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Le chandail que vous vous apprêtez à retourner finira peut-être au dépotoir
Scénario classique qui a dû se produire des milliers de fois entre le 1er et le 23 décembre : on veut acheter une chemise pour son frère, mais on ne se souvient plus de sa taille exacte. Avec la distance et les confinements, on ne l’a pas vu depuis un bout…
Mieux vaut ne pas prendre de chances, on achète l’article dans trois tailles différentes. On retournera les deux qui ne font pas, anyway, c’est la compagnie qui s’occupe des renvois. Gratuitement, en plus!
Essayez d’expliquer le concept à une personne âgée qui n’est pas trop familière avec le monde du magasinage en ligne, et ça lui semblera farfelu (ce l’est, un peu). C’est pourtant devenu le quotidien de pas mal d’entre nous!
Les retours d’articles sont devenus une industrie sans cesse grandissante, valant déjà des milliards de dollars. Et la pandémie n’a fait qu’accélérer le phénomène. Par contre, ce que les conglomérats de fast fashion ne vous diront pas, c’est que les deux chemises retournées iront probablement s’ajouter aux millions de kilos de vêtements en parfait état qui sont jetés dans des dépotoirs chaque année.
Pour suivre le trajet de la chemise, il faut suivre le trajet de l’argent!
Un maillon grandissant de la chaîne d’approvisionnement
Ça fait déjà longtemps que les compagnies se penchent sur ce problème. Au milieu des années 2000, lorsque le distributeur en ligne américain Zappos convainc les utilisateurs et utilisatrices d’acheter des souliers sur internet, il rend le processus encore plus alléchant, en offrant gratuitement les retours sur les articles non désirés.
Seulement 5 à 10 % des articles achetés en magasin sont retournés. En ligne, on passe de 15 à 40 %!
Bien entendu, on pouvait déjà rapporter au magasin des articles qu’on y avait achetés. Mais le faire en ligne, c’était tout à fait révolutionnaire. Et ça a créé un précédent pour tous les autres commerçants qui voulaient s’essayer à la vente via internet.
Acheter une chemise dans trois tailles différentes au magasin pour ensuite en ramener deux était également possible avant, mais vous aurait sûrement attiré un regard dubitatif de la personne à la caisse. En plus de devoir vous déplacer jusqu’au magasin.
Avec l’anonymat (très relatif) que procure internet, c’est une autre game! Seulement 5 à 10 % des articles achetés en magasin sont retournés. En ligne, on passe de 15 à 40 %!
La science de la logistique inverse
Si vous êtes en mesure de lire cet article, il y a de fortes chances que vous vous souveniez d’une ère pas si lointaine où il nous était impossible, ou très coûteux, de vouloir quelque chose et de le recevoir à notre porte en moins de 24 heures, mis à part de la bouffe! C’est réellement un miracle de la logistique, et on le doit en grande partie à Amazon.
Bien que des expert.e.s se soient penchés sur ce processus pour le rendre plus efficace et moins coûteux que jamais, on n’avait pas vraiment anticipé le fait qu’il faudrait que le modèle soit circulaire, et non à sens unique!
En effet, lorsqu’on met notre étiquette sur notre boîte de retour et qu’on la dépose au bureau de poste, on s’imagine qu’elle reprend exactement le même chemin qu’elle a pris pour parvenir jusqu’à nous. De l’entrepôt à notre perron –> de notre perron à l’entrepôt.
Oh que non.
À chaque problème moderne son industrie, en l’occurrence ici, le reverse logistics, ou logistique inverse. Définition Wiki : « C’est le processus de déplacement des marchandises à partir du lieu de livraison final afin de capturer de la valeur additionnelle ou les éliminer de manière appropriée. »
Essentiellement, c’est de s’assurer que les deux chemises que vous retournez puissent être revendues en magasin ou en ligne, être refilées au rabais à un grossiste ou être jetées.
Donc… elles vont où, mes chemises?
Le chemin que prendront vos chemises dépend de plusieurs facteurs. Leur valeur, déjà. Car, inutile de vous le rappeler, si ça ne rapporte pas de cash, la compagnie n’a aucune bonne raison de le faire. Donc, sur des chemises que vous avez payées 20 $ chacune, si le shipping gratuit a déjà coûté 10 $ au magasin et que la livraison de retour en coûte autant, il y a de bonnes chances que la compagnie préfère simplement vous laisser garder l’article, tout en vous remboursant. Ça sera plus simple pour elle, et elle perdra moins d’argent.
Plus encore, si tout se passe de manière smooth et courtoise, vous venez possiblement de vous faire fidéliser. C’est un phénomène dont on vous a déjà parlé, plus tôt cette année.
Maintenant, admettons que les chemises aient coûté 100 $ chacune. Il y a de bonnes chances que la compagnie revienne les chercher. Si elles sont encore dans leur emballage original ou que les étiquettes sont encore dessus, elles pourraient retourner sur les étagères, si la collection dont elles font partie est encore en vente. Ou peut-être qu’elles trouveront une place dans la section rabais. Seulement 50 % des articles retournés qui reviennent sur les étagères sont vendus au prix original.
Matante Monique d’Outremont serait beaucoup moins encline à sortir les gros bidous pour du gear Arc’teryx si elle voyait des sans-abris en porter.
Elles pourraient aussi être vendues à un grossiste : par exemple, une chemise Calvin Klein de chez La Baie qui finit par être vendue chez Winners quelques saisons plus tard. Ou se retrouver dans une pile de vêtements qui seront vendus par palettes-mystères, sur des sites comme BStock. Après ça, plus qu’à mettre les palettes dans des conteneurs, et partir vendre les vêtements dans un autre pays, où leur valeur perçue sera plus grande, même s’ils sont vendus à rabais.
Finalement, dans le pire des scénarios (c’est-à-dire l’un des plus fréquents), vos chemises finiront dans un dépotoir random. C’est plate, mais pour les compagnies, c’est une meilleure option que les donner à des organismes de charité, ce qui serait évidemment la solution éthique. La raison? Matante Monique d’Outremont serait beaucoup moins encline à sortir les gros bidous pour du gear Arc’teryx si elle voyait des sans-abris en porter.
C’est un principe très fucked up qu’on appelle la dilution de marque, et qui est l’un des gros enjeux auxquels font face les entreprises.
Enjeu commercial, responsabilité citoyenne
Il y a plusieurs solutions au fait que ces vêtements se retrouvent aux poubelles, mais elles impliquent presque toutes que les compagnies y investissent du temps et de l’argent, par exemple en se dotant d’une équipe de logistique inverse à l’interne. Mais ça implique des coûts d’embauche, d’entreposage, de transport. C’est pourquoi des compagnies comme Optoro et Happy Returns existent, agissant comme les Amazon des retours.
En attendant, la meilleure solution, c’est très simplement d’acheter moins, ou d’acheter seulement ce qu’on sait qui sera à la fois apprécié et utile.
Si vous n’êtes pas certain.e de la taille de chemise que porte votre frère, mieux vaut tout simplement lui offrir une carte-cadeau, pour qu’il aille trouver celle qui sera parfaite pour lui!
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