Je m’appelle Violette, j’ai 23 ans et mon signe astrologique est le Lion. À la suite d’une surprenante décision, j’ai décidé de fuir le Québec pour aller faire une maîtrise en journalisme en Europe pendant deux ans.
Dans un élan de narcissisme propre à ma génération, je vais vous raconter ma vie d’expatriée, à raison d’une fois par mois. C’est l’équivalent de publier des extraits de mon journal intime, mais au moins, je suis (grassement) payée.
Un peu de contexte
Ma maîtrise m’amène à passer d’abord un an au Danemark, dans la ville d’Aarhus (la deuxième plus grande du pays), suivie d’un an à Londres. Ce milieu de vie est fascinant : 93 étudiant.e.s de 42 nationalités différentes. L’ensemble du programme se déroule en anglais ; presque tout le monde parle donc au moins deux langues.
Je découvre à la fois des dizaines de collègues de classe issus de partout dans le monde, mais je me familiarise aussi avec la vie scandinave. Si vous vous posez la question : oui, les Danois* sont à peu près tous grands, blonds aux yeux bleus et font du jogging du matin jusqu’au soir. C’est bizarre. Et il faut dire que Aarhus est moins multiculturelle que la capitale, Copenhague.
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*D’ailleurs, avant que quelqu’un insinue avec un sourire coquin que je pourrais me « ramener un beau Danois au Québec », mettons une chose au clair : je suis partie pour des raisons carriéristes, pas pour trouver l’amour. Mais bon, la vie est pleine de surprises…
Après un mois dans ma nouvelle vie, voici donc quelques observations.
Le coude léger
Je vais commencer avec la seule chose qui vous intéresse vraiment : les brosses. Chaque vendredi, des dizaines de bâtiments du campus se transforment en bars/boîtes de nuit, où la pinte se vend à quelques dollars à peine. Le concept se nomme Friday Bars, c’est très sympathique. J’en profite depuis mon arrivée.
Petit bonus : une grande partie des chansons qui jouent sur la piste de danse sont en danois. Entre une chanson de Britney Spears et une autre de Beyoncé, quel n’est pas mon plaisir de me déhancher sur Ikke Mere Tid, fameux tube local.
La Question identitaire™️
Je peux difficilement écrire un texte sur la réalité d’une Québécoise expatriée sans aborder la question de l’identité. Lors des premiers jours de classe, tous les étudiants ont passé leur temps à se présenter les uns aux autres à l’aide de deux informations très simples : prénom et pays d’origine.
Mes collègues de classe se présentent avec une facilité désarmante : « Je suis Italienne », « Je suis Mexicain ». Pour moi, c’est plus compliqué.
« Je suis Canadienne, mais je viens de la partie francophone du pays. »
Après cette choquante déclaration, je vois le regard de certains s’illuminer : « Ah, le Québec! » Mais ce sont des exceptions. (Au risque de vous décevoir, la majorité de mes interlocuteurs ignorent totalement qu’il existe des francophones au Canada.) La plupart m’observent plutôt avec scepticisme, avant de demander :
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–Mais à la maison, vous parlez quelle langue?
–Le français.
–Et les panneaux de signalisation sont dans quelle langue?
–En français aussi.
–Donc ta langue natale, c’est…?
Je me lance parfois dans d’enthousiasmes clarifications sur les vagues coloniales de la Nouvelle-France, ainsi que sur la réalité des populations francophones au Québec et hors de la province. Les Friday Bars contribuent à mes prouesses d’ethnologue. On fait ce qu’on peut.
L’accent maudit
Après avoir réussi à convaincre mon entourage que je suis bel et bien francophone, je dois subir les commentaires narquois de certains de mes camarades.
« Oh yeah, you speak weird French », ose me lancer une Canadienne anglophone, tandis que la Française de ma cohorte ne rate pas une occasion de se moquer de mon accent. Du coup, ta yeule.
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Je me console en me disant que certaines de mes collègues pataugent dans le même bain linguistique : deux d’entre elles se présentent systématiquement comme Catalanes plutôt que comme Espagnoles, ce qui ne manque jamais de me faire sourire.
Une bonne leçon d’humilité
J’ai évolué dans le milieu médiatique québécois : c’est une industrie incroyablement stimulante, mais où il est facile de s’enfler la tête pour pas grand-chose. Avoir sa face à la télé une fois de temps en temps, c’est bien, mais on ne sauve pas des vies non plus (et je sais de quoi je parle, étant moi-même une ex-star de la téléréalité).
À toute personne un peu trop imbue d’elle-même, je recommande fortement l’immigration au Danemark. Ici, même les plus petits gestes sont susceptibles de nous rappeler qu’on est bien peu de choses. Par exemple, lorsque vient le temps de payer à l’épicerie et que le caissier s’adresse à moi en danois, je réponds le plus souvent « Nej, tak » (« Non, merci ») avec beaucoup de confiance, dans l’espoir qu’il m’ait demandé si je voulais une copie de la facture. Si je me trompe, j’ai l’air 100% épaisse, mais heureusement l’orgueil diminue à six fuseaux horaires de la maison.
En bref, je me sens comme Emily dans Emily in Paris : je ne parle pas la langue locale et ma présence force tout le monde à parler anglais.
Au moins, mes vêtements à moi ne sont pas complètement dégueulasses.
Je commence les cours de danois dans quelques jours, rassurez-vous.
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Autre sentiment d’humilité indémodable : partager deux toilettes avec 11 personnes (mes colocs à la résidence étudiante). Et dire que j’ai renoncé à un luxueux appartement sur le boulevard Papineau pour ce simulacre d’auberge de jeunesse.
Le plat en p
D’ailleurs, je suis censée cuisiner un repas pour tout l’étage dans quelques semaines. Mes colocs m’ont demandé un repas « typiquement canadien ». Est-ce que ça existe??? Suis-je cette personne qui va leur rater une poutine? Si vous avez des idées, écrivez-moi svp. Sinon, je vais leur servir du poulet recouvert de sirop d’érable et mettre la description d’un match du Canadien comme son d’ambiance. C’est le mieux que je peux faire.
Sur ce, je vais retourner pratiquer mon danois et étudier pour cette maîtrise qui ne manquera pas d’enrichir mon profil sur LinkedIn.
Farvel!