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L’école
T’avais tellement hâte. Ça me pognait au cœur pis dans le fond de ventre à chaque fois que tu disais : «Je-vais-aller-à-l’écoleeeee».
On a compté les dodos, mis des marques sul calendrier. On a même fait une « fête de la rentrée » avec des amiEs qui, comme toi, commençaient la maternelle, cette semaine. On vous a fait manger des pommes dans une chaudière d’eau pis offert des livres en cadeau. Nous sommes un tas de parents « concept ». Tu te souviens pas mal juste que tu as pu manger des bonbons pis des chips, un dimanche matin, mais je sais que dans le fond de ton « âme », y’a l’amour du Savoir qui a ajouté quelques brindilles à son nid [viens-je vraiment de dire cela].
Tu gosses ta tasoeur qui veut juste se cacher dans ton sac à dos pour y aller, avec toi, à l’école avec des phrases comme « T’as-tu cinq ans, toi? Non, t’as pas cinq ans, t’as juste trois ans. Tu peux pas venir à l’école avec moi. ». A pleure pis tu y dis que « ça va aller », que tu vas lui répéter ce que l’enseignante va t’apprendre. Moi, je trouve ça cute.
Tu rentres dans quelque chose. Un système, du formel, un processus. J’ai plus l’impression de couper un cordon, là, que quand tu m’es sorti du corps. Je te vois ouvrir ta boîte à lunch, le midi. Sortir ta sanouiche, manger ta sanouiche. Tuseul. Comme un grand. Parce que t’es grand. Indépendant de toé. « C’est arrivé quand don’? », j’me demande. J’ai rien vu venir, même si j’ai toute travaillé, même si ça ne m’est jamais sorti de l’esprit que de produire de l’humain, c’est notamment ça, le rendre autonome de sa personne. Et t’es un peu rendu là. Y’a pas si long, je m’occupais de toute ton stuff de corps pis là, tu vas ouvrir ta boîte à lunch. Tuseul. J’me répète.
Tuseul.
Tu voulais pas nous tenir la main, ce matin. Tu te gérais. T’avançais confiant dedans la vie, et un bon trente centimètres devant nous. T’as changé d’idée quand tu as vu le tas grouillant, les ballons, les bulles, la vie qui se démenait dans la cour d’école. T’as pris ma main et celle de ton papa. Pis tu serrais fort. On a fait comme si on se rendait pas compte de, on a pressé ta main fort, aussi. Mais j’pense que tu as cru que c’est toi qui nous tenais et pas l’inverse. Ça aussi, on t’a laissé le croire. En fait, j’pense qu’on se poutrait pas mal toute.
Je me doutais bien que j’allais brailler. En cachette pour ne pas tuer ton moment. Quand t’allais mettre ton sac avec rien dedans sur tes épaules. Quand on allait entrer dans la cour d’école, ensemble. Quand t’allais te déplacer dans ladite cour d’école, te mettre en rang, suivre ta professeure. Quand on dirait aux parents de s’en aller. C’est une évidence que, dans l’char, j’allais éclater. Gros sanglot pis toute. Cliché de même il m’arrive d’être.
J’ai ravalé mes larmes en continu. Ton père, itou. Y’en a ben une ou deux qui m’ont échappé, notamment quand j’ai vu ton code permanent. Ta chaise. Ton casier. Ma vie, je l’ai braillée dès qu’on t’a tourné le dos, dans le corridor devant les toilettes. Mais t’as rien vu. J’voulais que tu gardes en tête le doux du câlin, les pouces en l’air, le sourire grand tellement grand. Le fier, surtout.
Parce que je le suis en ta’. T’es devenu un pas pire quelqu’un, en cinq ans. Un de mes humains préférés. Et pas juste parce que t’es mon p’tit. Ça aide, on ne se le cachera pas. Mais ton curieux, ton sens de l’ironie, tes hypothèses sur la vie-le-monde-les-ninjas-l’électricité, le doux qui te déborde du corps, ton drôle. Tout ça. C’est du si précieux.
Pis là, y’a comme un bout de la vraie vie qui commence pour toi. Tu vas vivre plein d’affaires. Des amitiés, des amours, des réussites, des échecs. Les possibles vont juste s’ouvrir devant toi. Tu vas apprendre à lire. Whoah. Imagine, on va se lire des histoires. S’en écrire, à deux. Tu vas commencer à advenir un peu plus par toi-même. C’est beau, ça. Je te souhaite tellement d’aimer ça. Tout ça.
Je veux juste que tu saches qu’on est là. Qu’on va être là. Tout le temps. Pour toute. Ton père pis moé. Pour te tenir la main, le petit doigt, l’idée de la main quand tu voudras pu tant qu’on se touche. On va te faire faire tes dictées, tes tables de multiplications, on va les gosser tes formes en papier mâché, on va être sur les comités, tout ça. Parce qu’on te cœur fort.
— M’man [qui braille un peu, encore]
Crédit photo : Moé
J’existe aussi là : Les p’tits pis moé, pis là.