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Le beau, le mauvais et le laid de la faillite annoncée de Forever 21

Vie et mort d'un emblème du fast fashion.

Par
Josiane Stratis
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Voici une belle occasion de faire ce que j’aime le plus au monde : « jumellespliquer » des affaires parce qu’il faut savoir s’éloigner des grands titres et voir plus loin quand on annonce quelque chose.

La faillite de Forever 21, donc.

L’annonce

Dimanche soir, le journal The New York Times a annoncé en primeur la faillite de Forever 21, une des pierres angulaires du fast fashion – le genre de boutique qui renouvelle constamment les collections en magasins, ce qui représente quelque chose comme 26 collections par année.

Pour faire bouger les marchandises, les prix doivent être agressifs (lire « très bas ») pour pousser le consommateur à acheter sans trop penser. Cette nouvelle façon de consommer a été rendue possible surtout à cause de l’ouverture des barrières d’importation, ce qui a presque retiré tous les frais sur les vêtements produits ailleurs en Amérique.

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Forever 21 a annoncé s’être placé sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites aux États-Unis et s’il y a une chose à se rappeler, c’est ça… et le fait que la compagnie va fermer ses boutiques au Canada et dans d’autres pays à travers le monde.

Le beau

Dans les belles années du fast fashion, tout le monde a pu profiter des bas prix en magasin qui étaient offerts par la magie de la production rapide et des copies de grands designers (ou de grandes inspirations). Le monde de la mode ne vivait pas encore de gros changements, c’est juste que tout le monde pouvait s’offrir des trucs à des prix plus bas. Pour offrir ce genre de prix, il fallait couper dans la qualité du vêtement, des matières et des salaires de production. Chose que beaucoup de grandes compagnies ont eu beaucoup de plaisir à faire.

Tout était en place pour que ce genre de magasin soit partout.

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Pour le consommateur, c’était la situation rêvée : dans ses virées shopping, il pouvait en avoir plus pour son argent. Et en magasin, plusieurs stratégies étaient mises en œuvre pour faire en sorte qu’il ressente l’urgence d’acheter (grosse musique, pas de place, cabine toujours pleine, etc.). Ajoutons à ça l’arrivée des sites web de partage de contenu comme Instagram, les blogues qui en parlent et le fait que la mode aide quand même à se forger une image de soi. Et BAM! Tout était en place pour que ce genre de magasin soit partout.

Le mauvais

Toutes ces belles années ne pouvaient pas durer. Et, même si j’essaie de m’empêcher de faire un jeu de mots, c’est impossible d’avoir toujours 21 ans et d’être dans son « prime time ». La crise économique de 2009 frappe le monde, et s’ensuivent plusieurs crises sociales. Le monde change comme il a toujours changé.

Mais le vrai de vrai coup dur est arrivé avec notre tendance de millénale à ~ne plus vouloir nous déplacer~.

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L’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, dans lequel ont péri plusieurs centaines de travailleurs du textile, a donné un coup dur à l’image de la mode jetable. Mais le vrai de vrai coup dur est arrivé avec notre tendance de milléniaux à ~ne plus vouloir nous déplacer~.

Beaucoup d’entreprises de fast fashion sont détenues par des baby-boomers, tandis que les consommateurs sont des milléniaux. Les grands boss ne s’adaptent pas vite, font comme ils ont toujours fait et ouvrent des magasins qui coûtent cher au pied carré, qui ont des frais fixes élevés et qui doivent être remplis d’employés.

Ce modèle fonctionne uniquement si le magasin peut vendre énormément de morceaux à bas prix, ce qui donne une petite marge sur chaque vente. Et ainsi, on fait des milliards avec des 25 cennes. Genre.

Le laid

En gros, les magasins capotent, ils ne font pas assez de ventes et l’internet devient un magasin à plus bas prix qui offre les mêmes vêtements mal faits, encore moins chers, avec un délai de livraison vraiment long, mais toujours ben là quand même. Puis, la population commence à se déplacer encore moins. Les magasins remplis de monde commencent à épuiser le monde, les consommateurs veulent consommer différemment, payer encore pas cher, mais pour de la qualité et surtout en avoir pour leur argent.

Les boutiques de fast fashion ont commencé à augmenter leurs prix, mais pas nécessairement la qualité, ce qui fâche avec raison le consommateur.

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Les boutiques de fast fashion ont commencé à augmenter leurs prix, mais pas nécessairement la qualité, ce qui fâche avec raison le consommateur. Et là BANG. Depuis 2018, des centaines de magasins ferment parce que leurs dirigeants se rendent compte que c’est pas rentable avoir autant de pieds carrés de vente et qu’ils n’ont pas été assez vites pour s’adapter au commerce en ligne. En bons baby-boomers, ils mettent ça sur la faute des milléniaux qui veulent des vêtements plus verts quand au final, ils ne veulent pas se déplacer trop trop, ils veulent des bonnes affaires pour un bon prix et surtout des jeans qui sentent pas le chimique.

L’article 11

En bref (lol), l’article 11 protège Forever 21 de ses créanciers, mais lui permet de faire un tour de passe-passe économique assez le fun. L’entreprise se restructure en fermant un maximum de magasins qui coûtent trop cher (la compagnie peut se sauver des baux commerciaux super agressifs) et continue ses activités dans ses secteurs les plus payants. Et comme Forever 21 doit identifier ses marchés les plus payants pour fermer ses moins payants, c’est dans des petits marchés comme le Canada et le Japon où les plus grandes fermetures ont lieu. Anyway, les gens magasinent en ligne encore et seront capables d’aller aux États-Unis magasiner si ça leur brûle les doigts de le faire.

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La seule affaire vraiment plate dans tout ça, c’est qu’il y aura encore moins de choix pas cher pour la clientèle taille plus, surtout pour des pièces un peu plus statement.

Alors voilà. Un beau résumé de mille mots d’une situation complexe dont on attend la suite!