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Le dilemme de la vingtaine : choisir entre la passion et la stabilité financière

Vivre pour travailler ou travailler pour vivre?

Par
Florence Nadeau
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Au secondaire, j’ai fait ce que tout.e ado en quête identitaire se doit d’essayer : aller voir un conseiller d’orientation. C’était dans le bureau froid d’un homme qui n’avait pas épousseté ses stores blancs tournés gris cendré depuis 1983. Je me souviens m’être dit que je serais satisfaite de n’importe quelle carrière qu’il me suggérerait, en autant qu’elle se pratique très loin d’un bureau aussi déprimant et dépourvu d’âme que le sien.

Il m’avait nonchalamment demandé quelles étaient mes passions et j’avais répondu, du haut de mes 17 ans : écrire, la comédie musicale et frencher mes amies de filles à la St-Jean et mettre ça sur le dos de la Smirnoff pour camoufler mon homosexualité.

« C’est une question piège », m’avait-il dit d’un ton condescendant. « Les passions, c’est comme une claque dans face : ça dure cinq minutes pis après, ça s’oublie. On ne choisit pas sa carrière là-dessus. »

Faire fi du raisonnable

Je n’étais pas sotte, je comprenais ce que le vieux rabougri de merde essayait de me dire : que les passions sont changeantes et qu’on peut aimer quelque chose sur un court laps de temps, mais que ce n’est pas nécessairement une bonne idée de baser son revenu pour le reste de ses jours sur son hobby de secondaire 5.

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Tout ça était complètement raisonnable, mais je m’en foutais royalement. J’ai fait fi de ses conseils et j’ai suivi ma passion pour en faire une carrière. Aujourd’hui, c’est la meilleure chose que j’ai faite pour moi.

Choisir de compter ses cennes

Je savais bien qu’en choisissant le métier d’autrice en humour, je ne croulerais probablement pas sous toute la richesse du monde.

Je savais bien qu’en choisissant le métier d’autrice en humour, je ne croulerais probablement pas sous toute la richesse du monde. On nous l’avait même dit dès notre première journée à l’École nationale de l’humour, que ça prendrait du temps avant de pouvoir gagner notre vie avec nos blagues, qu’il fallait être patient.e.s. Les écoles d’art ont cette fâcheuse habitude de vous rappeler que vous payez des milliers de dollars pour crever de faim après votre passage dans leurs institutions. C’est d’une rafraîchissante honnêteté!

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Pour moi, l’idée de courir après mes sous jusqu’à la fin des temps ne me semblait même pas si tétanisante. Fair enough, j’allais devoir me rationner sur le vin orange et avoir quelques crises de panique liées à ma situation financière. Si c’était le prix à payer pour ne pas travailler 40 h semaine dans un bureau, j’étais prête à vendre mon âme au meilleur acheteur.

L’utopie de l’équilibre

Alors que je mentionnais ceci à une amie, elle semblait complètement tétanisée par mon mode de vie.

Son ultime but dans la vie, contrairement à moi, était d’avoir un travail agréable, qui ne la passionnait pas, mais qu’elle ne détestait pas non plus.

« Moi, j’m’en fous d’avoir une job alimentaire que je n’aime pas vraiment, tout ce que je veux, c’est un équilibre », m’a-t-elle dit. Son ultime but dans la vie, contrairement à moi qui ne pouvais que bien respirer lorsque j’avais un contrat sous la main, était d’avoir un travail agréable, qui ne la passionnait pas, mais qu’elle ne détestait pas non plus, d’avoir ses passions hors du 9 à 5 et de trouver un équilibre dans tout ça. Fascinant!

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Quand je l’ai questionnée à savoir pourquoi elle ne voulait pas transformer certaines de ses passions en travail, sa réponse était simple : « Je ne veux pas me mettre de pression. Je ne veux pas haïr ce que j’aime parce que j’ai trop de pression. »

Mais l’envie de vivre dans tout ça?

J’ai parlé de ce style de vie libertin qu’est de travailler pour avoir une stabilité financière à ma meilleure amie, une humoriste raisonnablement connue qui a su passer à travers les années d’incertitude financière et de souper au riz blanc.

« Ok… Mais est-ce qu’elle a envie de se gunner des fois? Genre le lundi matin, mettons? », m’a-t-elle demandé.

C’était une réalité complètement abstraite pour nous. Avoir un travail pour la simple et bonne raison de pouvoir répondre financièrement à ses besoins sans pour autant en faire un mode de vie. Ma job, moi, c’est un mode de vie. J’y pense constamment, je fais mon horaire, mes collègues sont tou.te.s mes ami.e.s avec qui je chill tous les jours. Penser que je devrais me rendre à un endroit fixe chaque matin et que je devrais répondre aux exigences d’un.e patron.ne et jouer à des office politics me terrifie.

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Une artiste en panique et une fille qui travaille en marketing très groundée

Quand je mentionne tout ça à ma blonde, elle roule des yeux.

« Voyons, c’est vraiment pas si pire. Moi, j’aime ça, savoir que je peux tripper en dehors des heures de bureau pis ne pas avoir d’anxiété à savoir si je vais pouvoir payer ma carte de crédit. J’aime savoir que le vendredi, je suis off pis que je peux vivre ma vie. Toi, t’es jamais off. Je fais le choix de la paix d’esprit. »

Et moi, je fais le choix de virer, par moment, complètement dingo zinzin dans tête.

Elle marquait un point, cela dit. La plus sincère vérité de ma vingtaine était que l’anxiété de pouvoir subvenir à mes besoins me guettait constamment alors que la sienne était d’avoir hâte au vendredi pour pouvoir vivre entièrement.

Je comprends la position saine et raisonnable de choisir la stabilité financière, mais il s’agit pour moi d’un incroyable cauchemar. Qu’advient-il de la vie si on ne touche pas les bas-fonds quatre fois par année pour ensuite pogner un sacré high lorsqu’on décroche un contrat?

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Je sais que j’ai pris la bonne décision de choisir ma passion et d’en faire une carrière. Aujourd’hui, je suis une fille assumée. Pas très riche, certes, mais qui n’attend plus la St-Jean pour frencher des filles.