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Le monde des encans, une industrie de gros sous

Les enchères en ligne et dans les encans génèrent annuellement environ 200 milliards de dollars.

Par
James Lynch
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En tant qu’avide collectionneur, je dois passer en moyenne cinq heures par semaine à faire le tour des différents sites d’enchères et autres magasins d’occasion à la recherche de la perle rare. J’ai un faible pour les collectables tirés de la culture populaire et les sneakers. D’ailleurs, selon mon profil eBay, j’aurais plus de 250 achats à mon actif depuis 2002. Un petit calcul mental me donne un total dépensé dans les cinq chiffres… (Maudits frais de douane!)

Un véritable marché de l’objet de collection mondial existe et génère annuellement environ 200 milliards de dollars.

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Oui, ça peut sembler énorme, mais je reste un novice comparativement aux requins avec lesquels je peux compétitionner lors de mes achats. Un véritable marché de l’objet de collection mondial existe et génère annuellement environ 200 milliards de dollars de vente en ligne et aux enchères dans les encans.

Et il se brasse aussi beaucoup de cash dans le marché des encans au Québec. Voici le portrait d’une industrie qui prouve que récupérer n’est pas que bénéfique pour la planète, mais pour les portefeuilles aussi.

Enchères 101

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le concept de ventes aux enchères, c’est assez simple.

C’est une vente publique où des biens sont vendus et accessible à toutes les personnes réunies dans un seul et même endroit. La vente peut se dérouler autant en ligne qu’en salle. Les ventes en personne se déroulent habituellement lors d’événements, comme un congrès dans un hôtel par exemple. Des photos et des descriptions des articles en vente peuvent être affichées en ligne ou même à partir d’un catalogue avant l’événement ou le jour même.

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L’événement est animé par le commissaire-priseur, soit l’agent du vendeur. Il se tient devant l’auditoire des enchérisseurs lorsqu’il lance les appels d’offres et demande des mises plus élevées sur les articles.

En Amérique, le concept remonte à plus de 400 ans. Il serait apparu pendant la colonisation avec la vente de récoltes, d’importations, de bétail, d’outils, de fermes et… d’esclaves.

L’art de la vente

La maison de vente aux enchères IEGOR – Hôtel des Encans se spécialise dans les produits luxueux comme des oeuvres d’art et des vins rares. Cette maison de vente, fondée en 1983 à Montréal, est l’une des entreprises les plus réputées au Canada. Elle a même déjà été appelée à traiter une toile de Hendrick Goltzius de 1613. L’oeuvre a déjà été vendue pour 480 000$! Tout un prix, oui.

« Le prix d’un produit est un peu une danse de séduction entre la personne qui nous confie l’objet et nous qui nous occupons de sa consignation jusqu’à sa vente. »

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Selon Laurent Emmanuel Berniard, commissaire-priseur pour l’entreprise, « le prix d’un produit est un peu une danse de séduction entre la personne qui nous confie l’objet et nous qui nous occupons de sa consignation jusqu’à sa vente ».

En premier lieu, les vendeurs potentiels contactent IEGOR pour effectuer une estimation du produit. Ensuite, une entente est prise avec le propriétaire pour la mise aux enchères que l’entreprise effectuera. Enfin, les ventes sont séparées par spécialité. Le tout est présenté comme une vente cataloguée avec des produits aussi variés que de l’art canadien, de l’art international, ou même des cognacs rares!

« Au Québec, nous effectuons des ventes sous l’autorité de la SAQ, et c’est d’ailleurs très contrôlé et on doit leur soumettre une liste exhaustive des produits afin d’obtenir l’autorisation pour procéder à la vente. Un pourcentage de 10% des recettes doit aussi être remis à la société d’État », explique Laurent Emmanuel Berniard. L’un des avantages de faire affaire avec la SAQ c’est que la société d’État offre le contrôle de qualité afin de s’assurer de l’authenticité des produits.

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Un métier qui fait rêver

Laurent Emmanuel Berniard a joint IEGOR en 1993. À l’époque, il était étudiant en musique à Concordia et avait besoin d’un emploi étudiant. Il est rapidement tombé amoureux de l’industrie.

« L’avantage de mon métier est que toutes les journées sont différentes. Je suis déjà rentré un matin et ma collègue m’a indiqué que je devais aller évaluer un Fortin et un Riopelle. J’ai donc fait 250 kilomètres pour me rendre en Estrie et je suis revenu avec les toiles dans le coffre. C’est passionnant! »

Et Laurent ne manque pas d’histoires.

