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Le biochar, l’or noir du jardin

Un hack méconnu pour avoir un petit coin de paradis bien charnu.

Par
Marjolaine David
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On entend de plus en plus parler de l’usage du biochar – mot-valise réunissant « biomasse » et « charbon » – en agriculture. Pourtant, il n’a rien de nouveau; si on se retourne vers l’histoire, on se rend compte qu’il s’agit d’une méthode traditionnelle millénaire.

En effet, durant la période précolombienne, des sociétés humaines utilisaient le charbon de bois, un type de biochar, pour améliorer la structure et la productivité des sols très pauvres de la forêt amazonienne. Ces sols, nommés « terra preta », forment aujourd’hui d’étonnants îlots de fertilité à travers l’Amazonie. Depuis le début du siècle, de nombreuses recherches ont été réalisées sur le sujet, renouvelant ainsi l’intérêt agricole du biochar.

Le biochar, c’est quoi?

Il s’agit de biomasse, souvent issue de résidus de l’industrie forestière et carbonisée grâce au procédé de la pyrolyse. Une chaleur entre 300°C et 800°C décompose la matière organique, mais, en l’absence d’oxygène, cette dernière ne brûle pas et conserve ainsi sa structure. Le résultat est un produit avec une haute teneur en carbone et rempli de microporosités.

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Les avantages du biochar

Aux Jardins de l’Écoumène, le semencier Jean-François Lévêque, en collaboration avec le centre collégial de recherche Biopterre, utilise le biochar dans ses parcelles depuis plusieurs années et note de nombreux effets bénéfiques sur les plantes qu’il cultive. Il le qualifie même de « chaînon manquant des sols vivants ».

« Ma quête comme agriculteur biologique est de soutenir et maintenir la vie dans les sols. » C’est exactement ce que le biochar lui permet de faire. Une image souvent utilisée pour expliquer le rôle de cet amendement est celle de l’éponge : il attire les bactéries et les champignons bénéfiques dans ses cavités. Non seulement ces microorganismes participent, grâce à des symbioses, au développement des plantes cultivées, mais leur présence améliore aussi la santé biologique du sol, et ce, malgré la perturbation créée par le travail manuel ou mécanique.

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Les qualités du biochar ne s’arrêtent pas là. Dans la littérature scientifique, on découvre qu’il a la capacité de retenir les nutriments comme un aimant afin de les rendre disponibles auprès des plantes potagères tout au long de la saison. Il réduit ainsi le lessivage du sol : plutôt que d’être transportés dans les couches plus profondes du sol lors de précipitations, les nutriments restent « collés » aux particules de biochar et accessibles aux plantes.

De plus, il aide aussi à structurer le sol et éviter sa compaction. Dans un mélange de terreau d’empotage, il peut remplacer la perlite ainsi qu’une partie de la tourbe puisqu’il permet à la fois un meilleur drainage et une meilleure rétention d’eau. Finalement, il est particulièrement stable et durable. Contrairement au compost ou au fumier. Il n’est donc pas nécessaire d’en appliquer à chaque année, car il reste dans le sol pendant des centaines d’années.

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Application en mélange avec du compost

Bien que le biochar semble miraculeux, il existe quelques bémols. D’abord, dans les premières semaines suivant son application, il peut entrer en compétition avec les plantes pour les nutriments dans le sol, surtout s’il est appliqué durant leur période de croissance. Puisqu’il agit comme une éponge, il absorbe les nutriments dans le sol, les rendant ainsi momentanément indisponibles pour les cultures potagères, et les relâche graduellement par la suite.

La solution est toute simple : il suffit de mélanger le biochar avec du compost ou du fumier et d’attendre une semaine avant de l’appliquer au jardin ou alors de le mélanger à du terreau pour la transplantation. La biomasse est ainsi « chargée » de nutriments et prête à les relâcher.

Application directe

Cette technique peut sembler compliquée pour de grandes surfaces c’est pourquoi il est aussi possible de le mélanger directement dans la terre. On tentera alors de le faire à l’automne ou une semaine avant la transplantation, tout simplement.

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Finalement, l’application du biochar doit se faire graduellement. Aux Jardins de l’Écoumène, on recommande un ratio optimal d’un kilogramme de biochar par mètre carré avec des applications étalées sur plusieurs années. De cette manière, le ratio de biochar dans le sol augmente graduellement sans perturber le sol (ni faire un gros trou dans son budget).

Culture en pots

Selon le propriétaire des Jardins de l’Écoumène : « L’effet du biochar est encore plus perceptible en culture en contenants qu’en culture en sol. » En effet, son application permet une meilleure rétention des nutriments et de l’eau dans les pots, un défi de taille pour les jardinier.ère.s urbain.e.s. L’utilisation de biochar dans le mélange de terreau permet une meilleure vigueur et une plus grande productivité des plants, et ce, malgré l’espace restreint alloué pour le développement de leurs racines.

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Choisir un biochar

Il faut savoir qu’il existe des centaines de biochars. Le type de biomasse, les technologies utilisées et la grosseur des particules sont trois facteurs qui influencent leur qualité et leur prix.

Comment choisir le produit idéal pour son jardin? En règle générale, le biochar de bois est une valeur sûre. Quant à la granulométrie, tout dépendra de la méthode d’application. Selon Jean-François Lévêque, une fine granulométrie permettra davantage de porosités, mais s’épandra néanmoins plus difficilement.

Il suggère d’utiliser du biochar fin pour une application en pots ou en mélange avec du compost et de choisir une granulométrie plus grossière pour des applications sur de grandes surfaces. Il utilise cet amendement tant pour ses semis que dans ses serres et ses champs et le considère comme un « investissement en capital carbone » pour la santé des sols. Jean-François Lévêque propose les deux granulométries, en différents formats, sur le site des Jardins de l’Écoumène.

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Curieux.euse d’en apprendre plus sur le sujet? Vous pouvez regarder la capsule Biochar : un amendement à effet prolongé de La semaine verte ou écouter l’épisode Le biochar – Suzanne Allaire du balado Mâche-patate.