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L’avenir du voyage vu par la propriétaire d’une agence de voyages

Une année de pause qui nous a fait réfléchir à comment on veut voyager.

Par
Ariane Arpin-Delorme
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Il y a plus d’un an déjà, je témoignais de ma «nouvelle» réalité professionnelle. Qui aurait cru qu’autant de choses seraient encore suspendues dans le temps et que d’autres auraient complètement changé suivant cette foutue pandémie? L’industrie du voyage fut l’une des premières touchées par la crise sanitaire.

Pour la grande majorité d’entre nous œuvrant dans cette industrie, nous avons été forcés de redonner un sens nouveau à notre entreprise et de complètement sauter dans le vide.

Culpabilité, quand tu nous tiens

J’ai fondé Esprit d’Aventure, une agence de voyages sur mesure il y a plus de huit ans (la meilleure sur le marché, je vous jure!). Nous étions une quinzaine de conseillers en voyages et de collaborateurs réguliers avant la crise.

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J’ai encore un peu de mal à faire disparaître ce sentiment de culpabilité qui me hante. Je sais très bien que ce qui est arrivé n’est nullement ma faute, mais en tant que propriétaire, je ne me suis pas sentie à la hauteur pour rassurer les conseillers et les voyageurs, alors que j’étais moi-même paniquée.

Nous avons essayé de réduire le plus possible nos dépenses, surtout du côté de la promotion et du marketing web, mais nous avons aussi dû couper les salaires. Ce n’est évidemment pas le genre de décision que je souhaitais devoir prendre.

Plus de 2000 conseillers en voyages ont carrément changé d’orientation.

Le coût de la pandémie fut atroce pour l’industrie. La directrice de l’Association canadienne des agences de voyages, Manon Martel, rapportait en début d’année à Radio-Canada que «plus de 100 agences de voyages ont fermé définitivement leurs portes dans la province depuis le début de la pandémie». Dans le même article, le vice-président de l’Association des agents de voyages du Québec, Éric Boissonneault, mentionne que plus de 2000 conseillers en voyages ont carrément changé d’orientation.

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Je fais partie de quelques groupes de professionnels du voyage sur les réseaux sociaux et beaucoup d’employés semblent avoir été mis à pied temporairement. Ici, à l’agence, plusieurs d’entre nous doivent combiner plusieurs autres emplois en attendant la reprise.

Retour en arrière

Les premières semaines de la crise en mars 2020 furent l’enfer: rapatrier les voyageurs au pays, sécuriser les clients sans l’être nous-mêmes, subir une pression immense à se battre contre les avocats de clients qui n’acceptent pas le report de leur voyage et qui exigent le remboursement complet quand ceci était logistiquement impossible. Ce n’était pas de tout repos!

Depuis l’été 2020, mon quotidien – et celui de certains conseillers – ressemble davantage à continuer de tenir au courant les voyageurs, de reporter leurs voyages maintes et maintes fois, courir après les compagnies aériennes pour la remise de crédits ou de remboursements, récolter l’information de première main de la part de nos partenaires à destination et espérer qu’ils survivent eux aussi à la pandémie.

Ça s’annonce pour être une deuxième année avec zéro revenu.

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Alors que les selfies de vaccins se multiplient sur les médias sociaux, on sent une lueur d’espoir et un regain d’intérêt de la part de nouveaux voyageurs. Mais attention, chaque fois que les règles gouvernementales fédérales se resserrent, les voyageurs se découragent et laissent tomber.

Et qu’en serait-il de la vaccination pour la grande majorité des destinations? Avec presque aucune nouvelle demande de clients pour 2021, ça s’annonce pour être une deuxième année avec zéro revenu. Personne n’est rémunéré tant que les voyageurs ne partent pas.

Qu’est-ce qu’on peut faire en attendant?

J’ai encore ce mauvais goût dans la bouche que notre industrie a été oubliée par les gouvernements. La plupart des agences émettrices et celles ayant des conseillers en voyages rémunérés à la commission n’ont malheureusement pas pu recevoir d’aide financière (à part peut-être quelques prêts récemment). Je dois admettre que mon partenaire d’affaires et moi nous nous sentons bien seuls face à cet Everest de défis.

Mais le plus thérapeutique fut sans aucun doute d’avoir la chance de parler ouvertement de ma réalité à des expertes non impliquées émotionnellement dans l’entreprise.

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Au moins, l’agence a réussi à intégrer un programme encadré par le Centre d’expertise de l’ITHQ. J’ai donc pu bénéficier de plus de 40 heures de coaching proposées par trois consultantes en marketing et en gestion des ressources humaines. Ces rencontres m’ont permis de discuter d’alternatives pour amener des revenus autres à l’agence en attendant: valoriser notre service unique de consultation pour voyageurs indépendants et nos valeurs écolo (nous sommes une entreprise 100% carbone neutre), possiblement transformer nos locaux en espace de co-working ainsi que de pousser notre offre de conférences-voyages (que je propose déjà à l’extérieur).

Mais le plus thérapeutique fut sans aucun doute d’avoir la chance de parler ouvertement de ma réalité à des expertes non impliquées émotionnellement dans l’entreprise.

Ô toi, futur incertain

Moi qui carbure aux nombreux projets, j’avoue que c’est la première fois que je ne vois plus ou moins aucune lumière à l’horizon. Bien que la santé financière de l’agence est encore viable, je me questionne à savoir de quoi sera fait le monde du voyage de demain ainsi que le futur de mon agence.

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Pour que ce futur soit réellement viable, ce grand choc collectif devra nous apprendre que nous devons considérer le lot de responsabilités qui vient avec le grand privilège de pouvoir voyager. Nous n’aurons pas le choix de changer nos habitudes effrénées de consommation, de voyager autrement suivant une économie résiliente, circulaire et zéro carbone.

La plupart d’entre nous vont toujours ressentir un besoin viscéral de vivre le voyage d’une vie.

Et une chose est sûre, les agences de voyages seront là pour les aider à concrétiser leurs rêves!

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