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Le pain de Ricardo a levé
Le 11 août 2021 restera à tout jamais marqué dans la mémoire de Ricardo Larrivée. Cette journée-là, il a fêté deux mariages: le sien, qui dure depuis 25 ans avec son épouse et partenaire d’affaires Brigitte Coutu, et celui de la compagnie Ricardo Media avec le géant de l’alimentation canadien Sobeys.
Le nouveau marié a pris le temps de nous accorder une entrevue au lendemain de l’annonce de la vente d’une part majoritaire de Ricardo Media à Sobeys.
La vente a été annoncée mercredi matin, je me demandais comment t’as dormi dans la nuit de mardi à mercredi?
J’ai mal dormi et Brigitte aussi, mais c’était pas pour l’annonce publique. On a mal dormi parce qu’on faisait l’annonce à tous les employés. Le reste, c’est une décision d’affaires, qu’on a étudiée émotivement, rationnellement, économiquement. C’est notre décision d’entrepreneurs. Je ne voulais pas insécuriser nos troupes. Il faut s’assurer que tout le monde comprenne que c’est un plus pour eux aussi, pour sécuriser leur emploi, pour le futur. J’aurais aimé ça être dans la même pièce, voir leurs visages et parler à ceux qui ont plus d’inquiétudes.
Mais l’annonce c’est quelque chose qu’on a voulu, il n’y a rien qui t’empêche de dormir là-dedans.
Et hier soir, après l’annonce, est-ce que t’as mieux dormi?
Oh my god, oui! Et c’est un drôle de hasard car ç’a tombé la journée de mon anniversaire de mariage. On est allés au restaurant chez un ami, j’avais réservé une petite salle pour mon 25e anniversaire de mariage et finalement on avait deux raisons de fêter. On a bien mangé, bien bu, super bien dormi.
J’imagine qu’il y a eu beaucoup de réflexions quant à la vente. Est-ce que c’est Brigitte qui a dû convaincre Ricardo ou l’inverse?
Quand j’étais vraiment fatigué dans la première phase de la COVID, ce qui m’a abattu c’est la mise à pied d’employés. Depuis qu’on se connaissait, on ne faisait que grandir. C’est épouvantable de mettre quelqu’un dehors qui est compétent et que t’as choisi. C’est la seule fois de ma vie où j’ai été catatonique. J’étais assis dans ma cour à regarder les nuages à essayer de réfléchir.
Si mon ambition c’est de créer une marque qui va rester et qui va représenter quelque chose, ben je peux pas faire trois affaires différentes en même temps.
Mais l’avantage c’est qu’on est deux. Étrangement l’été a passé, j’ai jardiné énormément et on est arrivés tous les deux par des chemins différents – elle en se jetant dans le travail et en gardant l’entreprise à flot et en disant qu’on peut sortir du positif de ça et moi les mains dans la terre à nourrir des poules et construire des cabanes – on est arrivés au même point, à se demander «C’est quoi notre objectif?». On avait la même conclusion: il faut se «focuser» sur ce qui sera le plus utile et rentable pour la compagnie.
Tu es très impliqué socialement, avec le Lab-École et la Tablée des chefs, entre autres, et dans une entrevue diffusée en février, t’avais pas fermé la porte à la politique. Voudrais-tu nous donner un scoop et nous dire que tu te lances en politique?
Non, la porte est maintenant fermée à double tour. Et c’est une réflexion qu’on a eue. On s’est dit «tu peux pas dire “je suis une marque”» et mettre ta marque en péril. Parce que si tu vas en politique, il y a toujours du monde qui sont pas d’accord avec toi. Si mon ambition c’est de créer une marque qui va rester et qui va représenter quelque chose, ben je peux pas faire trois affaires différentes en même temps.
À travers le Lab-École, pour moi c’est de la politique. Je fais ça chaque semaine depuis quatre ans, des heures. Tous les jours, des réunions, des téléphones, se rendre sur le terrain, il y a beaucoup de lobbying.
La compagnie porte ton nom et probablement que, pour encore très longtemps, tous les Québécois vont associer Ricardo à Ricardo Larrivée. Est-ce que c’est pas un peu stressant de laisser son nom entre les mains d’une autre compagnie?
Ça a fait partie de la négociation et Brigitte s’est assurée que les paramètres étaient bien définis. On est dans le milieu de l’alimentation, on fait pas des voitures, c’est pas des condos qui vont porter le nom de Ricardo. C’est très encadré.
Jamais personne va pouvoir dire «j’ai vu Ricardo et il était bête». Ça arrivera pas. Ça fait partie de mon travail.
Que ce soit maintenant une marque dans un giron plus grand, ça fait longtemps que j’ai appris à vivre avec ça. Quand je sors de la maison, je suis une marque, je suis de bonne humeur et j’ai le goût de voir du monde. Si j’ai pas le goût de voir de monde, j’envoie ma femme ou mes enfants et je reste chez nous. Jamais personne va pouvoir dire «j’ai vu Ricardo et il était bête». Ça arrivera pas. Ça fait partie de mon travail.
En terminant, j’ai un problème mathématique à résoudre pour toi. Pour faire un pain blanc avec la recette de Ricardo, ça coûte un peu moins de 2$ en ingrédients. La question: combien de pains blancs Ricardo a-t-il les moyens de cuisiner avec le montant de la vente des parts de son entreprise à Sobeys?
Hahaha! Ben, il peut manger du pain pour le reste de sa vie. Je peux manger mon pain sans crainte.
Soyons pas trop frais chiés parce que ce qu’on a, on peut le perdre vite. Soyons reconnaissants et en même temps, pas trop arrogants.
La raison pour laquelle je suis pas du tout gêné de parler de succès et d’argent en général, mais que je fais attention quand même, je le fais parce que dans ma vie courante, comme n’importe qui, j’ai des amis qui ont plus de succès, moins de succès, des difficultés, des réussites.
Il faut toujours être prudent avec ça. La limite est mince entre l’arrogance et la fierté. Avec la COVID, je pense que ç’a ramené une dose d’humilité à beaucoup de monde. Soyons pas trop frais chiés parce que ce qu’on a, on peut le perdre vite. Soyons reconnaissants et en même temps, pas trop arrogants. Je pense que c’est une belle leçon d’humilité, la COVID.