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Le papier à rouler québécois qui joue contre les géants de l’industrie

Pour les fondateurs Renaud et Jérôme Lessard Ste-Marie, c’est une affaire de famille.

Par
Billy Eff
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En octobre 2018, le Canada devenait le premier pays du G20 à entrer dans l’ère du cannabis récréatif légal. Du jour au lendemain, les cocottes de nombreuses souches québécoises se sont retrouvées en vente sur les tablettes de la SQDC, donnant le coup d’envoi d’une industrie qui représente de gros dollars.

Mais les clients ont vite remarqué une chose: l’absence de papier à rouler québécois.

C’est là que deux frères de Montréal ont décidé d’innover, en créant KEB Papier, la première entreprise du genre dans la province.

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Pourtant, rien ne préparait les frères Lessard Ste-Marie à une carrière dans le monde du cannabis. Renaud est réalisateur et producteur, notamment connu pour son premier long-métrage Mad Dog Labine, alors que Jérôme est diplômé en gestion commerciale des technologies de la John Molson School of Business.

Une histoire de valeurs

«C’est comme si à l’Action de grâce, t’avais Marina Orsini qui racontait qu’elle a fumé un cristie de gros bat!»

Originaires de Gatineau, c’est d’abord en Inde, où leur père diplomate a brièvement relocalisé la famille il y a plusieurs années, que la paire a fait connaissance avec le cannabis. «Une fois par année, il y a des stands légaux, mandatés par le gouvernement, qui servent le bhang, une boisson traditionnelle à base de cannabis et de yogourt, explique Renaud. C’est généralement en mars durant une fête nationale, et c’est drôle car c’est si intégré dans la culture que tout le monde dans les médias parle de son expérience de bhang. C’est comme si à l’Action de grâce, t’avais Marina Orsini qui racontait qu’elle a fumé un cristie de gros bat!»

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C’est à travers cette vision décomplexée de la consommation que les frères Lessard Ste-Marie ont découvert cette plante qui, à l’époque, était encore illégale et taboue dans leur pays d’origine.

Il y a deux ans, lors d’un week-end en canot-camping en Outaouais, ils ont réalisé que le papier à rouler était la seule constante dans leur vie mouvementée. Par contre, ce papier n’était pas du tout représentatif de leurs valeurs.

La cour des grands

Il faut savoir que l’industrie mondiale des papiers à rouler est essentiellement un duopole, contrôlé par Republic Technologies d’un côté, et HBI de l’autre. De plus, seulement trois pays au monde possèdent des usines capables d’en produire: la France, l’Espagne et la Chine. La production est donc forcément industrielle, et peu transparente quant aux ingrédients utilisés.

«Je ne comprends pas pourquoi au Québec, où on a une super culture du cannabis, on est encore asservis à ces corporations-là.»

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«Je ne comprends pas pourquoi au Québec, où on a une super culture du cannabis, on est encore asservis à ces corporations-là», dit Renaud Lessard Ste-Marie. «On voulait aider la culture, l’industrie, avec quelque chose qui nous ressemble.»

Après de longues recherches, ils ont trouvé en France un manufacturier capable de faire du papier qui reflète leurs convictions: de qualité, bio, végane et, surtout, qui laisse de la place à ce qui est mis dedans!

Mais l’objectif des frères serait de pouvoir tout faire au Québec, éventuellement.

«On a tourné Mad Dog Labine dans le Pontiac, qui est une région qui a complètement été abandonnée par l’industrie forestière. J’ai vu des gros, gros moulins à bois qui ont littéralement été désertés, il y avait encore des chiennes de travail dans les casiers!», se désole Renaud. «Le Québec, c’était la Mecque des pâtes et papiers, il n’y a encore pas si longtemps. Donc en termes d’infrastructures, il manque pas grand-chose, sauf peut-être une grosse injection de cash

Pas de fumée sans feu

Lancé le 24 juin 2020, en pleine deuxième vague de pandémie, KEB offre deux variétés de papes, vendus dans 150 points de vente à travers le pays: les ECO Slim et les OG Slim, disponibles en taille régulière et king size. Les OG sont faits de fibres végétales et de chanvre, alors que les ECO sont faits exclusivement de fibres végétales pures et non blanchies. Tous leurs papiers sont bio et véganes.

Les points de vente, c’est bien, mais la vente en ligne, c’est mieux. Et c’est ici que le duo Lessard Ste-Marie frappe un mur.

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Jérôme est le cerveau des opérations de KEB, assumant le rôle de président directeur général, alors que Renaud concède que c’est lui qui «rêve grand et arrive avec des idées outside the box». Vient s’ajouter leur sœur Jeanne, qui leur donne un coup de main côté réseaux sociaux et promotion.

Les points de vente, c’est bien, mais la vente en ligne, c’est mieux. Et c’est ici que le duo Lessard Ste-Marie frappe un mur. «On vend en ligne, et ça, c’est illégal. Pas parce que c’est du papier à rouler, mais bien parce que c’est un produit québécois!», m’apprend Renaud. En effet, la loi québécoise sur le cannabis interdit la vente d’accessoires reliés au cannabis en ligne. Même si le règlement vise toutes les entreprises, ce sont surtout les compagnies québécoises qui écopent.

En attendant que cette loi changer, Jérôme et Renaud et leur équipe continueront de vendre en ligne, tout en augmentant le nombre de points de vente pour leurs papiers. Des éditions spéciales seront disponibles sous peu, avec un design imaginé par leur ami et collaborateur Ludovic Mio, alors que les plateaux à rouler faits main avec l’aide de leur cousin sont déjà en vente sur leur site web.

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Ça reste dans la famille

«Notre grand-père nous a même envoyé une lettre où il nous remerciait de créer un patrimoine familial.»

Et qu’en pensent leurs parents, dans tout ça? «Quand je leur ai dit que je voulais devenir cinéaste, ils n’étaient pas ravis. Surtout par peur, je crois, raconte Renaud. Mais quand on leur a annoncé qu’on partait KEB, ils trouvaient que c’était une super idée!», s’exclame-t-il. «Ils nous ont encouragés et ils nous conseillent. Notre grand-père nous a même envoyé une lettre où il nous remerciait de créer un patrimoine familial.»

En parlant à Renaud, on se rend vite compte de l’importance que prennent leurs valeurs, dans la compagnie. L’accent est mis sur la culture, la communauté, la qualité et, lorsque ça leur sera possible, la production locale. Depuis leurs débuts, ils s’associent avec des artistes d’ici, comme le rappeur Socalled.

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Pour ses films comme pour ses papiers à rouler, Renaud entend bien faire les choses à sa manière et en toute liberté créative.

«Dans les deux industries, tu te bats contre des ostie de grosses machines! Soit tu mets ça au centre de l’opération, ou tu te dis “je vais pas essayer d’être eux, et je vais faire quelque chose qui est vraiment spécial”. Et je crois qu’il y a un appétit pour les deux!», croit-il.

«Je veux que les gens comprennent qu’on vend pas du papier à rouler, affirme Renaud. On vend du KEB. Il y a une philosophie derrière notre papier. Il y a une inclusion, la culture est au centre de tout. Ce qu’on offre est totalement différent.»