« J’étais chez un client pour évaluer un Marc-Aurèle Fortin, et le père du vendeur m’a montré un avion en papier signé par St-Exupéry. Ça m’avait ému aux larmes… »

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« À mes débuts, un client m’a permis de revenir avec un buste de Rodin en bronze sous le bras. J’ai marché six blocs de maisons avec un Rodin sous le bras! Une autre fois, j’étais chez un client pour évaluer un Marc-Aurèle Fortin, et le père du vendeur m’a montré un avion en papier signé par St-Exupéry. Ça m’avait ému aux larmes… Il y a aussi la fois où j’ai eu le plaisir de tenir un Château Lafite Rothschild de 1879 dans mes mains. Ça n’arrive pas tous les jours! »

Mais lors d’une vente en ligne de la cave des Chenêts de Michel Gillet, ancien restaurateur montréalais, une bouteille n’a pas atteint le prix souhaité. Le restaurateur a quand même offert au commissaire-priseur de partager une bouteille de 1947. Selon lui, ce fut l’une des plus belles expériences de sa carrière!

Un métier qui s’apprend

Ne devient pas encanteur qui veut! Il existe des cours spécialisés dans des écoles qui sont arrivées en Amérique au début des années 1900. La Grande Dépression a créé de nombreuses opportunités pour les commissaires-priseurs. Leurs services étaient nécessaires pour liquider les actifs des particuliers et des entreprises touchées par l’état précaire de l’économie.

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Mathieu Bernier, qui a fondé Encans Québec il y a plus de cinq ans, a étudié au Canadian Auction College pour y apprendre les dessous du métier. « Au début, j’allais dans les encans comme acheteur et je me suis dit c’était quelque chose je serais capable de faire. Il y a six ans, j’ai suivi un cours d’évaluateur à Toronto et le cours d’encanteur l’année d’après. »

« J’ai commencé le site d’Encans Québec, car j’avais souvent de la difficulté à trouver les encans qui avaient lieu ici. Le site est rapidement devenu LA référence des encans au Québec avec ses listes mensuelles de tous les encans dans la province », m’explique-t-il.

Comment évaluer

Selon Laurent Emmanuel Berniard, l’un des plus grands défis de l’industrie est l’aspect technologique.

« Plusieurs gens font l’estimation de leur possession eux-mêmes en allant sur internet sans avoir aucune expérience. Malheureusement, l’information n’est pas toujours contrôlée, ce qui peut influencer les prix affichés sur eBay, notamment. C’est un peu comme si quelqu’un qui est malade allait sur internet pour un établir son diagnostic. »

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Le processus d’évaluation n’est d’ailleurs pas la même pour tous les objets.

« L’émotion n’est pas quantifiable et une estimation d’une toile n’est pas une science exacte. »

« Le vin est le plus facile à évaluer. Ce qui est difficile, c’est l’émotion. Par exemple, lorsqu’on est devant une peinture de Paul-Émile Borduas, qu’est-ce qu’elle va éveiller chez un acheteur potentiel? C’est ça qui fait la valeur d’un tableau. L’émotion n’est pas quantifiable et une estimation d’une toile n’est pas une science exacte. »

Une industrie en croissance

Comme beaucoup d’autres industries, le monde des encans trouve sa place en ligne. Selon Mathieu, l’avenir est HiBid, avec 4000 encanteurs nord-américains déjà inscrits.

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« Au Québec on était pas mal les premiers à être inscrits. L’avenir est sur internet. Il y a six fois plus de participants en ligne qu’en personne. » Le risque est moins élevé en ligne, en ce sens où le risque de se rendre sur sa place et revenir les mains vides est dorénavant inexistant. L’économie se fait sur les frais de déplacement.

Bien que le marché de la vente de biens est relativement nouveau dans la culture au Québec, les choses roulent plutôt rondement pour l’encanteur qui est encore relativement jeune comparativement à ses « compétiteurs » québécois.

« J’ai 42 ans, ce qui est jeune dans l’industrie et il y a une opportunité, me dit Mathieu. Les baby boomers vous nous donner de la job pour les 25 prochaines années. Lorsqu’ils partent à la retraite ou qu’ils décèdent, rares sont les familles qui veulent jeter les articles, par souci de l’environnement notamment. J’ai déjà doublé mes contrats en un an. »

Ses affaires vont si bien qu’il est rendu maintenant à 12 employés.

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