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Le transport en commun devrait être gratuit
La gratuité du transport en commun est un outil formidable pour inciter les gens à l’utiliser et ainsi réduire nos émissions de GES et nos dépenses en infrastructures. Faut juste s’y consacrer, pour de vrai!
Ça marche ailleurs
Si la gratuité du transport en commun vous paraît une lubie d’idéaliste, détrompez-vous; d’autres endroits ont testé la mesure, avec généralement beaucoup de succès. Et pas besoin de chercher bien loin.
Boischatel, près de Québec, a décidé de se retirer du réseau de bus de Québec, le RTC, pour lancer le sien, gratuit.
Boischatel, près de Québec, a décidé de se retirer du réseau de bus de Québec, le RTC, pour lancer le sien, gratuit. Résultat : l’achalandage a presque doublé instantanément.
Ça ne remplace pas la voiture entièrement. Plusieurs utilisateurs et utilisatrices du bus à Boischatel ont quand même une voiture. Mais pour certains déplacements courts, ils et elles laissent leur voiture dans le stationnement pour embarquer dans la (on est à Québec, quand même) bus gratuite.
Tallinn, la capitale de l’Estonie (426 000 hab.), a également implanté la gratuité du transport en commun en 2013. Trois ans plus tard, on notait un accroissement de 14 % de l’utilisation du transport en commun (20 % chez les populations défavorisées), et une diminution de 6 % du trafic automobile au centre-ville.
Bref, ça marche.
Pas une panacée
Oui, ça marche, mais on va être honnête; ce n’est pas une panacée.
Souvent, ce que les études révèlent, c’est que ce sont surtout les cyclistes et les piéton.ne.s qui profitent du transport en commun gratuit.
Ce n’est pas que les automobilistes sont des pollueurs sans morale; souvent, si ces personnes prennent la voiture, c’est que le transport en commun ne les dessert pas bien.
La gratuité du transport en commun est une arme puissante dans la lutte contre les changements climatiques, mais elle ne peut pas être la seule dans notre arsenal. La mesure doit également s’accompagner d’une amélioration de l’offre de service (c’est d’ailleurs ce qu’a fait Boischatel, qu’on a mentionné plus haut), d’une révision de l’urbanisme afin de décourager l’étalement urbain, et d’une augmentation du coût de l’auto.
Il faut que les gens plus démunis conservent une mobilité, même si l’essence devient un bien de luxe.
Et ça, c’est arrivé tout seul; le prix de l’essence a explosé. Et cette hausse vertigineuse affecte tout le monde sans distinction. Une raison de plus de considérer la gratuité des transports en commun; il faut que les gens plus démunis conservent une mobilité, même si l’essence devient un bien de luxe.
Mais ça va coûter cher!
C’est là où le bât blesse; la gratuité, ce n’est pas gratuit. Ça coûte cher aux contribuables.
En 2017, une étude de l’IRIS estimait que le RTC se priverait de 80 millions $ et la STM de 620 millions $ si la gratuité était implantée. Ce n’est pas rien.
Mais la gratuité peut être payante. La Ville de Tallinn, dont on parlait plus tôt, a calculé qu’il lui en coûte environ 12 millions $ par année pour assurer la gratuité. Mais cette mesure a rendu le centre-ville plus attrayant, et de nombreuses personnes ont décidé de s’y installer, engendrant 38 millions $ additionnels en revenus de taxes.
Et la facture n’a pas à être entièrement refilée aux contribuables; en France, les villes qui ont implanté la gratuité refilent une partie de la facture aux entreprises; après tout, ces bus, ils servent à amener leur main-d’oeuvre!
L’Espagne, quant à elle, vient d‘annoncer qu’elle imposerait une nouvelle taxe aux banques et aux compagnies d’énergie afin de rendre le transport par train gratuit (en plus d’offrir plus de bourses d’études aux jeunes et de construire de nouvelles habitations).
Il ne faut pas non plus sous-estimer le coût de la voiture. On a souvent tendance à considérer la voiture d’un point de vue purement individuel; je paie pour MA voiture, MON essence, MES assurances. Mais c’est faux.
On aurait sûrement besoin d’un peu moins de routes si les gens préféraient le bus à la voiture.
Une analyse présentée par Trajectoire Québec en 2018 estimait que les routes coûtent 1000 $ annuellement à chaque Québécois.e, qu’on ait une voiture ou non. Les transports routiers, excluant le transport collectif, le transport de marchandises et le stationnement coûteraient de 43 à 51 milliards $ par année aux Québécois.es selon la même analyse.
Le budget annuel de la STM est de 1,5 milliard $.
Bien sûr, vous me direz que les bus roulent quand même sur des routes. On est bien d’accord. Mais je vous répondrai qu’on aurait sûrement besoin d’un peu moins de routes si les gens préféraient le bus à la voiture.
Et une bonne façon d’inciter les gens à laisser leur voiture à la maison (ou mieux encore, à ne pas en acheter), c’est la gratuité.