvez le calculer ici même, si ça vous dit.) Disons que ça fait une pas pire différence.
Et là, on ne parle même pas de l’avantage de pouvoir déduire le montant investi dans le REER de son revenu imposable.
Coudonc, est-ce que Pierre-Yves McSween a écrit cet article?
#5. « Mets ton cash sous ton matelas. »
Rouler ses 20 $ et ses 50 $ avant de les glisser entre la base du lit et le matelas, c’était peut-être LA chose à faire pendant la Seconde Guerre mondiale, mais en 2024, pas tellement.
Depuis belle lurette, des gens craignent que l’économie mondiale ne s’écroule et que les banques déclarent faillite, ce qui aurait pour effet de dilapider les avoirs financiers de tout un chacun.
Plus récemment, certaines théories du complot ont avancé que les gouvernements réduisaient de plus en plus l’argent liquide en circulation à des fins diverses, parmi elles l’instauration du communisme. La tactique de dissimuler 90 000 $ cash dans un endroit bien discret de la maison, comme une vieille canisse de gaz au fond du cabanon, n’est pas vraiment recommandée. D’abord, parce qu’un cambriolage de vieille canisse est si vite arrivé et aussi, parce que ce montant restera le même et vaudra donc moins d’année en année à mesure que l’inflation augmentera.
Les banques, c’est pas toujours parfait comme endroit où déposer son argent, mais c’est mieux qu’un matelas. Juré.
#6. « Achète des NFTs, ça va prendre de la valeur! »
Vous rappelez-vous de la belle époque des jetons non fongibles (NFT), il y a de ça à peine trois ans? Disons qu’elle est passée assez vite, merci.
En 2022, les gens s’arrachaient ces œuvres numériques uniques et même Justin Bieber avait surfé la vague en achetant, avec de la cryptomonnaie, un NFT de la fameuse collection Bored Ape pour 1,3 million de dollars américains. Malheureusement pour le chanteur pop, en juillet 2023, son précieux singe ne valait déjà plus qu’environ 59 000 $. Aujourd’hui, selon dappGambl, une firme d’analyste en cryptomonnaies, la grande majorité de ces actifs uniques ne valent plus rien ou presque.
C’est pas toujours bon de suivre la tendance du moment. Salutations aux bérets Kangol.
#7. « Mets tout sur le rouge. »
Je suis récemment tombé sur une vidéo absolument terrifiante — et je ne parle pas d’une madame qui prépare une recette de quiche faite à partir de chips sel et vinaigre concassées. Un homme, devant une foule à Las Vegas, misait tout l’argent qu’il avait épargné au cours de sa vie, soit 136 000 dollars américains, sur le chiffre rouge à la roulette.
Vous comprendrez que c’est plutôt risqué comme move.
Bon, la p’tite balle finissait par tomber dans une case rouge, lui faisant remporter le double de sa mise, mais disons que ces prises de décision extrêmement risquées sont loin d’être recommandées par votre conseiller financier. Si oui, faudrait en trouver un autre.
On a envoyé la vidéo à Pierre-Yves McSween et il en était très reconnaissant. Ce sera le sujet de ses huit prochains livres.
#8. « Veux-tu faire une passe de cash vite, vite? »
Hum… On a le goût de dire non, on dirait.
Quand une personne vous fait une proposition trop belle pour être vraie, c’est qu’il y a quelque chose de louche. Oui, ça arrive qu’une opportunité extraordinaire tout à fait légale tombe du ciel — ou d’un message sur Messenger d’un ancien ami du secondaire, 13 ans après la graduation — comme ça, par un beau mardi de novembre, mais disons que ce n’est pas la norme. La multiplication du nombre de messages frauduleux en ligne qui proposent des façons rapides de s’en mettre plein les poches, surtout depuis l’avènement de l’intelligence artificielle, démontre aussi leur efficacité, malheureusement.
Désolé de te l’apprendre, Marcel, mais Bill Gates ne t’a pas choisi pour hériter de 34 millions de dollars de sa fortune.
#9. (Bruits de criquet)
Pas de conseil, est-ce que c’est une forme de conseil? C’est cette question-là, que Shakespeare aurait dû se poser.
Un peu comme pour l’éducation sexuelle, il arrive que des parents ne soient pas à l’aise ou ne trouvent pas la bonne façon de parler de finances à leur progéniture. C’est correct, ça arrive. Sauf que laisser ses enfants apprendre à gérer leur argent par eux-mêmes sans même les aiguiller vers des ressources pertinentes et crédibles, ça peut mener à de véritables catastrophes. Comme laisser un important montant dormir dans un compte épargne pendant des années. Ou mettre tous ses œufs dans le même panier. Ou… (Voir un des neuf points précédents).
Parents, pitcheriez-vous votre enfant de 3 ans dans le creux de la piscine sans veste de sauvetage? Non? Ben, ne pas donner une base de gestion financière à vos enfants, c’est un peu ça.
#10. « YOLO! »
Oui, on n’a qu’une vie à vivre, mais ça serait le fun de pouvoir en profiter un tant soit peu jusqu’à la fin. Genre, pas tout flamber en une semaine en louant un yacht à Monaco pour ensuite vivre dans la misère durant 40 ans. Mais chacun est libre de faire comme bon lui semble!
Voilà. Ne faites rien de tout ça et votre portefeuille vous remerciera. (Pas littéralement, mais vous comprenez ce que je veux dire.)