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Le popcorn garde les cinémas à flot, c’est ça la réalité

On démystifie le #PopcornGate.

Par
Billy Eff
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Après avoir été fermées pendant près d’un an, les salles de cinéma du Québec ont enfin eu le feu vert du gouvernement pour rouvrir au public ce week-end. Les cinéphiles de la province se sont réjouis de cette nouvelle, et ce sont près de 70 salles qui ont pu retrouver leurs clients, vendredi dernier.

À Montréal, les mythiques Cinémas Beaubien, du Parc et du Musée ont recommencé leurs activités cette fin de semaine. Et selon leur propriétaire, Mario Fortin, tout s’est bien déroulé et, surtout, les clients étaient heureux de pouvoir revenir!

Mais d’autres salles ont décidé de rester fermées, en grande partie parce que le couvre-feu en vigueur rend impossibles la plupart des représentations du soir. De plus, comme l’a souligné il y a deux semaines Vincenzo Guzzo, propriétaire de la chaîne de cinémas du même nom, une grande partie des profits vient de la vente de popcorn et autres friandises. Or, en plus d’une réduction de moitié de la capacité des salles pour permettre la distanciation sociale, la vente de nourriture est interdite par la Santé publique, car les spectateurs doivent garder leur masque en tout temps.

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Les commentaires dans les médias et sur Twitter de Vincenzo Guzzo ont fait réagir le premier ministre du Québec François Legault, qui a annoncé que les cinémas resteraient admissibles au programme d’Aide aux entreprises en régions en alerte maximale (AERAM). Avec ce programme, les salles pourraient réclamer jusqu’à 15 000$ par mois, pour couvrir des pertes engendrées par la fermeture des stands à nourriture. La réponse de Vincenzo Guzzo? «Je ne veux pas être accusé de prendre de l’argent public pour ouvrir mes salles. Je ne veux pas de cet argent, je ne veux pas d’argent pour le popcorn. Je veux vendre du popcorn.»

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À quel point est-ce que c’est payant, vendre du popcorn? Pas nécessairement tant que ça, mais ironiquement, ça rapporte quand même pas mal plus que de vendre des billets de cinéma!

En 2009, le magazine Time rapportait que les cinémas peuvent réaliser près de 85% de profits sur les ventes au stand à friandises. Les bonbons, les boissons gazeuses et le popcorn sont tous des produits peu chers, et la marge de profits que font les cinémas sur leur revente est ce qui permet de garder les salles ouvertes.

Mario Fortin m’apprend, entre autres, que le modèle d’affaires des cinémas est à peu près universel. Par exemple, pour une entrée à 13,50$, environ 2$ sont des taxes. Sur les 11,50$ restants, entre 50 et 70% sont reversés aux ayants droit, soit les producteurs et distributeurs du film. «Ça veut dire qu’il nous reste 3-4$ pour payer l’électricité, les salaires, les impôts, le téléphone et tout ça, explique Mario Fortin. Ça prend d’autres revenus pour équilibrer ça!»

Si l’on compare cette mince marge de profit avec ceux qui peuvent être faits au comptoir à friandises, on se rend compte qu’un modèle est beaucoup plus profitable que l’autre. Par exemple, une petite portion de popcorn dans un cinéma se vend entre 6$ et 7,50$. Un sac de popcorn à éclater au micro-ondes acheté dans le commerce se vend rarement plus d’un dollar, et contient plus de popcorn. En fait, la plupart des produits vendus dans les cinémas ne valent rarement plus que 2$ chacun, en magasin. Si l’on prend en compte les rabais que peuvent effectuer les cinémas en achetant en vrac, on comprend Vincenzo Guzzo de vouloir attendre que le popcorn soit permis avant de rouvrir!

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Pour la survie de ses trois cinémas, Mario Fortin et son équipe misent sur l’engouement des gens, excités de renouer avec leurs vies d’avant. Avec leurs programmations axées sur les films d’auteur et les productions québécoises, les cinémas de Mario Fortin ont acquis au fil du temps un public fidèle. «Là, depuis vendredi, j’ai des revenus. Il faudra voir cette semaine et la semaine prochaine, avec la relâche, si on est capables de continuer à ce rythme-là, dit-il. Si ça continue encore six mois, je vous garantis qu’on va fermer volontairement; on ne sera pas capable de suivre. Si ça dure encore six jours, ou six semaines, on va faire les calculs nécessaires. Mais cette décision-là, c’est nos comptables et nos banquiers qui vont nous forcer à la prendre!»