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Le guide ultime pour « séduire » un propriétaire
On est le 12 avril 2023. Il est 10h46. Je suis dans le cadre de porte et je commence à m’impatienter. « Xav, bouge. On va être en retard! Pis oublie pas ton beau petit foulard de monsieur. »
Mon petit frère et moi, on marche d’un pas vif vers ce qu’on espère être notre futur logement. Il est situé à deux pas de notre appartement actuel – duquel on vient de se faire joyeusement rénovicter –, mais il faut absolument arriver avec au moins 5 minutes d’avance.
Parce que Xav et moi, aujourd’hui, on est deux jeunes professionnel.le.s organisé.e.s, propres, poli.e.s, très tranquilles (limite plate), particulièrement sympathiques, et en moyens. C’est la moindre des choses, si on veut être les heureux.ses élu.e.s parmi la longue liste de personnes intéressées par le logement sur lequel on espère mettre la main.
Ces dernières années, les propriétaires ont tellement le gros bout du bâton, que mes dernières visites m’ont littéralement donné l’impression qu’interagir avec son ou sa potentiel.le futur.e propriétaire, c’est rien de moins qu’un jeu de séduction.
Est-ce que ça me réjouit de jouer à ce petit jeu? Pas du tout : c’est un énième signe que la crise du logement s’exacerbe. Mais comme il faut tirer son épingle du jeu comme on peut, je vous explique comment je m’y prends pour gagner au concours de personnalité sur le marché locatif. Voici la marche à suivre pour qu’un propriétaire « swipe right ».
Fit check
Est-ce que mon ou ma potentiel.le futur.e propriétaire pourrait s’arrêter à mon accoutrement? C’est malheureux, mais je pense qu’il faut assumer que oui. Bon, il faut admettre que mon « kit mou » ne met pas particulièrement de l’avant mon sens de l’organisation et mon souci de l’hygiène – des qualités recherchées chez un locataire.
Pour cette raison, aujourd’hui, j’ai choisi de porter mon manteau le plus « madame ». Il est long, carreauté, et pas pratique du tout : il ne me garde pas au chaud, ne se ferme pas – mais il est beau, et en plus, il a l’air d’avoir coûté cher! Dans mes pieds, des bottes en cuir brun qui me donnent un déhanchement très « jeune pro ».
J’ai une seule sacoche qui n’est pas un vieux tote bag sale et mou, et c’est assurément celle que j’empoigne. Elle est en cuir rouge (c’est une Lacoste) et me donne l’air d’être une jeune femme qui a assez d’argent pour aller chez l’esthéticienne une fois de temps en temps.
Sur mon trousseau que je brandis fièrement : mes clés d’auto. Oui, oui, vous vous rappelez bien qu’on va se rendre à la visite à pied. Cela dit, mon frère va quand même me demander : « As-tu barré l’auto? », dans les 5 premières minutes de la visite. Après tout, si on a les moyens d’avoir une voiture à Montréal (et de payer le stationnement et les tickets qui vont avec), on a logiquement les moyens de se payer un loyer hors de prix.
L’ABC du small talk
Nos regards s’illuminent dès qu’ils croisent celui de notre futur propriétaire potentiel! Après tout, on est si content.e.s, à la limite touché.e.s, d’être ainsi considéré.e.s pour être ses locataires – et ça paraît. À partir de ce moment, Xav et moi on suit un script répété maintes fois, qui comporte des choses à dire, et à ne pas dire. Les voici :
À glisser dans la conversation :
- Parler au moins une fois de « papa et maman », de qui on est très proches, et qui sont toujours prêts à nous faire un petit virement le dernier jour du mois.
- Nos plans professionnels. Parce que nous, on sait où on s’en va dans la vie.
- Notre intention de rester pour un bon bout (par un bon bout, entendre plusieurs années).
- Notre côté dédaigneux.ses, limite clean freak.
À omettre à tout prix :
- Parler de notre piano, ou pire, de la contrebasse de Xav.
- Glisser que la maîtrise de Xav en psycho, c’est pour faire de la recherche, pas pour devenir un riche clinicien.
- Parler de notre sœur qui a un enfant en bas âge et qui va assurément venir nous visiter une fois de temps en temps.
- Évoquer l’idée d’avoir des ami.e.s et de potentiellement organiser des soirées à l’appartement.
- Mentionner qu’une copine nous demande occasionnellement de garder son chat.
Bon, l’objectif, ce n’est pas de mentir aux propriétaires. Il s’agit simplement d’éviter de brandir les red flags qui nous feront automatiquement descendre dans la liste des locataires potentiels.
Dans les faits, être musicien ou avoir une vie sociale ne veut pas nécessairement dire que vous êtes le ou la voisin.ne loud ou que vous avez de la misère à arriver.
Mais quand la compétition est féroce, il faut être stratégique. Objectif : la jouer safe.
Point bonus : une lettre d’amour
Vous me direz : et si je ne suis pas un fils à papa ou un.e jeune professionnel.le avec un revenu stable, que me reste-t-il pour convaincre un.e propriétaire de me louer son logement? I got you : faites comme ma collègue Antonia, et écrivez une lettre d’application à votre propriétaire en devenir. Eh oui, comme lors d’un processus d’embauche.
C’est ce qu’elle et ses deux colocataires ont pris l’initiative de faire, l ’année dernière, après 3 applications infructueuses. Aujourd’hui, la lettre est encadrée et fièrement apposée dans l’entrée de leur petit nid.
« C’était surtout pour montrer qu’on avait fait la petite job de plus, parce que notre plus gros souci, c’est qu’on est étudiantes. On avait peur que ça joue contre nous », précise Antonia.
La lettre présente les trois jeunes femmes et leurs profils académiques, précise qu’elles ont toutes décroché des bourses et qu’elles avaient toutes des stages prévus à l’été. Et comme tout bon CV, s’ensuit une énumération de leurs qualités : respectueuses, fiables, sérieuses.
Toutes des qualités à mettre de l’avant au moment d’interagir avec un.e potentiel.le propriétaire.
Celui.celle-ci demande une preuve d’emploi ou une référence d’un.e ancien.e propriétaire? Déposez le tout sur un Drive qui peut être partagé en un seul clic. Si vous voulez le beau 5 ½ dans le Mile-End, transformez-vous en un véritable service d’enquête de pré-location clé en main.
Allez, sortez votre air de premier de classe et c’est garanti que vous allez tout casser sur le marché locatif. Que les meilleur.e.s gagnent!