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Le congé de maternité, c’est un peu plate

Mais personne n'ose le dire.

Par
Gabrielle Tremblay-Baillargeon
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Vous pensiez que la grossesse durait longtemps? Think again. Un an en congé de maternité, c’est encore plus long. Et quand on est seul.e à la maison avec un bébé, le temps semble parfois s’égrainer au ralenti.

Ce n’est pas qu’on n’aime pas notre enfant : c’est juste que passer sa journée à changer des couches, allaiter (ou désinfecter des biberons), endormir un coco et recommencer, ça peut vite devenir aliénant.

En tout cas, c’est comme ça que je l’ai perçu durant le long hiver pandémique de mon congé de maternité. Je regardais ma fille mettre des jouets dans sa bouche et je me sentais mal de m’ennuyer. J’aurais dû être en train de chérir le temps avec elle, non? Pourquoi personne ne m’avait parlé de l’ennui durant le congé de maternité?

Aujourd’hui, je repense à ces mois-là avec un mélange de tendresse et d’effroi. Et en discutant avec des amies, je réalise que mon expérience est plus universelle qu’unique.

J’ai donc parlé à deux mères qui, comme moi, n’ont pas vécu le congé parental dont elles rêvaient. La maternité est un choc, et ça commence dès les premiers mois de RQAP.

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Marine : « T’as pas vraiment de temps libre de qualité »

Marine a accouché de sa fille en 2020 — en pleine pandémie, donc. Pourtant, pour elle, ce n’est pas le confinement qui a été le plus difficile à vivre durant son congé parental d’un an. « Ce qui était lourd, c’était le côté très routinier de mes journées, confie-t-elle. Tu sais toujours ce qui va se passer. C’est zéro stimulant. »

Comme beaucoup de parents, Marine s’imaginait un congé parental où elle aurait plein de temps libre pour faire des projets personnels, des balades en poussette et des visites chez des ami.e.s. Sauf que, on le devine, la réalité a frappé assez rapidement, merci.

« Je n’ai quasiment pas vu mes ami.e.s pendant mon congé de maternité, raconte Marine. C’est toujours pareil. On se dit qu’on va se voir aujourd’hui, mais au final, ton bébé dort, ensuite c’est le mien qui dort… »

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Les parents le savent : les petits bébés n’ont pas un rythme facile à prévoir, et les plus vieux ont besoin de leurs siestes pour récupérer — et les parents aussi, comme c’est leur seule « pause » au courant de la journée. Parce que c’est ça, un peu, le travail de mère en « congé » (les guillemets me semblent ici nécessaires).

« Quand tu retrouves en congé de maternité, c’est toi qui deviens la gestionnaire de la maison. Il y a un côté femme au foyer », mentionne Marine, qui s’ennuyait de son travail dans le recrutement… et de la stimulation intellectuelle y étant associée.

Pour son deuxième congé parental en 2022, Marine a adopté une autre tactique : elle a pris six mois et donné plus de semaines à son mari. « J’avais zéro pression de mon employeur, mais moi, je n’avais qu’une hâte : c’était de retourner au travail. Et le jour où je l’ai fait, j’étais trop contente. Je ne suis pas faite pour rester à la maison. C’est ma nature », conclut Marine.

Laurie : « L’isolement, ça emmène de l’ennui »

Laurie est extrêmement lucide face à son expérience de congé de maternité, qu’elle a vécu entre 2020 et 2021. « C’est pas un congé, c’est une job de maternité, déclare-t-elle d’entrée de jeu. L’utilisation du mot “congé” vient changer la perception qu’on a de cette année-là. »

« Je m’attendais à ce que ce soit extraordinaire et merveilleux, poursuit-elle. Au final, j’ai passé mon année assise sur mon divan. C’était vraiment différent de ce que je m’étais imaginé. »

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La coiffeuse a vécu un deuil périnatal important quelques mois avant de tomber enceinte de sa fille. Aux prises avec un bébé difficile et une dépression post-partum importante, Laurie déchante rapidement, isolée chez elle, sans aide ni réseau, pandémie oblige.

Par défaut, elle se tourne vers les réseaux sociaux, où elle partage via des stories très honnêtes son expérience de la maternité. « Chaque fois que je faisais des stories, j’avais des réponses d’autres mamans et ça me faisait du bien, raconte Laurie. Je souffrais vraiment de l’isolement et de la solitude. »

Bien sûr, la culpabilité, dont celle liée à son deuil périnatal latent, la ronge durant cette année-là.

Aujourd’hui, elle l’affirme sans détours : être mère, elle n’aime pas ça. Sa fille, oui, mais son rôle de maman, non.

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En tant que coiffeuse, elle croise sur sa chaise beaucoup de gens avec qui elle apprécie discuter des difficultés de la maternité. « Quand t’ouvres la porte, tu te rends compte que c’est dur pour tout le monde, mais que personne ne veut en parler parce que c’est censé être merveilleux et beau, la parentalité », poursuit Laurie.

Son chum et elle ne veulent pas d’autres enfants. Ils sont heureux comme ça — et le congé a trop marqué la jeune maman. « Je ne veux plus jamais revivre ça, dit-elle. J’ai trop souffert. »

On a la chance, au Québec, d’avoir un programme de congé parental généreux. D’emblée, on prend donc généralement l’option longue, sans trop se poser de questions. Pourtant, ce n’est peut-être pas le plan idéal pour tous les parents. (Il y a aussi la situation des places en garderie, mais partez-moi pas là-dessus!)

Comme Marine, si c’était à recommencer, j’opterais pour le congé court. Et je ne crois pas être la seule.