Avez-vous des collègues à qui vous n’osez plus demander comment ils vont, par peur de vous faire mitrailler par leur to-do list exhaustive, leurs deadlines impossibles et leur niveau de stress soi-disant inimaginable?
D’abord, rassurez-vous : non, ça n’est pas vous qui manquez d’empathie.
Plutôt, ces gens-là font ce qu’on appelle en anglais du busy bragging, et ça tombe sur les nerfs de tout le monde.
Busy bragger, aka arborer son stress comme un badge d’honneur
En avoir un peu trop dans son assiette et avoir besoin de ventiler, c’est malheureusement une réalité occasionnelle pour la majorité des travailleurs et travailleuses. Là où le busy bragging entre en scène, c’est quand quelqu’un se vante régulièrement de sa charge de travail intense et de son emploi du temps délirant, le tout dans le but de se donner l’air important.
« J’ai tellement de projets, je pense même plus à manger! »
« Dormir? Oublie ça! Je suis restée au bureau jusqu’à 2h du matin, hier. »
« Désolé, j’ai pas le temps de jaser : je suis entre deux réunions, j’ai 87 courriels non lus, [prend 10 min pour continuer la liste]… »
Ça vous dit quelque chose? Reconnaissez-vous un comportement que vous pourriez vous-même avoir?
Le busy bragging, s’inscrit dans la culture nord-américaine du travail, où chaque instant devrait être hautement productif, comme l’illustre la popularité tenace des hashtags tels que #RiseAndGrind #HustleCulture.
Glorifier le stress, c’est pas sexy
En 2024, une équipe de doctorants en psychologie a décidé de s’intéresser à notre rapport au surmenage. C’est alors que le terme busy bragging a vu le jour, en même temps que leur étude. Contre toute attente, leurs recherches ont déterminé que le fait de se vanter d’être débordé ne nous donne pas du tout l’air d’être plus productif ni même indispensable. Au contraire, les employés ont plutôt tendance à percevoir leurs collègues coupables de busy bragging comme des personnes moins compétentes, avec qui on a moins envie de développer des liens, et des présences moins positives au sein de leur équipe.
Ainsi, après toutes ces années passées à idéaliser le workaholisme ostentatoire, on commence enfin à réaliser qu’au final, celui-ci n’impressionne personne.
Pire que ça, l’étude met aussi en lumière un effet collatéral du busy bragging, soit que les collèges des « vantards de la charge de travail » ressentaient, par contagion, de plus hauts niveaux de stress, et étaient plus à risque d’épuisement professionnel.
Quelques conseils
Si vous ou l’un de vos proches êtes des victimes de la culture entrepreneuriale toxique du premier quart du XXIe siècle et que vous vous êtes rendu coupable de busy bragging, ne désespérez pas.
Au lieu de voir le surmenage comme une fierté, réalisez qu’il est probablement le fruit d’une mauvaise gestion de votre temps, d’un travail d’équipe déficient, et d’une mauvaise hygiène de vie.
Il peut également être la faute de vos gestionnaires et un effet pervers du capitalisme.
Plutôt que de déverser inlassablement votre stress sur vos collègues, vous pourriez vous ouvrir à votre équipe en leur confiant votre réel ressenti. Parce que, et soyez honnête, êtes-vous vraiment aussi occupé que vous le prétendez?
Est-ce une source de fierté ou d’angoisse?
Pourriez-vous alléger votre emploi du temps, travailler de façon plus efficace ou demander un coup de main ici et là? Discuter de votre charge de travail de façon vulnérable et honnête, c’est tout l’opposé d’un busy bragging.
Et si on passait au prochain chapitre de notre rapport au travail? Et si on arrêtait de contribuer à une culture qui valorise le surmenage et la production au détriment de notre santé? La prochaine fois qu’on vous demandera comment ça va, essayez donc de répondre : « tranquille ». Au stade où on est, c’est presque un acte révolutionnaire.