J’ai toujours été grosse. À 12 ans, je m’habillais déjà chez Pennington. Il faut dire que ma puberté est arrivée rapidement. C’était souvent difficile de trouver des vêtements qui faisaient de mon âge et qui n’étaient pas trop révélateurs.
Quand venait le temps de choisir un maillot, je n’avais pas beaucoup d’options. Soit je prenais le maillot pour « madames » ou les maillots de sport. Je voyais mes amies porter des bikinis et je rêvais secrètement d’en avoir un moi aussi.
L’été de mes 8 ou 9 ans, je me souviens que ma mère m’en avait acheté un. J’ai toujours été une fan de l’été, du soleil et de la baignade. Je le portais donc tout le temps.
C’est le seul souvenir que j’ai d’avoir porté un maillot deux-pièces avant l’âge adulte. Plus tard, j’ai multiplié les tankinis et éventuellement, je les ai troqués pour les maillots de sport. C’est seulement à l’âge de 22 ans que j’ai commencé à mettre des bikinis pas mal tout le temps.
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Je ne pense pas que ces choix étaient liés à de la pudicité de ma part. J’ai toujours nagé ou dansé, j’étais donc habituée d’être en maillot. Je pense que ce qui me poussait vers ces choix était tout simplement le manque d’options disponibles pour mon type de corps. Ça fait juste 4-5 ans que les bikinis sont devenus une « vraie » option pour les personnes grosses, et même là, le choix reste restreint et souvent peu accessible monétairement parlant.
Une autre raison qui m’a poussée à adopter des maillots moins « révélateurs » est ce que j’appelle « mes formes pulpeuses ». J’ai une bonne poitrine et de bonnes hanches. En étant une personne grosse, ça amène soit des commentaires haineux ou disgracieux, ou bien une hypersexualisation de mon corps. Et ce n’est pas tout le temps chouette à gérer. Des fois, je n’ai juste pas l’énergie de dealer avec ces commentaires et l’attention mise sur mon corps. Je veux juste vivre ma best life à la plage ou à la piscine.
Le manque de représentation de personnes grosses en bikini est également un problème dans la perception qu’ont les personnes grosses de leur propre corps et de leur liberté de porter ce type de vêtement. Dans les dernières années, ç’a un peu changé et je pense qu’on peut remercier toutes les magnifiques femmes grosses de ce monde qui s’assument autour de nous. Par contre, elles représentent encore une minorité. Et lorsqu’on voit des publicités de bikinis pour personnes grosses, il est très rare qu’un contexte sportif y soit associé. Cette réalité se fait aussi sentir dans les magasins, où le choix pour les bikinis sport taille plus est presque inexistant.
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Malgré toutes ces raisons, il y a trois ans, j’ai décidé que j’en avais un peu marre de ces normes sociales. J’ai décidé que moi aussi, je pouvais mettre des bikinis, même si je suis grosse, même si j’ai une bonne poitrine. J’ai lâché prise par rapport à ce que les autres peuvent bien penser de moi.
Ce n’est pas tout le temps facile et c’est un peu intimidant par moment. Je mets encore des maillots une pièce, surtout quand je m’entraine ou que je travaille avec des enfants. Mais quand je vais au spa, à la plage, à la piscine ou même juste faire du yoga sur le bord du fleuve, je mets des hauts de bikinis ou des tops courts. Souvent, je reçois plus de compliments que l’inverse. C’est sûr que je croise beaucoup de regards pervers ou désapprobateurs, mais je réussis à en faire fi.
Par contre, je ne suis pas arrivée là du jour au lendemain. J’ai commencé à porter le bikini dans ma cour ou au lac en bas de chez mes parents, deux lieux où je me sens en sécurité. J’y allais souvent avec des ami.e.s, pour ne pas être seule si quelque chose se produisait.
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Puis, peu à peu, je suis allée dans des parcs avec un chandail ou une veste par-dessus et, rendue sur place, je l’enlevais pour me faire bronzer en maillot. Petit à petit, je me suis mise à mettre mon bikini sans rien par-dessus, mais sans enlever mes écouteurs. Les écouteurs agissaient comme une barrière de sécurité, j’écoutais juste de la musique qui me faisait me sentir bien.
Maintenant, c’est rare de me voir avec un chandail qui couvre mon nombril été comme hiver, au plus grand désarroi de mes parents.
Quand je porte un bikini, je me sens sexy, je me sens confiante, je me sens forte.
Une autre chose qui m’a beaucoup aidée a été de rejoindre la communauté « Montreal fat babe squad ». En cas de doute, je sais que je peux toujours aller me confier à un groupe de personnes qui vivent les mêmes enjeux que moi. J’ai aussi arrêté de suivre sur Instagram des personnes qui vendaient/proposaient des régimes ou avaient des propos grossophobes, puis je me suis abonnée à des comptes de personnes qui me ressemblent et partagent mes valeurs.
Quand je porte un bikini, je me sens sexy, je me sens confiante, je me sens forte. Je me permets aussi de porter plus de couleurs pâles ou vives et même des motifs. Ça me permet de me reconnecter avec ma féminité.
Personnellement, je trouve que mettre un bikini, c’est faire un pied de nez au patriarcat, me ficher des standards de beauté et juste être moi-même. J’aimerais tellement voir plus de personnes avec tous types de corps porter le bikini, s’accepter comme elles sont et arrêter de vouloir changer leur corps.
Porter le bikini a été très libérateur pour moi et j’espère que ce le sera pour vous!